« Kallo Tchidanio », construisons ensemble : lancement de la seconde phase du programme urbanisation de l’UNHCR à Diffa



Les 14 et 15 novembre se tenaient à Diffa deux jours d’échanges co-organisés par l’UNHCR et le Conseil Régional de Diffa afin de préparer la nouvelle phase du programme d’urbanisation. Cet atelier a vu la participation massive des maires, des chefs de canton, des préfets et des services techniques de l’Etat. Appuyé par l’Union Européenne, cette seconde phase porte un nom à la signification claire « Kallo Tchidanio », « construisons ensemble » en langue Kanouri. 2018 est une année centrale pour permettre à la région de Diffa de se projeter vers le futur.

L’UNHCR, en collaboration avec l’ONG CISP, a enclenché son programme d’urbanisation depuis 3 ans dans la région de Diffa. Il vise à accompagner le vivre-ensemble et les alternatives aux camps de réfugiés en assurant l’accès légal au foncier pour le logement. Plus de 350 hectares ont été lotis, 7 lotissements ont déjà vu le jour. Voirie, équipements, et parcelles sont inclus dans les projets de lotissement qui sont validés par le Ministère de l’Urbanisme. Les zones loties sont aussi mixtes : réfugiés, hôtes, pauvres et nantis cohabitent. Le système mis en place est hybride entre logement sociaux et propriété foncière via la logique de « parcelle sociale ». Les ménages réfugiés bénéficiaires ont l’usus des parcelles (200 m2), mais ne peuvent ni les louer ni les vendre avant une période de 5 ans. Après 5 ans, ils deviennent propriétaire. Lorsqu’un ménage décide de quitter sa parcelle, celle-ci redevient un bien communal qui la remet à un nouveau ménage vulnérable Depuis 2014, près de 2000 ménages réfugiés ont bénéficié de parcelles sociales.

Une logique de gagnant-gagnant structure ce programme. Dans les échanges et les négociations favorisant l’intégration socio-économique des réfugiés, l’UNHCR prend en considération les besoins des communes dont une centrale : la planification urbaine sous fond de mouvements de population et de croissance démographique galopante. Avant cette intervention, les communes touchées n’avaient pas d’expérience dans le processus de lotissement et ne pouvaient donc pas répondre aux demandes de parcelles de leur propre population, même nantie.

Pour cette nouvelle phase, l’UNHCR souhaite aller au-delà des questions de logement et de protection. Un objectif additionnel s’est greffé, celui d’accompagner la relance économique au niveau local en utilisant deux leviers. Le premier est la construction de 4000 logements sociaux en architecture sans bois, dont 70% du cout unitaire est directement réinjecté dans l’économie locale, et qui permet ainsi la création ou le maintien de plus de 2500 emplois.

Logements sociaux construits par CISP et l’Association Nigérienne de Construction Sans Bois à Chétimari (Diffa)


Le second s’opère via viabilisation de près de 450 hectares additionnels, pour un équivalent de 6000 parcelles, dont plus de la moitié reviendra aux communes pour la mise en vente. Dans un contexte de politique de décentralisation, ces ventes permettront de renforcer la capacité de mobilisation interne des ressources par les communes afin qu’elles puissent mettre en œuvre des interventions visant l’amélioration de l’accès aux services de base, de manière autonome ou en co-financement avec les humanitaires.

L’engouement autour de l’intervention est unanime, son potentiel catalyseur est aussi important. Ci-dessous, morceaux choisis des interventions de participants à l’atelier.

Hamadou Hamadou, Secrétaire Général du Conseil Régional de Diffa : Quand on solutionne les problèmes de logement et d’habitat on contribue énormément à la solution globale de cette crise. On ne peut concevoir le bien-être de l’homme sans l’habitat décent qui se traduit par le respect de la vie privé, la sécurité foncière et un minimum de confort. Pour les collectivités territoriales à l’histoire récente que sont le Conseil Régional et les Communes, cette intervention est un soutien fort pour mettre en œuvre les plans de développement au sein desquels le lotissement et l’habitat sont centraux. Au niveau du conseil régional nous avons aussi entamé des réflexions pour concevoir un modèle architectural rural que l’intervention va alimenter considérablement.

