La solution du problème des réfugiés et la protection des réfugiés
Publisher | UN High Commissioner for Refugees (UNHCR) |
Publication Date | 23 August 1989 |
Citation / Document Symbol | EC/SCP/55 |
Reference | Quarantième session |
Related Document(s) | Solution to the Refugee Problem and the Protection of Refugees |
Cite as | UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), La solution du problème des réfugiés et la protection des réfugiés, 23 August 1989, EC/SCP/55, available at: http://www.refworld.org/docid/3ae68cc68.html [accessed 21 June 2017] |
1. La recherche de solutions est une mission impérative du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Au cours des dix années écoulées, le Comité exécutif a examiné divers aspects de cette question à plusieurs occasions, en particulier chaque fois qu'il a analysé l'évolution des activités du HCR se rapportant aux solutions durables; quant au Sous-Comité plénier sur la protection internationale, il a également examiné sous l'angle de la protection divers aspects des solutions envisagées, en particulier à propos du rapatriement librement consenti. Toutefois, la question n'a jamais fait l'objet d'un examen d'ensemble. L'an dernier, une proposition a été formulée au Conseil exécutif tendant à ce que la question des solutions soit maintenant examinée sous tous ses aspects, en particulier du point de vue de la protection.
2. Après consultations avec les gouvernements, le Haut Commissaire a décidé que la question "Solutions au problème des réfugiés et protection des réfugiés" devrait être mise à l'étude et faire l'objet de délibérations préliminaires. Pour examiner cette question, il faudrait tenir compte de la réalité passée et présente du problème des réfugiés et de la tendance actuelle à situer le problème lui-même - ainsi que la question connexe que représente la solution - dans une perspective juridique vaste, eu égard à l'évolution qui s'est produite dans la réflexion sur les droits de l'homme et dans la coopération entre Etats.
3. Conformément à l'usage et pour faciliter l'examen de cette importante question, le Haut Commissaire a décidé de lui consacrer un examen préliminaire non officiel, et a organisé une table ronde qui s'est tenue à San Remo (Italie), du 12 au 14 juillet 1989. Cette réunion, convoquée par le HCR et pour l'organisation matérielle de laquelle l'Institut international de droit humanitaire de San Remo avait prêté son concours, a réuni des experts tant gouvernementaux que non gouvernementaux, représentant toutes les régions du monde. Ces experts étaient invités à titre individuel et leur participation n'avait aucun caractère officiel.
4. Les participants à la table ronde ont examiné l'étude très complète qui avait été établie comme document de travail en vue de cette réunion par un expert principal, à la demande du HCR. Ils ont examiné la question dans ses grandes lignes et identifié certaines conclusions provisoires appelant une étude et un examen plus approfondis, au nombre desquelles on peut citer les suivantes :
a) la relation de caractère général existant entre solution et protection, compte tenu tout particulièrement des principes fondamentaux de la protection;
b) l'élaboration générale d'une conception large, moderne et inspirée des droits de l'homme du problème des réfugiés, partant d'une réflexion sur la nature du problème et sur la solution correspondante requise;
c) l'élaboration détaillée d'un concept de solution compatible avec les exigences de la protection, qu'il s'agisse de la prévention, du rapatriement librement consenti, de l'installation sur place ou de la réinstallation; et
d) l'élaboration progressive, à l'échelon international, d'un droit, d'une politique et de mesures applicables en matière de solution du problème des réfugiés, en particulier de mesures pratiques à mettre en oeuvre pour rechercher et trouver des solutions.
5. Le rapport de cette réunion et les conclusions provisoires mentionnées ci-dessus sont annexés au présent document et présentés au Conseil exécutif, à sa quarantième session, au titre du point "Solutions durables et protection des réfugiés" de son ordre du jour.
6. On espère que ce rapport sera jugé utile par le Sous-Comité lorsqu'il examinera cette importante question et formulera ses conclusions.
RAPPORT DE LA TABLE RONDE SUR LES SOLUTIONS AU PROBLEME DES REFUGIES ET LA PROTECTION DES REFUGIES, SAN REMO (ITALIE), 12-14 juillet 1989
1. Une table ronde sur les solutions au problème des réfugiés et la protection des réfugiés s'est tenue à San Remo du 12 au 14 juillet 1989. Elle était convoquée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, avec l'assistance de l'Institut international de droit humanitaire. L'objet de cette table ronde était d'examiner comment un droit, une politique et des mesures pourraient être progressivement définis concernant les solutions au problème des réfugiés, de façon compatible avec les buts et les principes de la protection.
2. Des experts ayant diverses responsabilités dans la vie nationale et internationale ont participé à cette table ronde. Les participants étaient invités à titre individuel, et leurs interventions dans un débat dépourvu de caractère officiel devaient rester anonymes.
3. La table ronde était présidée par le Directeur de la Division du droit des réfugiés et de la doctrine (HCR), M. Ghassan Arnaout, en présence du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Jean-Pierre Hocké.
4. Dans son allocution d'ouverture, M. Arnaout a dit que la table ronde était consacrée à une question importante, qu'il était grand temps d'examiner. En effet, divers aspects de cette question avaient fait l'objet d'un examen séparé, mais on n'avait jamais pris une vue d'ensemble de la question. Il était désormais impératif de le faire, car la communauté internationale était de plus en plus souvent amenée à s'occuper de questions de protection, non pas séparément, mais à l'occasion de la recherche globale de solutions. Il a souligné que le HCR devait toujours se borner à un rôle non politique et humanitaire. Toutefois, le problème des réfugiés devait être considéré comme un tout, et tous efforts tentés à cet égard à l'échelon international devraient prendre en compte tous les aspects du problème, notamment les causes des mouvements de réfugiés, les mesures provisoires qu'exigeait leur protection, et la solution.
5. Les participants ont examiné un document d'information établi à l'intention de la table ronde, à la demande du Directeur de la Division du droit des réfugiés et de la doctrine par M. G.J.L. Coles, qui a également rempli les fonctions de rapporteur. Les participants ont estimé que cette étude pourrait utilement servir de base aux débats ultérieurs.
6. Le rapport de la table ronde comprend une présentation résumée de l'étude établie par le Rapporteur ainsi que les vues exprimées par les participants. Il comprend aussi un ensemble de conclusions provisoires appelant une étude et un examen plus poussés. Pour ce qui est des conclusions, les participants ont estimé que la table ronde ferait oeuvre utile en considérant le problème des réfugiés comme un tout, c'est-à-dire en étudiant chacun de ses aspects pertinents, sans préjuger de la question de la compétence individuelle des différents organismes internationaux. Il pourrait en effet être utile de chercher à déterminer ce que la communauté internationale dans son ensemble pourrait faire, face à ce problème.
