En contexte d’urgence, l’UNHCR fait de Diffa la région du Niger avec le meilleur accès au gaz domestique

Dans les rues de Diffa, la bouteille de gaz remplace le bois sur les tête des femmes

Comment lier urgence et développement ? Question centrale des humanitaires mais qui trouve rarement de réponses. A Diffa, d’ouest en est, l’UNHCR met en place un mécanisme d’accès au gaz domestique de proximité, autonome et durable à destination de 25.000 ménages (déplacés et hôtes), près de 175.000 personnes soit un habitant sur quatre incluant les déplacés. Avec cette intervention Diffa sera la région du Niger avec le meilleur accès au gaz, nigérien. Près de 70.000 personnes, ont déjà été touchées.

Un principe simple pour une réponse durable … et flexible
A travers un partenariat gagnant-gagnant avec le secteur privé, l’intervention s’attaque en même temps à la demande et à l’offre. L’UNHCR subventionne aux familles le goulot d’étranglement qui les empêche d’utiliser le gaz à savoir l’achat du kit initial (bouteille de 6 kg consigné, réchaud et bruleur), 24,000 FCFA (environ 40 euros) soit près de 80 % du salaire minimum nigérien ; en parallèle, le secteur privé ayant de nouveaux clients fait les investissements pour s’installer durablement et étendre son réseau de distribution dans une zone où il ne serait jamais allé. Quand le mécanisme est en place, tout devient facile, même pour répondre en urgence comme cela a été le cas au cours du mois de juin avec l’arrivée dans la ville de Diffa de milliers de déplacés en provenance de Bosso. Près de 800 familles hôtes ont reçu le kit initial pour les accompagner dans l’accueil.

Libérer du pouvoir d’achat, libérer du temps
Diffa fait face à une crise économique profonde. « L’argent ne circule plus » comme on dit au Niger. Le pouvoir d’achat des ménages se contracte. Le niveau d’endettement est tellement fort que les crédits ne se font plus. Mauvais signe. On réduit les rations pour nourrir tout le monde. Pour les ménages pauvres, l’achat de bois pèse lourd sur leur pouvoir d’achat. Il est, après l’alimentation, leur seconde dépense, loin devant celles de santé et d’éducation.

Retournées nigériens installés dans la ville de Diffa, Ibrahim et sa femme Atcha Fadji ont reçu leurs kits ils y a près de 2 mois. Ils viennent dans un point de vente pour échanger leur bouteille vide contre une pleine. Comme l’explique Atcha Fadji , le constat est clair: « Avant d’avoir cette bouteille de gaz, chaque mois on devait payer au moins 14.000 FCFA pour acheter du bois. Avec le gaz, on peut dire que ça va nous couter 3000 FCFA par mois. L’argent que l’on n’utilise plus pour le bois, on l’utilise pour acheter plus de nourriture». Le sac de 25kg de riz coute actuellement 11.000 FCFA a Diffa, l’impact sur la sécurité alimentaire des ménages est donc automatique.

Ibrahim et Atcha Fadji au niveau d’un point de vente

Atcha Fadji est aussi catégorique, cette bouteille de gaz a transformé son quotidien « le temps que je passe à cuisiner aujourd’hui est au moins réduit de moitié. Avant il me fallait au moins deux heures pour préparer un repas. Aujourd’hui avec le gaz, en une heure c’est déjà fini ». Son mari, Ibrahim, est ravi. Il l’est d’autant plus que dans leur couple s’était lui qui allait acheter le bois.

Sur un autre point de vente de Diffa, un groupe d’enfants plaisante autour de leur charriot transportant des bouteilles de gaz. Dans leurs familles, c’était à eux que revenait la tâche d’aller chercher du bois. Kaouram est la plus jeune du groupe mais pas la moins bavarde. Quand on demande aux enfants qu’est-ce qu’ils pensent du gaz, Kaouram parle d’abord du gain d’argent pour sa famille avant de rebondir sur la réduction de la corvée « avec le bois, le problème c’est qu’il fallait aller tous les jours le chercher. Aujourd’hui on revient changer la bouteille juste une ou deux fois par mois».

Kaouram, en rouge, avec d’autres enfants venant changer leurs bouteilles

Pour les enfants vivant sur les sites spontanées le long de la nationale 1, le gaz devient un outil fort pour les protéger. Chargés de la corvée, et vivant dans un environnement à l’agonie, ils passent pour beaucoup plus de deux ou trois heures chaque jour loin de leurs foyers pour ramasser du bois mort ou couper du bois vert. Les abus et violences en tout genre sont fréquents. Le gaz limite les risques leur permettant de ne pas s’éloigner de leur foyer.

Des populations prêtent aux changements, l’environnement va pouvoir prendre un second souffle
Quand les interventions autour du gaz sont présentées lors de forums d’échanges au Niger ou ailleurs, les mêmes remarques sont souvent faites à l’encontre de l’UNHCR. On peut les résumer en une phrase « les populations rurales nigériennes ne sont pas prêtent à utiliser le gaz ». Pourtant sur le terrain, l’enthousiasme est impressionnant. Tout le monde a compris, et très vite, l’avantage du gaz. Les représentants des communautés des prochains sites de distribution appellent régulièrement le bureau de Diffa de l’UNHCR pour savoir quand vient leur tour. Ceux qui ne rentrent pas dans la planification aussi.
Actuellement, en dehors des bénéficiaires accompagnés par l’UNHCR, les points de vente de Diffa enregistrent chacun au moins 100 nouveaux clients par semaine. Beaucoup viennent de loin. L’intervention est d’une si grande ampleur qu’elle a fait baisser le prix du gaz dans la région. Elle fait aussi baisser celui du bois. Un appui à la reconversion est prévu pour les petits revendeurs.
Pour des personnes qui n’y sont pas habituées, l’utilisation du gaz n’est pas sans risque. Jusqu’à présent aucun incident n’a été signalé pour les 70.000 personnes touchées. Un important dispositif de sensibilisation et de suivi a été mis en place. Il couple diffusion de spots via les radios communautaires, théâtre participatif, porte-à-porte de mobilisateurs communautaires et bientôt ligne verte.

Dans la région de Diffa, avant la crise des déplacés, la demande en bois était 30% plus élevée à ce que pouvait produire la nature. Aujourd’hui, la situation est donc catastrophique. Le long de la route nationale 1, les arbres sont coupés en masse mais les déplacés n’ont pas d’alternative et en sont parfaitement conscients « De voir tous les arbres que l’on coupe, bien sûr cela nous fait de la peine » confirme Amina déplacée d’Assaga, « mais comment peut-on faire pour cuisiner ?» conclue-t-elle. Le gaz est en passe d’arrivée à Assaga. Selon les estimations de la Direction Régionale de l’Environnement de Diffa, l’intervention de l’UNHCR permettra dès l’année prochaine à juguler totalement l’écart entre la demande et l’offre de bois dans la région. La partie est cependant loin d’être gagnée, la situation à Diffa reste dynamique pour ne pas dire imprévisible.

1 Notes

  1. unhcrniger posted this