D’un point de vue économique, la construction de logement apparait aussi comme un cercle vertueux. On parle ici de constructions durables c’est-à-dire qui évitent aux ménages de perpétuelles réparations comme c’est actuellement le cas. L’intervention va aussi offrir énormément d’emploi, les communes ne se porteront que mieux.

Elhadj Bako Mamadou, Maire de Bosso : Cette seconde phase est très importante pour nous. Nous étions l’une des premières communes à devoir bénéficier de cette intervention mais l’insécurité n’a pas permis d’aller au bout. Bosso est le seul village qui a vu sa population retournée après les déplacements internes dut aux attaques. Les réfugiés sont aussi rentrés avec les communautés hôtes. Ils ne peuvent aujourd’hui continuer à rester sur les parcelles et les concessions des habitants de Bosso. Il faut que chacun retrouve un chez soi. Au-delà, l’intérêt de cette intervention est qu’elle permette à la commune de générer des recettes importantes car une partie des parcelles loties reviennent à la commune qui peut les vendre aux personnes qui en font la demande. A Bosso, nous pensons utiliser ces recettes pour développer d’autres lotissements car la demande d’achat de parcelles par notre propre population est actuellement très élevée.

Directeur Régional de l’Urbanisme : Cette intervention s’avère essentielle pour accompagner les familles sinistrées qui n’ont pas la possibilité d’avoir accès aux terrains. Mais c’est aussi une opportunité pour les communes car l’urbanisation coute cher et elles n’en ont pas les moyens. On est en train de faire un urbanisme de rattrapage, il y a un besoin important d’appui.

Les précédentes phases de lotissement ont été une bonne expérience et attire la curiosité au-delà de la région. Les gens appellent pour se renseigner. On sent aussi une forte appropriation par les communes. Il n’y a pas eu de réticences particulières, les différentes parties ont adhéré. La sensibilisation faite par les autorités et la chefferie a été essentielle.

“Bienvenue au Niger”



Implosion du nombre de déplacés forcés, montée des nationalismes, incertitude sur les ressources financières tant pour assister que pour accompagner le vivre-ensemble. Quand on observe la situation à l’échelle mondiale, il faut s’accrocher pour rester optimiste. Changeons alors d’échelle « Bienvenue au Niger ».

Pour ceux qui ne peuvent se déplacer jusqu’à ce pays enclavé du Sahel, la première étape est d’essayer, autant que possible, de ranger dans un coin de votre tête tout ou partie de ce que vous avez pu lire ou entendre sur ce pays. Pour ceux qui s’y sont déjà rendus ou y vivent, vous savez surement où nous voulons en venir: Le Niger est un pays accueillant.

Plus de 100,000 réfugiés nigérians à l’est, près de 60,000 réfugiés maliens à l’ouest.

Pas de tensions malgré des contextes socio-économiques et sécuritaires complexes. Il y a quelques semaines, face à un regain d’insécurité sur la frontière nigéro-malienne, l’état d’urgence était déclaré à l’ouest dans certaines communes de Tahoua et Tillaberi. L’état d’urgence est en vigueur depuis deux ans à l’est dans la région de Diffa. Pour autant, il y a quelques semaines de cela, se tenait un « Atelier sur l’Urbanisation » dans la ville Tillaberi avec la participation des autorités administratives nationales et locales, des élus locaux, de la chefferie traditionnelle et de l’UNHCR. En d’autres termes, un atelier visant à transformer les trois camps où vivent près de 35,000 réfugiés (Abala, Tabareybarey, Mangaize) en quartiers ou extensions des villages d’accueil. Conclusion des travaux : tous les acteurs se sont unanimement accordés sur la nécessité d’aller rapidement de l’avant. Par les temps qui courent, le symbole est fort. « Bienvenue au Niger ».

