Délivrance, aux Iraquiens déplacés, de documents essentiels avec l'aide du HCR
Des tribunaux mobiles délivrent à des déplacés de Mossoul des papiers d'identité essentiels sans lesquels ils ne peuvent accéder aux services de base.
CAMP D’HASANSHAM U2, Iraq – Jassem, 21 ans, et Najlaa, 22 ans, échangent un discret sourire. Marié il y a trois ans, le jeune couple n'a jamais pu obtenir de certificat de mariage officiel parce qu'il vivait sous la férule des extrémistes dans une ville proche de Mossoul.
Après avoir fui l'offensive pour la reconquête de la ville, ils ont trouvé refuge au camp d’Hasansham U2 construit par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Outre leur certificat de mariage, ils ont également besoin d’actes de naissance pour leurs deux enfants, Ibtihal, deux ans, et Abdulsalam, un an.
Comme il n'avait pas de papiers officiels, le jeune couple n'a pu accéder aux services sociaux essentiels ou se déplacer librement et leurs deux enfants risquaient de devenir apatrides jusqu'à ce qu’une aide extérieure leur soit apportée pour résoudre ce problème.
« On n'a pas pu prendre un taxi pour aller à Mossoul parce qu'on n'avait pas de certificat de mariage. »
Chaque semaine, un tribunal itinérant se rend dans les cinq principaux camps établis à l'est de Mossoul pour traiter les demandes de déplacés irakiens. Lors d'une récente visite du tribunal, Jassem et Najlaa se sont présentés devant le magistrat chargé de présider l'audience foraine organisée dans une cabine du camp par Qandil, l'un des partenaires du HCR pour la protection, ce qui leur a enfin permis d'obtenir leur certificat de mariage.
« J'ai l'impression de me marier pour la première fois aujourd'hui. On n'a pas pu prendre un taxi pour aller à Mossoul parce qu'on n'avait pas de certificat de mariage, » dit Najlaa en évoquant les strictes règles de moralité imposées par les groupes armés qui contrôlaient la ville, interdisant aux couples non mariés de se montrer ensemble en public.
Le 9 juillet, le Gouvernement iraquien a proclamé sa victoire dans la bataille de Mossoul. Durant les neuf mois écoulés depuis le début de l'offensive pour la reconquête de la deuxième ville d'Irak, plus de 900 000 personnes auraient fui la ville d'après les chiffres des autorités iraquiennes.
Vidéo (en anglais) : Les « tribunaux mobiles » permettent aux Iraquiens d'obtenir les papiers essentiels qu'ils ont perdus.
Des milliers de déplacés sont encore logés dans les camps établis autour de Mossoul. D'autres sont repartis vers la ville où ils louent des logements, sont hébergés par des amis ou de la famille ou vivent dans des bâtiments endommagés par la guerre.
Créé en décembre dernier, le tribunal mobile délivre chaque semaine entre 20 et 25 certificats de naissance et de mariage. Il aide également les familles à obtenir des actes de naissance et de décès et des papiers d’identité et a déjà délivré 2500 documents officiels. Certains de ces documents ont été perdus ou volés pendant la guerre, n’ont jamais existé ou ont été délivrés par des groupes armés, ce qui leur ôte toute validité.
Les restrictions de mouvement imposées aux déplacés iraquiens hébergés dans les camps les privent de la possibilité de se rendre aux bureaux des affaires civiles ou aux audiences des tribunaux pour faire remplacer leurs papiers ou en obtenir de nouveaux. Le HCR travaille également en collaboration avec les équipes juridiques des ONG Harikar, CDO (Civil Development Organization) et INTERSOS pour faciliter la délivrance de papiers à ceux qui en ont besoin.
« Ces gens vivent dans un vide juridique. Même s’il reste beaucoup à faire, nous avons pu aider des milliers de personnes à obtenir des documents officiels et la mise en place du tribunal itinérant tient pour beaucoup dans ces avancées, » a déclaré Bruno Geddo, le représentant du HCR en Iraq.
« Même s’il reste beaucoup à faire, nous avons pu aider des milliers de personnes à obtenir des documents officiels. »
« Dans les camps, les familles déplacées reçoivent de la nourriture, des couches bébé, du lait et d’autres articles de première nécessité. Mais si les parents n’ont pas de certificat de mariage, ils n’ont droit à rien... Sans papiers officiels, le déplacé n’a aucun statut juridique, » explique Aram Mahmoud, un avocat qui travaille avec Qandil, l’un des partenaires du HCR, ajoutant qu’il reste encore à remplacer quelque 40000 documents manquants.
Le moment venu, Najlaa et Jassem ont donné leurs empreintes digitales et leurs dates de naissance au magistrat qui a pu délivrer leur certificat de mariage.
Une fois de retour dans leur tente auprès de leurs enfants, Jassem a dit : « J’ai l’impression d’être devenu d’un coup un citoyen comme les autres. Maintenant, je suis officiellement marié à ma femme et les enfants sont enregistrés sous mon nom. C’est leur droit civil fondamental et ces papiers vont me permettre de les inscrire un jour à l’école. »
« Je veux qu’ils aillent à l’école pour ne pas finir comme moi. Je n’ai pas le moindre diplôme et ne peux travailler à autre chose que la [construction]. Je veux qu’ils deviennent médecins ou policiers. Ça leur garantira un bon avenir, » conclut-il.