7. On trouvera ci-joint une liste des participants et l'ordre du jour de la table ronde.
I. OBSERVATIONS LIMINAIRES DU RAPPORTEUR
A. OBSERVATIONS GENERALES
8. Le Rapporteur a déclaré que les intérêts et les préoccupations suscités par le problème des réfugiés avaient considérablement changé au cours des années, et qu'il était désormais urgent, pour tenir compte de ces changements, de compléter par des principes nouveaux les principes classiques du droit et de la doctrine. Il était grand temps aussi de redonner aux solutions l'importance qu'elles méritaient. Les conditions qui régnaient pendant les années 50, en Europe surtout, avaient produit un droit et une doctrine principalement orientés vers l'installation dans un autre pays. Face aux nouvelles conditions qui s'étaient instaurées pendant les années 60, surtout en Afrique, la conception prédominante à l'échelon international semblait avoir été, initialement, de s'attacher surtout aux secours d'urgence. Mais il avait été si difficile de trouver des solutions, et cet état de choses avait entraîné des difficultés politiques, économiques et de sécurité telles, que l'on s'était tourné de nouveau vers la recherche de solutions. Cette recherche, à son tour, avait conduit pendant les années 70, à s'attacher toujours davantage au rapatriement librement consenti, solution que l'on tendait de plus en plus à rattacher au droit à l'autodétermination, et plus précisément au droit à un retour dans des conditions de sécurité et de dignité. On pouvait dire, pour caractériser les années 80, que c'était pendant cette période que pour la première fois, on avait résolument envisagé le problème des réfugiés en le rattachant à une conception large et générale de la solution à lui apporter - conception qui incluait la prévention. Par voie de conséquence, on avait tendu de plus en plus à évaluer le problème des réfugiés dans le cadre plus général des droits de l'homme et des principes régissant les relations entre Etats, qui reprenaient en les intégrant dans un contexte plus vaste les principes traditionnels du droit des réfugiés et de la coopération.
9. La tendance générale des évolutions observées donnait à penser que la communauté internationale abordait peut-être une nouvelle période, dans laquelle on prêterait davantage d'attention à la prévention. Une question majeure serait alors la suivante : comment fallait-il comprendre la prévention, dans une perspective de protection au sens large? Quels étaient les aspects positifs - à développer - de la prévention et, inversement, quels en étaient les aspects négatifs à éviter ? Cette facette, en grande partie inexplorée, de la solution du problème des réfugiés prenait désormais de l'importance dans la réflexion consacrée à la protection.
10. La terminologie relative à la "solution" du problème des réfugiés a varié suivant les époques. Il y a eu des périodes où le terme "solution" n'était pas qualifié, d'autres où il était qualifié par différents adjectifs, tels que "radicale", "permanente" ou "durable". Les différents adjectifs qualificatifs ayant des significations différentes, il était probablement préférable d'employer le simple terme de "solution".
11. Aux fins de l'étude, a déclaré le Rapporteur, le terme "réfugié" serait entendu dans une acception large et inclurait toutes les personnes dont on pourrait estimer qu'elles avaient été contraintes de quitter leur pays et/ou de rester dans un autre pays. Tel était également le point de vue retenu par le Groupe d'experts gouvernementaux désigné par l'Assemblée générale des Nations Unies lorsqu'il avait étudié la question de la coopération internationale en vue d'éviter de nouveaux courants de réfugiés. Toutefois, l'adoption de cette acception large ne préjugeait en rien la question de l'acception exacte à donner au terme "réfugié" dans tel ou tel contexte juridique particulier lorsqu'il s'agissait de déterminer l'applicabilité de telle ou telle règle ou de tel ou tel mandat institutionnel.
12. Il serait utile d'examiner le rôle et la responsabilité de chacune des parties intéressées, qui étaient notamment les individus eux-mêmes, le pays d'accueil, le pays d'origine, les autres Etats et les organismes internationaux à compétence mondiale ou régionale. En revanche, il ne servirait pas à grand-chose d'examiner la question du seul point de vue de l'une des parties, donc en s'attachant uniquement ou principalement au rôle et à la responsabilité de cette partie.
B. RELATION EXISTANT ENTRE SOLUTION ET PROTECTION
13. De l'avis du Rapporteur, la solution du problème des réfugiés ne devait pas être considérée comme un aspect indépendant et distinct de la protection. Elle devrait au contraire être envisagée dans un contexte général de droits de l'homme et considérée comme l'objectif final de la protection, et la protection devait être vue comme régissant tout le processus menant à la solution et déterminant ce qui était ou ce qui n'était pas une solution. De plus, la solution était un processus qui prenait du temps et il était important de parvenir à l'objectif final par des moyens - c'est-à-dire des actions - compatibles avec les principes fondamentaux de la protection. Par conséquent, les principes du non-refoulement et de l'asile, de même que les autres droits fondamentaux des réfugiés, devraient être considérés comme faisant partie intégrante de tout processus menant à une solution.
C. LA NATURE DU PROBLEME APPELANT UNE SOLUTION
14. Lorsque l'on voulait définir le terme "solution", a déclaré le Rapporteur, la première chose à faire devait être de déterminer les données du problème à résoudre. En effet, les idées formulées quant à la solution dépendraient de la manière retenue pour envisager le problème. Les deux aspects devraient être étudiés par référence aux principes juridiques connus sous le nom de droits de l'homme.
15. De façon générale, il était suggéré que le problème était essentiellement le suivant :
le déni de la liberté de mouvement à l'individu résultant des conditions régnant dans le pays dont il a la nationalité qui rendent impérieux le départ de ce pays ou le séjour à l'étranger; et le fait que cet individu ne peut pas ou ne veut pas se prévaloir de la protection du pays dont il a la nationalité.
Dans cette définition du problème, le déni de la liberté de mouvement auquel il était fait référence n'était pas le déni de la liberté de mouvement en général, mais seulement de la liberté au sens limité esquissé ci-dessus, C'est-à-dire par rapport au pays de la nationalité. Il s'agissait soit de la liberté pour l'individu de rester dans son pays, soit, si l'individu se trouvait à l'extérieur de ce pays, de la liberté d'y retourner.
La liberté de mouvement impliquait non seulement la liberté de se déplacer mais la liberté de ne pas se déplacer. Dans le document de travail, l'expression "liberté de mouvement" était donc employée, pour des raisons de commodité, en ce sens limité, et ne devait être entendue qu'en ce sens limité.