A travers l’accompagnement de sept communes de la région de Diffa, en bordure du Lac Tchad, l’UNHCR et son partenaire CISP mènent déjà des programmes d’urbanisation. Ils visent à renforcer les capacités d’accueil des communes face à la population additionnelle que représentent les réfugiés nigérians. Dans le cas des réfugiés maliens de la région de Tillabéry, la logique est différente elle vise à démanteler des camps traditionnels. Dans les deux cas, deux principes centraux et interdépendants: mixité sociale sur les nouveaux sites urbanisés et partenariat gagnant-gagnant avec les communes. Outre les espaces dédiés à la voirie et aux services, le processus d’urbanisation inclut la création de parcelles sociales de 200 m2 pour les réfugiés et les hôtes vulnérables ainsi que la création de parcelles dédiés à la vente pour les communes. Leurs recettes internes augmentent et elles sont aussi en mesure de répondre aux nombreuses demandes d’achat de parcelles de leurs administrés. Les propriétaires des champs sont quant à eux indemnisés sous forme de remise de parcelles qu’ils peuvent à leur tour vendre.



Dans la région de Tillaberi, un projet pilote a été enclenché en 2016 pour permettre à 400 ménages réfugiés de Tabareybarey de s’installer à 6 kilomètres du camp, dans la ville d’Ayorou. Un « Comité d’intégration des réfugiés maliens » a été créé spontanément par les autorités locales et la chefferie. Les candidats à la sortie du camp sont principalement des familles souhaitant se rapprocher de la ville d’Ayorou soit pour assurer, au-delà du primaire, la continuité de la scolarité de leurs enfants, soit parce qu’elles mènent des activités économiques à Ayorou occasionnant des coûts de transports quotidiens. Dans un premier temps, les candidats étaient timides. Aujourd’hui, la demande est forte. Pour le Maire d’Ayorou, il aurait même fallu aller depuis longtemps en ce sens « nous avons enclenché le processus d’intégration à Ayorou mais nous aurions dû enclencher cela plus tôt, vu le temps qu’ont déjà passé les réfugiés avec nous».



Alors que pour le camp d’Abala, l’urbanisation se réalisera sur le site actuel du camp, dans le cas de Mangaize, un nouveau site a d’ores et déjà été identifié, à quelques kilomètres dans la commune de Tondikwindi. Mangaize est le camp le plus exposé en termes sécuritaire. Les réfugiés valident ce mouvement. Le chef de canton de Tondikwindi va offrir 80 ha pour le nouveau site. Il traduit son geste en ces termes : « un proverbe Haoussa dit Bakonka Allah kan. Cela veut dire ton étranger est ton dieu. Concrètement cela signifie que tu peux tout donner à l’étranger pour le mettre à l’aise chez toi. Il doit avoir l’accès la terre, pouvoir fonder un foyer dans de bonnes conditions et pouvoir participer à son intégration dans son nouveau milieu ».

Pour aller vers la fin des camps, en termes d’investissement, cela suppose d’abord la réalisation du processus de lotissement qui s’achève par la signature du Ministre de l’Urbanisme. Peu couteux, ce processus requiert cependant une attention particulière pour éviter tout contentieux. Le second type d’investissement vise à casser tout système parallèle de provision des services. Pour la santé, l’eau et l’éducation, les réfugiés doivent intégrer les mécanismes nationaux, sans en perturber un fonctionnement déjà fragile. Réhabilitation ou construction d’écoles publiques, construction ou réhabilitation de centres de santé publics, passation d’infrastructures hydrauliques en bon état vers des délégataires sont autant d’investissements à réaliser sur chacun des sites. Le besoin est estimé à 3,000,000 d’euros. Pour le dernier type d’investissement, la construction des logements, les besoins sont de 10,000,000 d’euros, mais avec une logique de mise en œuvre qui assure plus de 70% de retombées économiques dans l’économie locale.

Donateurs, ONG, philanthropes, journalistes, chercheurs, à tous ceux qui comme l’UNHCR pensent que la dynamique dans la région de Tillaberi est juste belle et mérite d’être accompagnée avec enthousiasme : « Bienvenue au Niger ».