« Il existe un gap de plus de 700 enseignants pour la région de Diffa »



Les résultats sont tombés il y a quelques semaines et ils sont sans appel: seul 16% des enseignants contractuels présents à Diffa ont passé le test d’évaluation de leurs compétences lancé sur l’ensemble du territoire par le Ministère de l’Enseignement. 44% n’ont pas atteint la note de 5 sur 20. Diffa est classée en dernière position au niveau national. A l’image des autres services publics et déjà précaire avant la crise, le système éducatif dans la région de Diffa se voit aujourd’hui particulièrement affecté. Les acteurs humanitaires sont profondément engagés auprès des autorités mais la tâche reste colossale. Comment expliquer cette situation et quelles solutions ? Éléments de réponses avec Mr Assane Hamza, Directeur Régional de l’Education Primaire.

Monsieur le Directeur, comment analysez-vous les résultats des évaluations des enseignants du niveau primaire pour la région de Diffa?

C’est une opportunité que vous m’offrez de me prononcer sur une des questions qui est forcément d’actualité tant au niveau national que régional et qui reste une préoccupation majeure pour le système éducatif nigérien. Il y a d’abord eu une première évaluation en début d’année scolaire ayant ciblé un échantillon d’enseignants par région dont les résultats se sont confirmés avec l’évaluation générale ayant touché l’ensemble des enseignants sur l’étendue du territoire. Sur les huit régions du pays, la région de Diffa reste la plus faible en termes de performance à l’issue des deux différentes évaluations réalisées.

Pourquoi cet écart avec le reste du pays ?

Avant de répondre à cette question, je voudrais évoquer un élément qui nous fait penser que la région devrait être classée plus en haut du classement et qui n’a pas forcément été pris en compte. De quoi s’agit-il ? Diffa bénéficie de l’appui de plusieurs partenaires intervenant dans le cadre de l’éducation en général et de l’éducation primaire en particulier. Ce que l’on perd de vue, c’est que ces partenaires ne sont là pour la plupart que seulement depuis deux à trois ans. C’est-à-dire que cet appui n’a réellement existé qu’à partir de la période de crise humanitaire que traverse la région alors que le manque d’enseignants, en nombre suffisant et de qualité, perdure depuis deux décennies.

Les enseignants qui sont affectés à Diffa sont souvent ceux qui n’ont pas été recrutés dans leurs propres régions ou sur des postes qu’ils ont sollicités. Dans ces conditions, les gens acceptent de venir malgré eux. Nous savons également que l’Ecole Normale d’Instituteurs à vocation de former les enseignants, mais celle de Diffa est la dernière du pays à avoir été créée. Elle ne date que de quelques années. Ceci explique aussi que la moyenne intellectuelle de ce corps de métier soit très faible en termes de nombre pour couvrir la région. Pour revenir à la situation de crise que nous observons, nous pouvons dire que cela a déstabilisé le maintien des élèves à l’école, cela accentue la baisse du niveau chez les enfants et trouble l’enseignement dans beaucoup d’endroits malgré les efforts de l’Etat à travers la Direction Régionale et les partenaires.

Quelles solutions sont envisagées pour inverser la tendance ?

L’Etat a fourni des efforts pour construire des classes. Il reste à fournir les enseignants en nombre suffisant pour prendre en charge ces classes. Suite à la dernière évaluation qui a déterminé inapte une partie des enseignants, Il existe un gap de plus de 700 enseignants pour la région de Diffa.

En termes de mesures prises ou en instance, pour ne citer que les deux premières prises par l’Etat au niveau national, nous pouvons mentionner le redéploiement de 60 instituteurs et de 30 enseignants. Nous procéderons bientôt au niveau local à un redéploiement des enseignants du centre urbain de Diffa vers les centres ruraux. Dans le même cadre, pour combler le gap des 700 enseignants, nous opérerons à partir cette année à ce que nous appelons la multi-gradation qui consiste à regrouper plusieurs niveaux et un plus grand nombre d’élèves dans une seule classe qui peut aller jusqu’à 60 élèves alors que la norme d’une classe à un seul niveau est de 25 élèves.

Sur le volet formation, nous avons également introduit une feuille de route au niveau local qui vulgarisera cinq modules aux enseignants sur le terrain, ce qui va notamment favoriser la gestion du temps scolaire et améliorer à la fois la prestation des enseignants dans la pratique. La contribution des parents et bien entendu aussi une priorité.