16. En termes généraux, le problème fondamental du réfugié tenait aux conditions dans le pays de la nationalité, conditions qui avaient provoqué l'exil et l'apatridie de fait ou de droit de l'individu. C'était le déni de la "liberté de mouvement" qui obligeait à considérer la situation du réfugié comme un "problème", car l'élément de contrainte ne pouvait être considéré comme normal ou acceptable. La situation du réfugié ne devait pas être confondue avec celle qui résultait d'une migration normale. L'exil était de façon générale un mal. Aujourd'hui, une forte présomption d'illégalité pesait sur les mesures comme l'expulsion, la dénationalisation et l'interdiction de retour promulguées à l'encontre d'êtres humains, plus particulièrement d'êtres humains pris collectivement. Il pouvait certes arriver que le déni de la "liberté de mouvement" imputable au pays de la nationalité fût indirect ou non intentionnel, par exemple en cas de guerre, mais il restait néanmoins difficile d'imaginer un cas dans lequel, tôt ou tard, les autorités du pays d'origine ne retrouveraient pas la capacité de mettre fin à l'exil; l'état persistant d'exil correspondait alors, en fin de compte, à une intention délibérée.
17. De plus, il fallait considérer que le problème des réfugiés était constitué non pas seulement pas le déni effectif de la "liberté de mouvement", mais aussi par la simple possibilité d'un tel déni. A tout moment, la crainte de ce que pouvait réserver l'avenir pouvait en effet peser sur les décisions prises. Si l'on voulait envisager le problème de façon complète et équilibrée, il convenait donc de faire entrer en ligne de compte l'avenir, et non pas seulement le présent et le passé. Dès lors que l'avenir entrait en ligne de compte, la réflexion sur le problème des réfugiés devait porter aussi sur la situation existant avant le mouvement transfrontières, et donc nécessairement sur la situation existant dans un pays d'origine potentiel. Ainsi donc, la prévention ne devait pas être considérée comme un aspect distinct de la solution du problème des réfugiés, mais comme partie intégrante de ce problème.
18. La préoccupation suscitée par un mouvement de réfugiés pourrait rendre nécessaire non seulement une action préventive à l'égard de la situation régnant dans un pays d'origine mais aussi une action corrective à l'égard de ce pays. Certaines circonstances pourraient appeler une action à la fois préventive et corrective, lorsque le mouvement transfrontières était en train de se produire et que l'on souhaitait éviter une poursuite de ce mouvement et réaliser les conditions qui permettraient le retour de ceux qui étaient déjà partis.
D. LE CONCEPT DE SOLUTION EN RELATION AVEC LE PROBLEME DU REFUGIE
19. Au vu de ce qui précédait, a déclaré le Rapporteur, le terme "solution" pouvait être défini soit comme étant la prévention de l'apparition dans le pays de la nationalité de conditions contraignant un national à quitter le pays de la nationalité ou à rester à l'extérieur du pays de la nationalité, de sorte que ce national se trouvait sans protection nationale, soit comme l'action corrective visant à empêcher que de telles conditions n'entraînent cet effet. (Cette solution pourrait être dénommée la "solution fondamentale".) C'était seulement dans l'éventualité où le problème fondamental du déni de la "liberté de mouvement" ne pourrait être résolu que la solution au Problème en résultant (mais non au problème fondamental) consisterait à permettre au réfugié de s'installer dans un autre pays. (Cette seconde solution pourrait être dénommée la "solution contingente".) Ce concept de solution, qui incluait les deux types de solution, avait d'importantes répercussions sur le droit, la politique et les actions à retenir. Si l'on acceptait cette définition, il était de toute évidence incorrect de mettre sur le même plan les trois "solutions" traditionnelles qu'étaient le rapatriement librement consenti, l'installation sur place et la réinstallation : en effet, le rapatriement librement consenti était la solution fondamentale ou primordiale. En outre, l'aspect de prévention ne devrait être ignoré dans aucune conception complète de la solution du problème du réfugié.
20. On pouvait affirmer ce qui précédait sans porter aucunement atteinte aux principes de la protection temporaire du réfugié, ni aux raisons avancées pour recourir, en cas de nécessité, à la solution de l'installation hors du pays de la nationalité. Tout ce que l'on affirmait, c'était qu'en principe, la solution au problème de la violation d'un droit de l'homme supposait le respect de ce droit.
21. Le concept de solution tout entier devait être intégralement lié aux droits de l'individu, droits à l'égard du pays de la nationalité et droits à l'égard du monde extérieur. Essentiellement, la solution devait être conçue comme étant la préservation ou la restauration des droits de l'individu.
22. La notion de solution fondamentale devait être comprise comme incluant la préservation ou la restauration de la jouissance des droits normaux de nationalité ou d'installation. Pour ce qui était de la restauration de tels droits, il était de toute évidence insuffisant, si l'on recherchait une solution, de considérer la simple réadmission physique comme une solution, sans tenir compte des conséquences ultérieures de cette réadmission pour l'individu. Pour qu'il y ait solution, il fallait qu'il y ait aussi possession effective ou jouissance de tous les droits normaux. De même, dans la notion de solution contingente il fallait inclure non seulement l'installation physique mais aussi la possession ou la jouissance de tous les droits normaux inhérents à l'installation, y compris, en fin de compte, les droits relatifs à la nationalité.
23. Sans doute, la jouissance des droits associés à la nationalité, dans un pays d'installation définitive, pourrait-elle être un objectif difficile à atteindre dans certains cas, puisque nul Etat ne pouvait être contraint d'accorder sa nationalité; la jouissance de tels droits n'en demeurerait pas moins toujours le but à atteindre, en vertu du principe selon lequel un état d'apatridie de fait ou de droit était anormal et ne devait pas être considéré comme permanent.
24. Des expressions comme "intégration économique" ou "autosuffisance" traduisaient mal cette réalité qu'était l'accession à une communauté, grâce à la jouissance d'une protection nationale normale. En effet, l'intégration économique ou l'autosuffisance n'assurait qu'en partie le bien-être de l'homme; à plus long terme, le réfugié qui avait décidé de s'installer à l'extérieur du pays dont il avait la nationalité, désirait généralement appartenir à une autre communauté nationale, et avoir le droit de participer pleinement à ses activités politiques, sociales économiques et culturelles. S'il n'appartenait pas à une communauté, l'individu était isolé, dépossédé et vulnérable.
25. Par conséquent, l'intégration économique", qui n'incluait pas une intégration juridique, ou encore 1'"autosuffisance" ne devait pas être considérée comme une "solution", que cette solution fût qualifiée de "durable" ou de toute autre manière; ce pouvait être une solution à un autre problème, mais non au problème du réfugié, lequel restait essentiellement un problème d'apatridie de fait ou de droit.
26. Enfin, un concept de solution qui ne rattacherait le problème du réfugié qu'à la perte de la protection nationale et n'inclurait pas aussi la question des circonstances entourant et qualifiant cette perte ne pouvait être retenu. Toute action entreprise en vue d'une solution devait donc tenir compte de tous les aspects du problème du réfugié, notamment des aspects de regroupement des familles, de réparation et de restitution. Cet élément de la solution du problème du réfugié appelait davantage d'attention qu'il n'en avait reçu jusqu'à présent.
