Victimes du conflit au Soudan du Sud, des familles trouvent la sécurité au Soudan
Poussés par la peur et la détérioration de la sécurité alimentaire, les réfugiés fuient vers l'Etat du Nil Blanc.
ETAT DU NIL BLANC, Soudan – De plus en plus de Sud-Soudanais touchés par le conflit et la détérioration de la sécurité alimentaire dans leur pays entreprennent le périple difficile vers la frontière nord et se rendent au Soudan à pied, abandonnant souvent leurs proches derrière eux.
Ezekiel,* 45 ans, vit désormais à Al Waral, l’un des six sites pour réfugiés situé sur la rive ouest du Nil Blanc. Il est accompagné de sa mère Aywein, 65 ans, et de ses deux enfants, Patrick et Pasonta.
Ezekiel décrit les problèmes qui ont commencé après que des hommes armés aient volé ses quelques vaches près de son village dans l’Etat du Nil Supérieur, le privant de son principal moyen de subsistance et limitant ses possibilités de survie. Il était également effrayé par la « fréquence accrue des avions de chasse et le bruit répété des armes lourdes ».
Il a décidé de partir. « J’ai dû mettre en gage mon petit lopin de terre pour avoir de quoi payer le voyage vers le Soudan avec ma famille », raconte-t-il. Il a engagé un conducteur de tracteur pour les emmener à la frontière du Soudan, s’attendant à y être en trois heures. Mais il a été abandonné au milieu de nulle part et a dû marcher pendant trois jours vers la frontière.
« C’était très douloureux de séparer les enfants de leur mère ».
Sa femme Achewil a refusé de quitter le Soudan du Sud et Ezekiel a pris la difficile décision de poursuivre le voyage sans elle dans l’espoir que la famille pourrait être réunie un jour si sa femme les rejoignait au Soudan.
« C’était très douloureux de séparer les enfants de leur mère », dit-il, visiblement ému.
La mère d’Ezekiel, Aywein, s’occupe de ses petits-enfants. Elle avait préparé un repas frugal pour la route et deux petits jerrycans d’eau pour les aider à survivre pendant le périple.
Quand Ezekiel est arrivé à la tombée de la nuit au point d’entrée d’El Maganis au Soudan, l’une des principales zones d’accueil frontalières dans l’Etat du Nil Blanc, il a été soulagé de recevoir une assistance de la Société du Croissant-Rouge soudanais.
Il a reçu un repas, des tapis de sol et des couvertures pour dormir. Il a passé la nuit avec sa famille à la frontière, puis a été acheminé le lendemain matin par camion vers le site pour réfugiés d’Al Waral.
« Nous étions vraiment épuisés et nous avons dormi comme jamais auparavant », explique-t-il.
Ezekiel et sa famille s’ajoutent aux quelque 20 000 autres réfugiés sud-soudanais dans le site d’Al Waral et aux plus de 130 000 réfugiés dans l’Etat du Nil Blanc.
Il s’inquiète pour l’avenir. « Je suis agriculteur et éleveur de bétail. Je ne sais pas ce que je vais faire pour gagner ma vie au Soudan. Je dois me débrouiller ici et trouver un travail pour nourrir ma famille », déclare-t-il.
« Je vois ma mère dans mes rêves ».
Sa première priorité a été de trouver une place à l’école pour ses deux enfants. Selon lui, « l’éducation est leur arme pour l’avenir, pas les fusils ».
Sa fille de 10 ans s’inquiète aussi pour l’avenir et se rappelle tout ce qu’elle a laissé derrière elle au Soudan du Sud. « Ma mère me manque, mon école verte me manque, mes moments heureux avec mes cousins et beaucoup d’autres choses me manquent », dit-elle.
« Je vois ma mère dans mes rêves, en train de nettoyer la cour de notre maison, et je pense à elle quand je suis éveillée ». Elle attend impatiemment le jour où elle pourra la revoir. Quant à son petit frère de sept ans, il sourit timidement en s’accrochant à son père et à sa grand-mère.
Avec sa famille brisée par des événements qui ne dépendent pas de lui, Ezekiel affirme qu’il sera fort et qu’il se concentrera sur l’avenir de sa famille.
Les réfugiés sud-soudanais au Soudan recherchent d’anciens voisins et amis. Ils se mettent souvent en contact avec d’anciens amis avant même de solliciter une assistance auprès des camps et des organisations humanitaires.
Certains ont la chance de retrouver des membres de leur famille au Soudan.
Ahmed Khairy, qui travaille comme gestionnaire de camp auprès de la Société du Croissant-Rouge soudanais à Al Waral, raconte que tous les jours de nombreux résidents du site attendent les nouveaux arrivants et demandent des nouvelles des membres de leur famille disparus ou restés au pays.
« C’est incroyable et émouvant de voir de nouveaux arrivants retrouver des membres de leur famille », témoigne-t-il en ajoutant que cela donne encore plus de sens à son travail.
L’exode de personnes originaires du Soudan du Sud ne cesse d’augmenter, avec plus de 80 000 nouveaux arrivants au Soudan au premier trimestre 2017.
Le nombre de nouveaux arrivants dépasse les prévisions, ce qui indique une aggravation probable de la situation au Soudan du Sud. La Représentante du HCR au Soudan, Noriko Yoshida, a appelé la communauté internationale à continuer à soutenir le Soudan face à cette situation d’accueil d’urgence des réfugiés.
Mais elle a affirmé dans le même temps: « En fin de compte, il faut une solution au Soudan du Sud pour que les personnes n’aient pas à fuir vers les pays voisins ».
Noriko Yoshida a exprimé sa gratitude au Soudan pour la générosité qu’il n’a jamais cessé de manifester pour l’accueil des réfugiés et l’ouverture de ses frontières. Près de 380 000 réfugiés sud-soudanais sont arrivés depuis décembre 2013 au Soudan. Les femmes et les enfants représentent la majorité des nouveaux arrivants.
Le HCR et ses partenaires ont lancé un appel à hauteur de 166 millions de dollars US auprès des donateurs internationaux pour venir en aide aux réfugiés et aux communautés d’accueil au Soudan. En mars 2017, moins de 10% des fonds avaient été reçus. Le montant de l’appel sera revu à la hausse au cours des prochaines semaines.
*Les noms ont été modifiés dans le récit.