« L’intervention de l’UNHCR a permis de changer les mentalités sur le gaz »

Visite de l’intervention par le Haut-Commissaire de l’UNHCR lors de sa mission à Diffa (Décembre 2016)


Depuis fin 2015, l’UNHCR a misé sur le gaz comme modalité d’assistance innovante dans la région de Diffa (http://unhcrniger.tumblr.com/post/146545591149/en-contexte-durgence-lunhcr-fait-de-diffa-la ). En septembre 2017, l’UNHCR atteignait sa cible de 27.000 ménages bénéficiaires. En deux ans, le pourcentage de foyers utilisant le gaz à Diffa est passé de 1% à près de 30%. Le suivi se poursuit pour mesurer l’appropriation de cette nouvelle énergie pas les ménages et ses impacts. Réalisée avec l’appui de la Délégation de l’Union Européenne au Niger et de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, cette intervention repose sur un partenariat fort avec le secteur privé, et plus spécifiquement la Société Nigérienne des Hydrocarbures (SONIHY). Issa Abdou Insa est le directeur commercial de la SONIHY. Dressons avec lui un premier bilan.

Comment évaluez-vous le partenariat a qui est d’un nouveau genre tant pour vous que pour la représentation de l’UNHCR au Niger?

Nous avons commencé à travailler ensemble en 2013 pour fournir du gaz aux réfugiés maliens du camp d’Abala. C’était une première expérience assez aboutie qui a permis d’asseoir de bonnes bases de partenariat et apprendre à se connaitre. Mais en termes de volume et de contexte, Diffa reste une expérience à part. A la différence du camp d’Abala où il fallait fournir du gaz dans un espace limité et avec une ONG qui assurait le ravitaillement, à Diffa on a du construire tout un réseau de distribution autonome sur un territoire vaste. Dans la phase préparatoire il y a eu avec l’UNHCR beaucoup d’échanges en analysant des cartes, l’emplacement des déplacés, l’analyse de la situation sécuritaire. Tout en comprenant les besoins humanitaires exposés par l’UNHCR, il a fallu aussi analyser ensemble les risques pour l’entreprise et la rentabilité pour nous de s’installer à Diffa. Même si l’UNHCR nous a surement amené à donner plus de place à l’humain dans nos activités, nous restons une entreprise privée, pas des philanthropes. Au final, chacun a compris les besoins de l’autre car nous avions un objectif commun, celui de faire que cette action soit vraiment durable. De notre côté, nous avons réalisé sous fonds propres des investissements que nous n’avons fait dans aucune région du Niger. Ces investissements sont estimés à 1 milliard de FCFA (environ 1,5 millions d’euro) et consistent en cinq stations GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié) de 10 tonnes, une station de 80 tonnes et plus de 30 points de vente. Au final, ce qui montre que l’intervention fonctionne est le développement d’activités autonome autour du gaz comme la fabrication de réchauds, la vente de bruleurs ou encore la livraison de gaz à domicile.





Donc un véritable partenariat gagnant-gagnant ?

Pour l’instant on peut dire que tout le monde sort gagnant de ce partenariat. Pour nous d’un point de vue économique bien sûr mais aussi pour l’image de l’entreprise et plus largement l’image du gaz. On est aujourd’hui très sollicité pour expliquer l’expérience avec l’UNHCR, et beaucoup d’ONG souhaitent travailler avec nous. Même au niveau du gouvernement l’expérience SONIHY-UNHCR est citée en exemple pour pouvoir avancer sur la lutte contre la désertification. L’intervention de l’UNHCR a permis de changer les mentalités sur le gaz et cela à deux niveaux : premièrement que l’utilisation du gaz par les populations rurales n’est pas un problème si elles sont formées ; deuxièmement que le gaz est nettement moins cher que le bois et que donc il aide les plus pauvres.

Installer un mécanisme d’accès au gaz dans un contexte d’insécurité comme celui de Diffa n’est pas chose aisé. Avez-vous eu des moments des doutes ?

Effectivement il n’est pas aisé de s’installer dans des zones de haute insécurité comme Diffa et il y a eu des moments pendant lesquels sans parler de doutes cela nous a causé beaucoup d’interrogations. Nous ne sommes pas habitués à opérer dans un tel contexte. A ma connaissance, aucune entreprise privée n’a réellement investi à Diffa depuis le début de la crise. Sans le partenariat proposé par l’UNHCR nous nous serions jamais installés à Diffa parce qu’il n’y avait pas assez de consommateurs de gaz mais aussi parce que la situation sécuritaire nous amenait à regarder ailleurs. L’installation des stations GPL a été entrecoupée d’incidents sécuritaires ce qui occasionné certains retards. Dans certaines zones à risque nous avons aussi opté avec l’UNCHR pour que des stations GPL souterraines et non aériennes soient installées. C’est notamment le cas à Kabelawa et à N’Ngagam. Au final, c’était un véritable défi, beaucoup disaient que cela ne serait pas possible, mais nous y sommes arrivés.

Ou en sommes-nous par rapport à la consommation de gaz à Diffa ?

Grace à cette intervention, on a une couverture qui s’étend aujourd’hui sur les deux tiers du territoire de la région. Apres Niamey, Diffa est aujourd’hui la seconde région du Niger en termes de consommation de gaz, loin devant des régions comme Maradi et Zinder qui comptent pourtant cinq à six fois plus d’habitants. Diffa était la dernière avant cette intervention. On est actuellement sur une consommation moyenne de 60 tonnes par semaine. Mis à part les 27,000 nouvelles familles clientes que l’UNHCR a permis de nous créer dans la région, grâce à l’analyse de nos propres ventes des bouteilles on estime au minimum que 5000 familles additionnelles utilisent aujourd’hui le gaz. Ce qu’il est important de mentionner c’est que ce que de par son ampleur ce projet a fait chuter son prix pour le consommateur. Cela a permis de diviser le prix par 3 ou 4 pour avoir un prix qui se situe aujourd’hui au même niveau que la capitale Niamey.