II. RESUME DES DEBATS
27. Un certain nombre d'orateurs ont félicité le HCR d'avoir pris une initiative qui s'imposait, de s'être chargé de l'élaboration de l'étude et d'avoir convoqué la table ronde : c'était là une mesure préliminaire qui préparerait et faciliterait l'examen de la question par le Comité exécutif du HCR. Il a été dit que l'aspect historique de l'étude était extrêmement utile, dans la mesure en particulier où il retraçait le rôle du Haut Commissaire dans la recherche de solutions.
28. Dans le débat général qui a suivi la présentation de l'étude, il a été dit que la nature et la portée du problème moderne de l'exil n'avaient pas encore reçu toute l'attention qu'elles méritaient. Il ressortait de l'étude que de nombreuses situations de réfugiés étaient demeurées sans solution pendant longtemps. Les souffrances trop réelles des millions de personnes traumatisées et dépossédées, qui avaient été contraintes de quitter leur foyer, n'étaient pas toujours suffisamment reconnues. L'asile, en soi, ne constituait pas nécessairement une solution.
29. Il a été estimé que l'individu devait être au coeur des préoccupations des législateurs et des autorités lorsqu'il s'agissait du problème des réfugiés, et que le seul et unique point de départ d'une recherche juridique ou pratique de la solution du problème du réfugié devait être la situation effective de l'individu; il ne fallait pas oublier en effet que le réfugié n'avait pas seulement des besoins immédiats, mais aussi une identité constituée par son passé et par ses aspirations pour l'avenir.
30. Il a été déclaré que la prévention et la correction avaient d'autant plus d'importance pratique immédiate que le problème du réfugié était essentiellement un problème d'anomalie, souvent même un problème de désordre et de violence à vaste échelle. On n'avait guère de chance de trouver des solutions satisfaisantes si l'on se contentait d'envisager le problème du réfugié après coup, passivement, alors qu'il fallait réagir aux conditions régnant dans le pays d'origine.
31. L'expérience montrait, a-t-on dit, que le désordre et la violence pouvaient atteindre de telles dimensions et une telle intensité que les personnes touchées, quand bien même elles avaient pu obtenir un refuge à l'étranger, risquaient de se retrouver dans des conditions précaires, difficiles et même dangereuses. Dans le monde moderne, un refuge à l'étranger n'était pas toujours assuré à tous, et le refuge à l'étranger, loin de constituer une solution quelconque, ne représentait pas nécessairement une amélioration pour tous les intéressés. Aujourd'hui, le refuge même était refusé à beaucoup et les conditions d'exil, pour la grande majorité des réfugiés du monde, étaient dures. Beaucoup de réfugiés s'étaient vu refuser toute forme de solution pendant de nombreuses années, et même des décennies.
32. Il a été dit que le droit international devait refléter les réalités du temps et qu'il convenait donc de mettre au point un droit international permettant de faire face aux problèmes contemporains. Les expulsions en masse, en particulier, étaient inacceptables. Il convenait d'élaborer davantage les principes régissant les relations entre Etats ainsi que le droit relatif à la responsabilité des Etats. Il a été dit que, par l'intermédiaire de l'Assemblée générale, le Haut Commissaire pouvait demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question d'interprétation de tout instrument juridique international pertinent concernant les réfugiés. Il a également été dit qu'il ne suffisait pas de mettre au point les instruments juridiques, mais qu'il fallait aussi avoir la volonté politique et se doter des mécanismes qui permettraient de s'attaquer aux problèmes des réfugiés.
33. A propos de l'élaboration du droit et de la doctrine, il a été dit que l'on devrait désormais avoir recours aux droits de l'homme comme à une source primaire. Il a également été dit que l'on devait tenir compte des droits des Etats. Les droits de l'homme, a-t-il été précisé, n'étaient pas seulement civils et politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels et étaient applicables directement et généralement au problème des réfugiés, qu'il s'agît des causes des situations de réfugié, des aspects temporaires de protection ou de la question de la solution. Le réfugié devait jouir des droits de l'homme énoncés dans des instruments comme la Déclaration universelle et les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme de 1966. Il a été dit que ces droits pouvaient être violés non seulement dans le pays d'origine, mais aussi dans les pays d'accueil, par déni des droits des réfugiés. Il était important de sauvegarder le principe de l'asile, qui correspondait à un besoin essentiel du réfugié.
34. Il a été dit qu'à notre époque, le problème des réfugiés était inextricablement lié au problème du développement: le développement était en effet un remède au problème des réfugiés, mais constituait aussi une prévention. Il a été dit que l'aide et le développement devaient être orientés vers le problème des réfugiés. Les projets de développement permettraient en effet d'éviter que les solutions apportées à des situations de réfugiés ne fussent réduites à néant, et qu'un réfugié qui regagnait son pays parce qu'il n'avait plus à y craindre de violence ni de persécution ne fût contraint de le quitter de nouveau pour échapper à la pauvreté et à la famine. On a fait valoir aussi que l'aide et le développement constituaient un aspect important de la prévention.
35. On a affirmé que sans une coopération et une solidarité internationales, il était impossible de concevoir des solutions au problème des réfugiés, en particulier dans les cas d'arrivée massive. Des efforts s'imposaient, à l'échelon régional et à l'échelon international, pour contribuer à résoudre le problème des réfugiés conformément aux obligations énoncées dans les instruments internationaux pertinents dans le domaine du droit des réfugiés.
36. Une mesure pratique, a-t-il été dit, consisterait à élaborer davantage les principes généraux et principes complémentaires régissant les relations entre Etats : on pourrait ainsi étendre les principes convenus concernant la coopération internationale en vue d'éviter de nouveaux courants de réfugiés - principes essentiellement applicables aux cas dans lesquels un mouvement de réfugié n'avait pas encore commencé à se produire - et inclure dans leur champ d'application les mesures à prendre après qu'un mouvement de réfugié s'était produit. Il faudrait voir dans un tel effort le moyen de consolider et de faire progresser le travail important déjà accompli à cet égard au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies.
37. Une autre mesure pratique pourrait être d'insister davantage, dans la réflexion sur les politiques à appliquer et dans la présentation du problème des réfugiés, sur la valeur de la réconciliation et du retour librement consenti.
