Des Syriens risquent leur vie pour fuir Raqqa ; un nouveau couloir humanitaire fait renaître l'espoir
D'anciens habitants décrivent les expulsions forcées par des groupes armés au milieu des combats, alors qu'un nouveau couloir humanitaire fait renaître l'espoir parmi les déplacés.
CAMP DE MABROUKA, Syrie - Alors que la bataille pour la ville de Raqqa fait rage au nord de la Syrie, Fatima, 30 ans, a décrit le moment où des combattants du groupe armé contrôlant toujours la plupart de la ville sont venus chez elle et lui ont ordonné de partir.
« Ils nous ont traités comme du bétail. Ils nous ont expulsés de nos maisons, nous ont dit de partir sous peine d’être tués », a-t-elle déclaré, ajoutant que le groupe armé avait l'intention de l'utiliser ainsi que ses voisins comme bouclier humain. « Ils voulaient nous emmener tous vers le barrage local, mais nous avons rebroussé chemin pour fuir. »
Fatima a réussi à atteindre le camp de Mabrouka, à environ 150 kilomètres au nord-est de la ville de Raqqa, dans le gouvernorat de Hasakeh en Syrie, qui abrite actuellement quelque 1700 déplacés syriens.
Bien qu’elle se trouve désormais en sécurité, les souvenirs de son voyage dangereux continuent de la hanter. Elle savait que ceux qui tentent de fuir risquent d'être abattus.
« Ils nous ont traités comme du bétail. Ils nous ont expulsés de nos maisons, nous demandant de partir sous peine d'être tués. »
« Nous avons tout abandonné derrière nous et nous avons marché pendant 12 heures en ligne droite. Nous avons vu des mines antipersonnel qui avaient déchiqueté des chèvres sur les bords de la route, alors nous avons marché uniquement sur la couche d’asphalte », a déclaré Fatima.
Son parcours fait écho à d'autres témoignages reçus par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, de la part de civils expulsés de leurs maisons par la force et à d’autres informations faisant état d'assassinats ou d'attentats contre les personnes tentant de rejoindre la sécurité.
« Beaucoup doivent prendre des décisions inimaginables : rester en se protégeant des violents combats ou alors tenter leur chance et courir. Dans les deux cas, ils risquent la mort ainsi que leurs proches », a déclaré Andrej Mahecic, porte-parole du HCR, lors d'un point de presse à Genève mardi (11 juillet).
« C'est un affront pour l’humanité et nous rappelons à toutes les parties au conflit leurs obligations de respecter le droit international humanitaire. Les civils ne doivent jamais devenir des cibles », a ajouté Andrej Mahecic.
Depuis début avril, plus de 190 000 personnes ont été déplacées par les combats depuis ou à l'intérieur du gouvernorat d'Ar-Raqqa. Les civils qui fuient trouvent refuge dans de multiples lieux, y compris Mabrouka et plusieurs autres camps, où le HCR et ses partenaires fournissent aux familles des abris et des articles de secours d'urgence dont ils ont désespérément besoin.
Ces deux dernières semaines, le HCR a envoyé avec succès plusieurs convois humanitaires par la route depuis Alep vers Qamishli dans le gouvernorat d'Hasakeh. Cette voie terrestre stratégique était fermée depuis près de deux ans en raison du conflit violent dans la région, et sa réouverture permet l’acheminement de l'aide sur le terrain.
« Nous rappelons à toutes les parties au conflit leurs obligations de se conformer au droit international humanitaire. »
Des livraisons régulières via ce nouveau couloir humanitaire sont prévues depuis des entrepôts situés à Damas, Homs et Alep, ce qui permet au HCR et à d'autres agences et partenaires des Nations Unies de venir en aide à encore davantage par rapport aux 430 000 personnes estimées ayant besoin d’une assistance dans le gouvernorat d'Ar-Raqqa.
Au camp d'Ein Issa, situé à environ 45 kilomètres au nord de la ville de Raqqa et abritant actuellement environ 7300 personnes, Badrieyeh, 45 ans, a déclaré que la décision de fuir sa ville natale près de Raqqa était finalement positive.
« Nous avons passé deux jours sur la route, en dormant sous les arbres. Dieu merci, au moins ici dans le camp, nous avons une tente pour dormir et des couvertures pour couvrir nos enfants », a-t-il déclaré.
Cependant, la situation demeure désespérée pour les 30 000 à 50 000 personnes, selon les estimations des Nations Unies, qui demeurent prises au piège à l'intérieur de la ville de Raqqa. L’approvisionnement de vivres, d’eau potable, de médicaments, d'électricité et d'autres produits de première nécessité se raréfie, du fait de la détérioration rapide de la situation.
Le HCR souligne la nécessité pour les civils pris au piège de pouvoir emprunter un passage sûr - pour rejoindre la sécurité, recevoir un abri et bénéficier d’une protection.