“Bienvenue au Niger”

Implosion du nombre de déplacés forcés, montée des nationalismes, incertitude sur les ressources financières tant pour assister que pour accompagner le vivre-ensemble. Quand on observe la situation à l’échelle mondiale, il faut s’accrocher pour rester optimiste.
Changeons alors d’échelle « Bienvenue au Niger ».
Pour ceux qui ne peuvent se déplacer jusqu’à ce pays enclavé du Sahel, la première étape est d’essayer, autant que possible, de ranger dans un coin de votre tête tout ou partie de ce que vous avez pu lire ou entendre sur ce pays. Pour ceux qui s’y sont déjà rendus ou y vivent, vous savez surement où nous voulons en venir: Le Niger est un pays accueillant.
Plus de 100,000 réfugiés nigérians à l’est, près de 60,000 réfugiés maliens à l’ouest.
Pas de tensions malgré des contextes socio-économiques et sécuritaires complexes. Il y a quelques semaines, face à un regain d’insécurité sur la frontière nigéro-malienne, l’état d’urgence était déclaré à l’ouest dans certaines communes de Tahoua et Tillaberi. L’état d’urgence est en vigueur depuis deux ans à l’est dans la région de Diffa.
Pour autant, il y a quelques semaines de cela, se tenait un « Atelier sur l’Urbanisation » dans la ville Tillaberi avec la participation des autorités administratives nationales et locales, des élus locaux, de la chefferie traditionnelle et de l’UNHCR. En d’autres termes, un atelier visant à transformer les trois camps où vivent près de 35,000 réfugiés (Abala, Tabareybarey, Mangaize) en quartiers ou extensions des villages d’accueil. Conclusion des travaux : tous les acteurs se sont unanimement accordés sur la nécessité d’aller rapidement de l’avant.
Par les temps qui courent, le symbole est fort. « Bienvenue au Niger ».
A travers l’accompagnement de sept communes de la région de Diffa, en bordure du Lac Tchad, l’UNHCR et son partenaire CISP mènent déjà des programmes d’urbanisation. Ils visent à renforcer les capacités d’accueil des communes face à la population additionnelle que représentent les réfugiés nigérians. Dans le cas des réfugiés maliens de la région de Tillabéry, la logique est différente elle vise à démanteler des camps traditionnels. Dans les deux cas, deux principes centraux et interdépendants: mixité sociale sur les nouveaux sites urbanisés et partenariat gagnant-gagnant avec les communes. Outre les espaces dédiés à la voirie et aux services, le processus d’urbanisation inclut la création de parcelles sociales de 200 m2 pour les réfugiés et les hôtes vulnérables ainsi que la création de parcelles dédiés à la vente pour les communes. Leurs recettes internes augmentent et elles sont aussi en mesure de répondre aux nombreuses demandes d’achat de parcelles de leurs administrés. Les propriétaires des champs sont quant à eux indemnisés sous forme de remise de parcelles qu’ils peuvent à leur tour vendre.

Dans la région de Tillaberi, un projet pilote a été enclenché en 2016 pour permettre à 400 ménages réfugiés de Tabareybarey de s’installer à 6 kilomètres du camp, dans la ville d’Ayorou. Un « Comité d’intégration des réfugiés maliens » a été créé spontanément par les autorités locales et la chefferie. Les candidats à la sortie du camp sont principalement des familles souhaitant se rapprocher de la ville d’Ayorou soit pour assurer, au-delà du primaire, la continuité de la scolarité de leurs enfants, soit parce qu’elles mènent des activités économiques à Ayorou occasionnant des coûts de transports quotidiens. Dans un premier temps, les candidats étaient timides. Aujourd’hui, la demande est forte. Pour le Maire d’Ayorou, il aurait même fallu aller depuis longtemps en ce sens « nous avons enclenché le processus d’intégration à Ayorou mais nous aurions dû enclencher cela plus tôt, vu le temps qu’ont déjà passé les réfugiés avec nous».

Alors que pour le camp d’Abala, l’urbanisation se réalisera sur le site actuel du camp, dans le cas de Mangaize, un nouveau site a d’ores et déjà été identifié, à quelques kilomètres dans la commune de Tondikwindi. Mangaize est le camp le plus exposé en termes sécuritaire. Les réfugiés valident ce mouvement. Le chef de canton de Tondikwindi va offrir 80 ha pour le nouveau site. Il traduit son geste en ces termes : « un proverbe Haoussa dit Bakonka Allah kan. Cela veut dire ton étranger est ton dieu. Concrètement cela signifie que tu peux tout donner à l’étranger pour le mettre à l’aise chez toi. Il doit avoir l’accès la terre, pouvoir fonder un foyer dans de bonnes conditions et pouvoir participer à son intégration dans son nouveau milieu ».
Pour aller vers la fin des camps, en termes d’investissement, cela suppose d’abord la réalisation du processus de lotissement qui s’achève par la signature du Ministre de l’Urbanisme. Peu couteux, ce processus requiert cependant une attention particulière pour éviter tout contentieux. Le second type d’investissement vise à casser tout système parallèle de provision des services. Pour la santé, l’eau et l’éducation, les réfugiés doivent intégrer les mécanismes nationaux, sans en perturber un fonctionnement déjà fragile. Réhabilitation ou construction d’écoles publiques, construction ou réhabilitation de centres de santé publics, passation d’infrastructures hydrauliques en bon état vers des délégataires sont autant d’investissements à réaliser sur chacun des sites. Le besoin est estimé à 3,000,000 d’euros. Pour le dernier type d’investissement, la construction des logements, les besoins sont de 10,000,000 d’euros, mais avec une logique de mise en œuvre qui assure plus de 70% de retombées économiques dans l’économie locale.
Donateurs, ONG, philanthropes, journalistes, chercheurs, à tous ceux qui comme l’UNHCR pensent que la dynamique dans la région de Tillaberi est juste belle et mérite d’être accompagnée avec enthousiasme : « Bienvenue au Niger ».