38. Il a été estimé que la protection du réfugié était affaire de droits de l'homme et exigeait une réflexion plus poussée sur deux points : le rôle et la responsabilité du pays d'origine, d'une part; le rôle et la responsabilité des autres pays à l'égard du pays d'origine, d'autre part. De même, les principes complémentaires des relations amicales entre Etats appelaient une coopération internationale renforcée et une élaboration plus poussée du droit régissant la responsabilité des Etats; ces conditions étaient nécessaires pour que le rôle et la responsabilité du pays d'origine, d'une part, le rôle et la responsabilité des autres pays à l'égard du pays d'origine, d'autre part, soient précisés de façon plus satisfaisante. A cet égard, il a été rappelé que la Déclaration relative aux relations amicales entre Etats contenait une disposition aux termes de laquelle les Etats avaient le devoir de coopérer les uns avec les autres, quelles que fussent les différences existant entre leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, pour assurer le respect universel et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, ainsi que l'élimination de la discrimination raciale et de l'intolérance religieuse sous toutes leurs formes. Ce devoir était encore plus impérieux lorsque les violations des droits de l'homme provoquaient l'exode de réfugiés, avec les conséquences néfastes que cela comportait pour d'autres pays.
39. L'accent placé sur la prévention, sur le retour dans le pays d'origine et sur les obligations du pays d'origine ne devait en aucune manière détourner l'attention ni réduire l'importance des obligations humanitaires des pays d'accueil, d'une part, ni des mesures prises pour améliorer la protection des réfugiés, d'autre part; au nombre de ces mesures, il fallait inclure les moyens de fournir, lorsque cela était nécessaire, la solution de l'installation dans un pays autre. Les principes du non-refoulement et de l'asile, éléments de base de tout le processus visant à assurer une solution aux problèmes des réfugiés, devaient être constamment réaffirmés.
40. Par ailleurs, on a fait valoir qu'il y avait aussi d'autres principes applicables à la recherche d'une solution et venant en complément des principes du non-refoulement et de l'asile; il y avait lieu d'élaborer plus en détail ces autres principes.
41. On a estimé qu'il conviendrait de donner plus de poids à la notion d'attachement social et de droits connexes.
42. On a suggéré que l'étude plus approfondie des causes des exodes à vaste échelle serait peut-être une mesure utile.
43. En ce qui concernait les causes des mouvements de réfugiés, il a été dit que ce qui distinguait les mouvements de réfugiés des mouvements migratoires, c'était l'élément de contrainte et que les conflits armés et les troubles internes graves, aussi bien que les violations de droits de l'homme, étaient à l'origine de mouvements de réfugiés. Il a également été dit qu'une cause fondamentale de ces conflits et troubles étaient les disparités existant entre pays riches et pays pauvres, avec les conséquences multiples qu'elles entraînaient. On a soutenu que, face à la situation actuelle des réfugiés, il fallait reconnaître les besoins de la population dans l'acception plus large (c'est-à-dire incluant les victimes de la violence et des troubles internes graves) prise en compte dans les conventions régionales sur les réfugiés et autres instruments (comme la Déclaration de Carthagène) qui avaient beaucoup contribué au développement du droit des réfugiés. D'autre part, on a dit aussi qu'en droit ou en usage international, la seule définition du "réfugié" qui était généralement acceptée était celle de la Convention de 1951.
44. On a dit que prévenir l'apparition de situations qui entraîneraient des mouvements de réfugiés devait être considéré comme la solution la plus efficace; mais on a dit aussi qu'en pratique, la détérioration de certaines situations pouvait être irréversible. On a fait valoir que les causes des mouvements de réfugiés pouvaient être envisagées à différents niveaux, du niveau individuel au niveau le plus général. Si l'on adoptait la perspective la plus générale, les situations de réfugiés traduisaient un dysfonctionnement de l'ordre mondial, tenant à de vastes questions politiques, économiques et sociales et incluant une importante composante de droits de l'homme. Sans doute appartenait-il à la communauté internationale de résoudre ces questions plus générales, mais le Haut Commissaire pouvait faire oeuvre utile en identifiant, grâce aux connaissances et aux perspectives spécialisées dont il disposait, les questions auxquelles la communauté internationale devrait s'attacher si elle voulait remédier à ces situations. Il a également été dit que si l'on voulait mettre au point une stratégie mondiale de mise en oeuvre des droits de l'homme, le Haut Commissaire avait une importante contribution à apporter à cet effort. On a fait observer aussi la nécessité d'une action plus concertée et plus efficace à l'intérieur du système des Nations Unies. Aucun organisme ne pouvait en effet à lui seul résoudre le problème des réfugiés. Il ne convenait pas de faire peser trop de responsabilités sur le HCR, la solution du problème des réfugiés mettant souvent en jeu une responsabilité qui débordait le mandat du HCR.
45. Il a été déclaré qu'il fallait approfondir encore la réflexion entreprise au sein du HCR quant au rôle et à la responsabilité du pays d'origine. Il fallait étudier les possibilités offertes par une action diplomatique précédant les événements. Le Haut Commissaire ne devait jamais hésiter à traiter avec le pays d'origine si cela pouvait l'aider à s'acquitter de ses fonctions de protection et de recherche de solutions. Lorsqu'il s'acquittait de cette dernière fonction, le Haut Commissaire pouvait s'occuper de prévention dans les limites imposées par son mandat. Quelle que fût la tâche à laquelle il s'employait - protection des réfugiés, recherche de solutions ou prévention - le Haut Commissaire, a-t-on dit, devait être habilité à rester en contact avec le pays d'origine et avec le pays de refuge, en application de l'article 33 de la Charte des Nations Unies.
46. Il a été dit que le mandat actuel du Haut Commissaire était suffisant pour lui permettre de rechercher activement des solutions en prenant des initiatives à cette fin, en encourageant le dialogue entre toutes les parties intéressées, en facilitant la communication entre elles et en agissant comme intermédiaire ou en faisant passer la communication. Le Haut Commissaire jouait un rôle important en aidant à dépolitiser les situations. En favorisant et en mettant en oeuvre des solutions, le Haut Commissaire contribuait à la prévention. Il était important qu'il établisse, chaque fois que c'était possible, des contacts avec les principales parties et s'informe de leurs points de vue.
47. Il a été dit que la mise au point de systèmes d'alerte rapide était une contribution importante, bien que limitée, à la prévention et à l'action corrective. Le Bureau de la recherche et de la collecte d'informations devrait être rendu plus opérationnel, notamment en ce qui concernait la détermination des principes d'action et des options. Il faudrait renforcer la coordination entre les parties intéressées du système des Nations Unies, notamment entre le Bureau de la recherche et de la collecte d'informations, le HCR et le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme. Les organisations non gouvernementales devraient aussi jouer un plus grand rôle à cet égard.
