Le chef du HCR préconise un retour à l'autonomie au Tchad
Lors de sa courte visite au lac Tchad, Filippo Grandi a souligné les programmes axés sur les modes d'existence pour aider les réfugiés et les autres personnes déplacées par les attaques des insurgés à subvenir à leurs besoins.
BAGA SOLA (Tchad) – En dépit des succès enregistrés par le gouvernement tchadien contre l’insurrection de Boko Haram dans la région du lac Tchad depuis deux ans et du lancement de programmes pour l’auto‑suffisance des populations déplacées, des dizaines de milliers de personnes dépendent toujours de l’aide dans cette région, encore prospère il y a peu.
Il y a parmi eux des réfugiés nigérians, des membres de collectivités locales et d’anciens nomades habitués à parcourir un pays naguère paisible. Des organisations comme le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, prennent des initiatives pour aider les gens à s’en sortir et stimuler la reprise de l’activité économique. Cependant, il reste beaucoup à faire dans une région où le commerce a été dévasté et où de vastes zones demeurent interdites à la population locale, ainsi qu’aux personnes déplacées, en raison des opérations militaires en cours.
« Les gens de cette région ont assez souffert ; nous devons tous nous intéresser davantage à eux », a souligné Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
« Les gens de cette région ont assez souffert ; nous devons tous nous intéresser davantage à eux. »
Filippo Grandi visite les pays du bassin du lac Tchad dans le cadre d’un voyage visant à attirer l’attention sur la crise des personnes déracinées au Nigéria et dans les pays voisins, l’une des plus graves en Afrique. Conséquence de cette crise, plus de 2,4 millions de personnes ont dû quitter leurs foyers au Nigéria, au Cameroun, au Niger et au Tchad depuis 2014.
Au Tchad, on compte 8 598 réfugiés nigérians, y compris 5 882 dans le camp de Dar es Salam, près de la ville de Baga Sola. Filippo Grandi y est arrivé par hélicoptère aujourd’hui pour se rendre compte de leurs difficultés, de leurs besoins et de leurs aspirations. Les collectivités locales et les camps ici pour les Tchadiens déplacés, dont bon nombre ont été évacués des îles du lac Tchad, offrent un abri à 95 000 autres personnes.
La stratégie militaire de 2015, qui consistait à isoler les insurgés de Boko Haram sur les îles après avoir déplacé la population dans les terres, a restauré une stabilité relative, mais les attaques continuent, et les personnes déplacées ne pourront pas rentrer chez elles avant longtemps. Face au problème, les organisations, comme le HCR, ont mis l’accent sur les programmes axés sur les modes de subsistance pour les personnes qui tiraient leur gagne‑pain de la pêche, de l’agriculture, de l’élevage ou du commerce.
Le Haut Commissaire a mis en lumière un programme de pêche du HCR, tout en reconnaissant ses limites. « Il s’agit certes d’un petit projet, mais il remonte le moral, donne beaucoup d’espoir, renforce la fierté des gens, nourrit la famille et permet la vente de poissons aux autres. »
« Il peut servir de modèle aux donateurs qui cherchent à savoir comment ils peuvent aider », a dit Filippo Grandi, qui a rencontré quelque 150 familles ayant reçu des canoës, des hameçons et des filets pour pêcher dans le lac Tchad. Ensemble, le groupe représente huit pour cent des réfugiés dans la région. Filippo Grandi a aussi fait un petit tour en canoë sur le lac Tchad.
La grande majorité des gens, aussi bien les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays que les résidents appauvris, continuent de dépendre de l’aide, et il faut plus de projets axés sur les modes d’existence comme celui que Filippo Grandi a observé. « Si nous avions davantage de bénéficiaires de ce programme, des filets plus grands et un meilleur équipement, nous pourrions nous passer rapidement de l’aide et tirer toute la ville - tant les réfugiés que la population locale - de la dépression économique », a dit Hawali Oumar, un réfugié nigérian.
Toutefois, des parties du lac - qui par ailleurs se rétrécit - demeurent inaccessibles pour des raisons de sécurité, et la détérioration de l’environnement aggrave les problèmes. Il en va de même pour les programmes visant à aider les agriculteurs, les éleveurs et les commerçants à reprendre leur activité et à contribuer au redressement économique. Dans les zones peu sûres, les champs ne sont pas semés, les bêtes sont susceptibles d’être volées par Boko Haram et elles ne peuvent pas paître librement, les routes commerciales normales sont coupées et les frontières restent fermées.
« Si nous avions davantage de bénéficiaires de ce programme, des filets plus grands et un meilleur équipement, nous pourrions nous passer rapidement de l’aide. »
Les troubles dans cette région a obligé un groupe, les éleveurs tchadiens arabes, à revoir complètement son mode de vie nomade, à trouver refuge dans un camp pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays à la périphérie de Baga Sola et à accepter les actes de générosité d’étrangers. Du fait de la perturbation du déplacement saisonnier traditionnel des troupeaux, connu sous le nom de transhumance, de la chute du prix du bétail (un dixième du prix en vigueur il y a deux ans) et du vol de nombreuses têtes de bétail par les insurgés nigérians, les éleveurs ont été obligés d’adopter un mode de vie sédentaire et se retrouvent effectivement déplacés.
Depuis la perturbation de leurs pratiques traditionnelles, les éleveurs n’apprennent plus aux jeunes à garder le bétail, et ils ont du mal à s’adapter à la culture des terres arables, en raison des nombreuses difficultés qui existent (la rareté de l’eau, l’absence de puits, l’irrégularité des précipitations, la désertification du lac et la salinité du terrain). Ils craignent pour leur avenir et pour leur collectivité.
Les besoins les plus pressants sont les soins de santé et l’éducation, mais ils constituent un fardeau supplémentaire pour les autorités de Baga Sola dans le contexte de la crise économique. L’accroissement de l’aide internationale permettra à plus de gens, tant des réfugiés que des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, de commencer à refaire leur vie, en attendant le retour d’une paix durable.
Vendredi au Cameroun, Filippo Grandi lancera un appel de fonds interagence pour l’année 2017. Ces fonds sont destinés à venir en aide à près d'un demi-million de personnes affectées par les attaques commises par les insurgés de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. Il a exprimé l'espoir sur de généreuses contributions de la part des pays donateurs.
« Certes, des progrès ont été accomplis dans la lutte contre Boko Haram. Mais le rétablissement de la sécurité ne devrait pas nous faire oublier que l'aide humanitaire est nécessaire. Elle demeure très urgente », a-t-il déclaré.