48. Parmi les facteurs qu'il faudrait peut-être examiner de manière plus approfondie lors de la recherche de solutions figuraient la nécessité, en cas d'exode massif, d'orienter d'emblée le processus de planification vers la solution; la nécessité de recourir plus largement aux principaux organes de l'ONU d'assurer le respect des règles et principes fondamentaux du droit international et de la coopération internationale; la nécessité d'explorer activement, le cas échéant, la possibilité de mener une action préventive et celle de promouvoir le retour volontaire dans des conditions de sécurité; la nécessité d'harmoniser l'assistance aux pays d'accueil et aux pays d'origine compte tenu de la solution identifiée; la nécessité de ne pas se contenter de simples palliatifs mais de rechercher de vraies solutions; et l'importance du lien entre le développement et l'aide.
49. Il faudrait, a-t-on dit, envisager la possibilité d'une coopération régionale plus étendue, en particulier dans les situations où les ressources politiques et économiques d'une région, combinées, pourraient avoir une influence importante sur un problème de réfugié et sa solution. Au cours des dernières années, il s'était dessiné dans le monde une tendance marquée à accroître la coopération régionale pour répondre aux problèmes de réfugiés. Une plus grande utilisation de la capacité d'action régionale permettrait peut-être de résoudre plus facilement le problème de la limitation des possibilités d'action au niveau mondial, en particulier en favorisant une approche plus globale qui permettrait d'aborder de manière plus humaine et plus efficace les questions des causes, de la prévention et du retour volontaire, ainsi que celles des soins et de l'entretien et de l'installation dans un pays étranger. Il a été dit qu'il fallait aussi tenir compte de la nécessité que le HCR participe aux délibérations au niveau régional, en particulier à cause de l'importante fonction de protection qui lui incombait.
50. Il a été dit que le droit de retourner dans son pays en toute liberté et en toute sécurité devait être constamment réaffirmé à l'époque actuelle. On s'est inquiété de ce que le rapport et le projet de déclaration élaborés récemment par la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités sur le droit de toute personne de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays, ne tenaient pas suffisamment compte du problème des réfugiés et de sa solution. De l'avis général, en ce qui concernait le problème des réfugiés, les documents finals de la Sous-Commission devaient refléter les exigences de protection, et il fallait envisager de modifier le projet de déclaration de manière à ce que le droit de revenir dans son pays y fasse l'objet d'un développement suffisant.
51. Il a été dit que, dans la promotion du rapatriement librement consenti, il faudrait envisager de renforcer les sauvegardes. Le contrôle du respect et de l'application des amnisties et autres garanties était particulièrement important. Le principe de l'intérêt légitime du Haut Commissaire pour les conséquences du retour pour les réfugiés, même dans le cas de retours spontanés, pourrait être souligné, ainsi que son droit d'avoir accès aux rapatriés directement et librement. Il fallait considérer que l'intérêt du Haut Commissaire s'étendait au-delà du moment immédiat du retour et durait aussi longtemps que cela était raisonnablement nécessaire pour conclure que ce retour serait une solution durable.
52. Il a été dit que les amnisties ne devraient pas fixer de délais ou d'autres conditions qui puissent constituer une pression tendant à faire rentrer les réfugiés dans leur pays. Autant que possible, le rapatriement librement consenti organisé sous des auspices internationaux ou avec l'aide internationale devrait se faire conformément aux termes et conditions d'un accord international écrit dont le texte devait être accessible au public. Mais, on a dit également qu'il n'était peut-être pas toujours souhaitable d'imposer cette exigence.
53. Il a été déclaré que, dans le contexte de la solution, il ne fallait pas souligner l'importance de la libre volonté seulement en ce qui concernait les conditions dans le pays d'accueil. Dans la situation des réfugiés, la libre volonté du réfugié était pertinente principalement en ce qui concernait les conditions dans le pays d'origine. Tant que le réfugié ne pouvait pas retourner dans son pays, il ne pouvait choisir librement entre retourner dans son pays ou rester à l'étranger; son libre arbitre lui était dénié. Pour que le réfugié puisse choisir librement entre retourner dans son pays ou rester à l'étranger, il fallait d'abord qu'un changement fondamental intervienne dans la situation du pays d'origine. Il convenait donc, quand on examinait la question de la solution, de se demander dans un premier temps si un tel changement fondamental de circonstances est possible et s'interroger sur ce que l'on pourrait faire pour le provoquer.
54. Il a été dit que la question de la coopération internationale en matière de rapatriement librement consenti des requérants d'asile dont la demande avait été rejetée était une question importante et actuelle qu'il convenait d'examiner plus avant. Certains participants ont toutefois estimé que cette question n'était pas de la compétence du HCR.
55. Les arrangements temporaires auxquels on avait recours pour faire face aux problèmes de réfugiés - soit qu'on leur permette de rester seulement temporairement, soit qu'on leur accorde un statut en vertu duquel ils étaient "tolérés" - ont été examinés; on a reconnu les aspects positifs qu'avaient ces arrangements dans certaines situations, mais on a également reconnu qu'ils n'étaient que des expédients temporaires qui ne constituaient pas des solutions. On a fait observer que, le plus souvent, les situations de "tolérance" n'étaient pas structurées : la protection des réfugiés n'était pas assurée de façon formelle, ils étaient en quelque sorte dans des "limbes" juridiques. On a dit que les situations de séjour temporaire ou de "tolérance" qui ne comportaient pas les éléments fondamentaux nécessaires à une solution ne pouvaient être acceptables que pendant une durée limitée et qu'il était injuste de priver un être humain d'une communauté pendant de longues années, en particulier lorsqu'il vivait sous la menace continuelle de l'expulsion. On a dit que "l'autosuffisance" n'était pas en elle-même une solution car elle n'impliquait pas nécessairement l'installation. Un être humain qui n'était pas intégré dans une communauté était dépossédé et vulnérable.
56. Il a été dit qu'un objectif important du droit des réfugiés était d'éliminer l'apatridie, de facto ou de jure, et que la situation de réfugié ne devait pas être considérée comme normale ou permanente. On a dit également qu'il ne fallait pas considérer que le fait de mentionner l'assimilation à l'article 34 de la Convention de 1951 indiquait l'intention d'imposer une précondition (l'assimilation) pour la naturalisation. Il n'y avait pas d'obligation d'accorder la naturalisation à un réfugié, et en outre, un réfugié pouvait ne pas souhaiter être assimilé ou prendre une nouvelle nationalité.
57. Il a été déclaré que la pratique répandue de l'asile temporaire (ou refuge) montrait la nécessité de continuer à souligner l'importance de la solution de l'installation sur place ou de la réinstallation quand il n'y avait pas de possibilité de rapatriement librement consenti dans un délai raisonnable. Le réfugié ne devait pas être forcé d'accepter l'une ou l'autre de ces solutions, mais il n'était que juste et humain, en pareilles circonstances, de lui donner la possibilité de bénéficier de l'une ou l'autre de ces deux solutions. Il a également été dit que la réinstallation devait jouer un rôle important dans les politiques d'asile généreuses et qu'il fallait continuer à insister sur le principe de la solidarité internationale dans le partage des charges, y compris au niveau régional.
58. Enfin, il a été dit en ce qui concerne la recherche de solutions aujourd'hui, que ce dont on avait besoin essentiellement, c'était d'une large gamme de mesures bénéficiant de l'appui général, portant sur les causes des mouvements de réfugiés ainsi que sur la réaction à ces mouvements quand ils se produisaient. Ces mesures devaient porter sur la prévention et le retour aussi bien que sur l'installation à l'extérieur. Elles devaient d'abord contribuer à créer des conditions telles que, de façon générale, le mouvement devienne volontaire, "régulier", et les conditions de résidence justes et humaines. Un attachement accru aux buts et principes de la Charte des Nations Unies - règlement pacifique des différends, solidarité internationale dans le développement, désarmement et respect des droits de l'homme - était indispensable au succès de ces mesures.
59. Pour conclure le débat, les participants ont exprimé leur satisfaction de ce que le Haut Commissaire ait convoqué cette réunion sur un sujet aussi important et d'une telle actualité; ils se sont également félicités du concours apporté par l'Institut international du droit humanitaire et son Président.
Conclusions provisoires devant être examinées plus avant
1. La solution ne devrait pas être considérée comme un aspect indépendant et distinct de la protection; elle devrait être vue comme l'objectif final de la protection, et la protection devrait être vue comme régissant tout le processus menant à la solution et déterminant ce qui était ou n'était pas une solution.
2. De façon générale, le problème du réfugié était essentiellement un problème de déni de la "liberté de mouvement" à l'individu résultant des conditions régnant dans le pays dont il a la nationalité qui rendent impérieux le départ de ce pays ou le séjour à l'étranger et du fait que cet individu ne peut pas ou ne veut pas se prévaloir de la protection du pays dont il a la nationalité.
3. La solution consisterait donc, soit à empêcher de se produire dans le pays de la nationalité des conditions qui contraignent un national à quitter le pays de la nationalité ou à rester hors du pays de la nationalité de sorte qu'il est sans protection nationale, soit à remédier à ces conditions ayant cet effet (c'était la solution "fondamentale"). C'était seulement dans l'éventualité où le problème fondamental de déni de la "liberté de mouvement" ne pourrait pas être résolu que la solution au problème en résultant (mais pas au problème fondamental) consisterait à permettre au réfugié de s'installer dans un autre pays (c'était la "solution contingente").
4. Ce concept de solution, qui incluait les deux types de solution, avait d'importantes répercussions pour le droit, la politique et l'action à retenir. Si l'on acceptait cette définition, il était de toute évidence incorrect de mettre sur le même plan les trois "solutions" traditionnelles qu'étaient le rapatriement, librement consenti, l'installation sur place ou la réinstallation. En effet, le rapatriement librement consenti était la solution fondamentale ou primordiale. En outre, l'aspect de prévention ne devrait être ignoré dans aucune conception complète et équilibrée de la solution du problème.
5. L'accent placé sur la prévention, sur le retour dans le pays d'origine et sur les obligations du pays d'origine ou des autres pays par rapport au pays d'origine ne devait en aucune manière détourner l'attention ni réduire l'importance de la responsabilité du pays d'accueil et des mesures prises pour assurer la protection des réfugiés - notamment en interdisant le refoulement -, de l'octroi de l'asile et de la solution de l'installation à l'étranger, quand cette solution était nécessaire.
6. Dans le contexte du problème des réfugiés, l'aide au développement était à la fois un remède et une mesure de prévention. L'aide au développement permettait d'éviter que les solutions trouvées pour les réfugiés ne soient réduites à néant, et qu'un réfugié qui était retourné dans son pays parce qu'il n'y craignait plus la violence ou la persécution ne soit contraint de le quitter de nouveau pour échapper à la pauvreté et à la famine. Dans beaucoup de situations, en particulier dans les cas d'arrivée massive de réfugiés, il était impossible de concevoir des solutions au problème des réfugiés, sans une coopération et une solidarité internationales. Des efforts s'imposaient, à l'échelon international et à l'échelon régional pour contribuer à résoudre le problème des réfugiés conformément aux obligations énoncées dans les instruments internationaux pertinents dans le domaine du droit des réfugiés.
7. En ce qui concernait le retour volontaire, la solution exige bien plus que la simple entrée dans le pays de la nationalité; le processus de retour ne se terminait qu'avec la réinsertion normale et apparemment durable dans la communauté d'origine.
8. Des expressions telles que "intégration économique" ou "autosuffisance" ne décrivaient pas bien l'appartenance à une communauté qu'assurait une protection nationale normale. L'intégration économique, qui n'incluait pas l'intégration juridique, et "l'autosuffisance", ne devaient pas être considérées comme une "solution", "durable" ou non, sauf lorsqu'il s'agissait d'un problème autre que celui d'un réfugié, qui était celui de l'apatridie de facto ou de jure.
9. Il arrivait parfois qu'un arrangement temporaire doive durer longtemps avant qu'une solution puisse être trouvée; mais il serait injuste qu'un arrangement temporaire dure trop longtemps et que les réfugiés soient privés trop longtemps d'une vie normale dans une communauté ou, pire encore, qu'ils soient contraints de vivre indéfiniment dans des conditions incertaines, rigoureuses ou dangereuses.
10. Une notion adéquate de solution devrait également tenir compte de principes tels que ceux du regroupement des familles et de la réparation, qui sont des considérations élémentaires d'humanité et de justice.
11. L'individu devrait être au centre des préoccupations qui sont à la base du droit des réfugiés et des politiques relatives au problème des réfugiés, et toute approche juridique ou de principe de la solution devrait partir de la situation effective du réfugié et devrait tenir compte du fait que le réfugié n'a pas seulement des besoins immédiats, mais aussi une identité constituée par son passé et par ses aspirations pour l'avenir.
12. Pour résoudre les difficultés actuelles, il faudrait développer davantage le droit international applicable au problème des réfugiés.
En particulier, il faudrait élaborer davantage le droit relatif à la responsabilité des Etats, ainsi que les principes généraux concernant la coopération entre Etats en vue d'éviter de nouveaux mouvements de réfugiés, de manière à inclure dans leur champ d'application la coopération internationale après qu'un mouvement de réfugiés s'est produit.
13. Les droits de l'homme devraient être la source première à laquelle on devrait avoir recours pour développer le droit et la doctrine. Les droits de l'homme ne comprenaient pas seulement les droits civils et politiques, mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels, et ils s'appliquaient directement au problème des réfugiés, qu'il s'agît des causes, des aspects temporaires de la protection ou de la question de la solution. Ces droits pouvaient être violés dans le pays d'origine mais aussi dans les pays d'accueil, par déni des droits des réfugiés.
14. Le mandat actuel du Haut Commissaire était suffisant pour lui permettre de rechercher activement des solutions en prenant des initiatives à cette fin, en encourageant le dialogue entre toutes les parties intéressées, en facilitant entre elles la communication et en servant d'intermédiaire ou en faisant passer la communication. Il était important que le Haut Commissaire établisse, chaque fois que c'était possible, des contacts avec toutes les parties intéressées et s'informe de leurs points de vue. Dans la recherche de solutions, le Haut Commissaire pouvait s'occuper de l'aspect prévention dans le cadre de son mandat.
15. Le Bureau de la recherche et de la collecte d'informations devait être rendu plus opérationnel, notamment en ce qui concernait la détermination des principes d'action et des options. Il faudrait renforcer la coordination entre les parties intéressées du système des Nations Unies, en particulier entre le Bureau de la recherche et de la collecte d'informations, le HCR et le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme. Les organisations non gouvernementales devraient aussi jouer un plus grand rôle à cet égard.
16. Le droit de retourner dans son pays en toute liberté et en toute sécurité devrait être constamment réaffirmé.
17. Dans la promotion du rapatriement librement consenti, il faudrait envisager de renforcer les sauvegardes. Par exemple, le principe de l'intérêt légitime du Haut Commissaire pour les conséquences du retour pour les réfugiés, même dans le cas de retour spontané, pourrait être souligné, ainsi que son droit d'avoir accès aux rapatriés directement et librement. Il fallait considérer que l'intérêt du Haut Commissaire s'étendait au-delà du moment immédiat du retour et durait aussi longtemps que cela était raisonnablement nécessaire pour conclure que ce retour serait une solution durable. Les amnisties ne devraient pas fixer de délais ou de conditions qui puissent constituer une pression tendant à faire rentrer les réfugiés dans leur pays. Autant que possible, le rapatriement librement consenti organisé sous des auspices internationaux ou avec l'aide internationale devrait se faire conformément aux termes et conditions d'un accord international écrit dont le texte devait être accessible au public.
18. Il fallait continuer de reconnaître l'importance de la solution de l'installation sur place ou de la réinstallation lorsqu'il n'y avait pas de possibilités de retour volontaire dans le pays d'origine dans un délai raisonnable. En pareil cas, il n'était que juste et humain de donner finalement au réfugié la possibilité d'opter pour l'une ou l'autre de ces solutions.
19. La réinstallation devait jouer un rôle important dans les politiques d'asile généreuses, et il fallait continuer à insister sur le principe de la solidarité internationale dans le partage des charges, y compris au niveau régional.
20. En ce qui concernait le problème des réfugiés, il était préférable d'employer le terme "solution" seul plutôt que de le qualifier par différents adjectifs tels que "radicale", "permanente" ou "durable", qui avaient été employés à un moment ou à un autre. Aucun de ces adjectifs n'était satisfaisant et chacun était associé à la façon de penser d'une certaine époque et était lié à des circonstances particulières. Le simple terme "solution" était peut-être tout à fait suffisant.
LISTE DES PARTICIPANTS
M. Ugo ALBRIGHETTI
Conseiller d'ambassade, Ministère des affaires étrangères d'Italie
M. Ghassan ARNAOUT
Directeur de la Division du droit des réfugiés et de la doctrine, HCR, Genève
M. Shamsul BARI
Directeur adjoint, Division du droit des réfugiés et de la doctrine, HCR, Genève
M. Jaime S. CERDA
Ministère des affaires étrangères de l'Argentine
M. Vincent COCHETEL
Conseiller juridique adjoint, Groupe des conseils juridiques, HCR, Genève
M. Gervase COLES
Juriste principal, Maître de recherches, Division du droit des réfugiés et de la doctrine, HCR, Genève
M. Jean-Pierre COLOMBEY
Juriste principal, Secrétaire exécutif de la Table ronde
M. Adama DIENG
Conseiller juridique, Commission internationale de juristes
M. Nabil ELARABY
Représentant permanent, Mission permanente de l'Egypte, Genève
M. Omer Ibrahim EL TURABI
Conseiller juridique, Mission permanente du Soudan, Genève
M. Kabiru GARBA
Premier secrétaire, Mission permanente du Nigéria, Genève
M. Ugo GENESIO
Secrétaire général, Institut international de droit humanitaire, San Remo
M. Jean-Pierre HOCKE
Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Genève
S.E. Kamal HOSSAIN
Président de l'Association pour le droit international, Bangladesh
M. Horst-Wolfram KERLL
Conseiller, Mission permanente de la République fédérale d'Allemagne, Genève
M. Salvatore LOMBARDO
Juriste adjoint, Développement du droit des réfugiés, HCR, Genève
M. Richard MANN
Premier secrétaire, Mission permanente des Etats-Unis d'Amérique, Genève
M. Erik NETTEL
Ambassadeur, Ministère des affaires étrangères, Autriche
M. Dirk RINKEL
Juriste, Ministère des affaires étrangères, Pays-Bas
M. Don Jose Maria RUDA
Président de la Cour internationale de justice, Palais de la Paix, La Haye,
Pays-Bas
Mme Fatiha SELMANE-BOUAMRANE
Conseiller, Mission permanente de l'Algérie, Genève
M. Ronald WALKER
Représentant permanent, Mission permanente de l'Australie, Genève (Assisté par : Mme Roseanne TOOHEY,
Conseiller, Mission permanente de l'Australie, Genève)
M. Bogdan WIERZBICKI
Adjoint du Recteur de l'Université de Varsovie, Pologne
M. Yishan ZHANG
Premier secrétaire, Mission permanente de la Chine, Genève
San Remo, 12-14 juillet 1989
TABLE RONDE SUR LES SOLUTIONS AU PROBLEME ET LA PROTECTION DES REFUGIES ORDRE DU JOUR
Mercredi 12 juillet
10 heures Séance d'ouverture
Déclaration de M. Ghassan Arnaout, Directeur de la Division du droit des réfugiés et de
la doctrine, HCR
11 h 30 Débat général sur les problèmes actuels concernant les solutions et la protection
12 h 30 Levée de la séance (déjeuner)
15 heures Débat général sur les problèmes actuels concernant les solutions et la protection (suite)
18 heures Levée de la séance
Jeudi 13 juillet
9 heures Le concept de solution en droit et en pratique introduction et débat
12 h 30 Levée de la séance (déjeuner)
15 heures Mesures pratiques pour promouvoir la recherche de solutions : introduction et débat
18 heures Levée de la séance
Vendredi 14 juillet
9 heures Mesures pratiques : débat (suite)
10 h 30 Elaboration d'un projet de rapport et de conclusions
12 h 30 Levée de la séance (déjeuner)
15 heures Examen et adoption du rapport et des conclusions.