Recommandation 1377 (1998) Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak
Publisher | Council of Europe: Parliamentary Assembly |
Publication Date | 25 June 1998 |
Citation / Document Symbol | Recommandation 1377 (1998) |
Cite as | Council of Europe: Parliamentary Assembly, Recommandation 1377 (1998) Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak, 25 June 1998, Recommandation 1377 (1998), available at: https://www.refworld.org/docid/3ae6b3a31c.html [accessed 4 November 2019] |
Comments | Discussion par l?Assemblée le 25 juin 1998 (22e séance) (voir Doc. 8131, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteur: Mme Vermot-Mangold). Texte adopté par l?Assemblée le 25 juin 1998 (22e séance). |
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1. L'Assemblée parlementaire rappelle et réitère sa Recommandation 1150 (1991) sur la situation de la population kurde irakienne et d'autres minorités persécutées, sa Recommandation 1151 (1991) relative à l'accueil et à l'installation des réfugiés en Turquie, sa Résolution 1022 (1994) relative à la situation et aux besoins humanitaires de la population kurde irakienne déplacée, sa Recommandation 1348 (1997) relative à la protection temporaire des personnes obligées de fuir leur pays, sa Recommandation 1211 (1993) relative aux migrations clandestines: passeurs et employeurs de migrants clandestins, et sa Recommandation 1306 (1996) relative aux migrations des pays en voie de développement vers les pays européens industrialisés.
2. L'Assemblée note que l'un des problèmes graves que rencontrent aujourd'hui la plupart des pays membres du Conseil de l'Europe est la question générale des migrations clandestines dues aux différences sociales, économiques et démographiques entre les pays en développement et les pays industrialisés, ainsi que, dans les régions concernées, à des causes humanitaires.
3. L'Assemblée note avec une vive inquiétude la situation humanitaire précaire des populations d'origine kurde et d'autres origines au nord de l'Irak. L'insécurité et la situation économique et sociale difficile qui prévalent dans cette région ont entraîné des déplacements et des mouvements de population internes et externes à grande échelle.
4. L'Assemblée note aussi avec une vive inquiétude les incidences que les affrontements armés et l'état d'urgence ont, actuellement, sur la situation humanitaire dans les provinces du sud-est de la Turquie.
5. L'Assemblée condamne fermement les violences et le terrorisme perpétrés par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui ont contribué aux déplacements et aux mouvements de populations, et exhorte cette organisation à cesser toutes activités armées. L'Assemblée condamne également l'évacuation et l'incendie de villages par les forces armées turques.
6. L'Assemblée est préoccupée par l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile et de migrants en situation irrégulière d'origine kurde dans certains pays européens.
7. L'Assemblée condamne les affrontements armés entre les diverses organisations politiques kurdes, qui exploitent à des fins personnelles la population kurde et empêchent l'envoi et une distribution plus efficaces des aides humanitaires.
8. L'Assemblée considère que la gravité de la situation humanitaire des populations de la région justifie pleinement que le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales compétentes se saisissent de cette question, et estime que tous les gouvernements concernés devraient être instamment invités à prendre des mesures effectives pour améliorer la situation et, dans le cas de la Turquie, pour se conformer pleinement aux principes du Conseil de l'Europe.
9. L'Assemblée souligne une nouvelle fois avec une grande inquiétude que le problème du trafic illicite d'êtres humains attise également le racisme, la xénophobie et l'intolérance.
10. L'Assemblée insiste de nouveau sur le fait que ce phénomène préoccupe beaucoup non seulement les pays d'accueil, mais aussi les pays se trouvant sur la route de transit.
11. L'Assemblée souligne que les critiques adressées à un Etat membre comme la Turquie le sont dans un esprit constructif, soulignant l'importance de la participation turque au concert des nations européennes et la nécessité de concilier le respect absolu de son intégrité territoriale et le respect des droits des minorités.
12. L'Assemblée apprécie particulièrement l'activité des organisations et des partis turcs, qui défendent les droits de l'homme et le dialogue, car il convient de privilégier les solutions nationales, agréées par toutes les parties concernées.
13. C'est pourquoi l'Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres:
i. d'inviter la Turquie à prendre des mesures pour promouvoir le dialogue et la réconciliation dans les provinces du sud-est de la Turquie habitées en majorité par des populations kurdes, par le biais d'actions appropriées et d'un programme de mesures de confiance comprenant la protection complète de la population civile et la prudence dans le déploiement des forces armées;
ii. de charger ses comités compétents d'intensifier leurs efforts pour remédier aux problèmes concrets liés aux mouvements migratoires de Kurdes;
iii. d'établir une série de mesures visant à lutter contre les conditions qui favorisent les migrations clandestines sous toutes leurs formes, prévoyant des sanctions à l'encontre des trafiquants et des employeurs qui exploitent les immigrants illégaux, en consultation avec le Groupe de Budapest;
iv. d'inviter la Turquie:
a. à trouver une solution non militaire aux problèmes qui se posent actuellement dans les provinces du Sud-Est;
b. à protéger la population civile des régions concernées contre toute forme de violence armée;
c. à hâter et à intensifier ses efforts pour favoriser le développement économique et social et la reconstruction des provinces du Sud-Est;
d. à signer et à ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et à en appliquer ses dispositions aux Kurdes;
e. à tirer au clair le sort des personnes disparues;
f. à adopter des politiques et à prendre des mesures adéquates pour mettre les citoyens turcs d'origine kurde en mesure d'exercer leurs droits culturels et politiques;
g. à restaurer l'Etat de droit dans la partie sud-est du pays, et en particulier à lever l'état d'urgence dans les provinces du Sud-Est, à assurer efficacement la protection des villages, à exercer un contrôle civil sur les activités militaires dans la région, y compris par la tenue de registres et en assurant le respect des droits de l'homme, à poursuivre toute personne qui viole les droits de l'homme;
h. à abolir le système des gardes villageois;
i. à prendre des mesures effectives supplémentaires en vue de la reconstruction et de la relance de l'économie dans les provinces du Sud-Est;
j. à prendre des mesures supplémentaires pour reconstruire des écoles et des hôpitaux dans cette région;
k. à mettre en uvre, en coopération avec les organisations humanitaires internationales, un vaste programme en vue d'encourager le retour dans leurs foyers des populations kurdes qui en expriment librement le désir;
l. à assurer une protection particulière aux femmes, enfants et personnes âgées qui rentrent;
m. à soumettre des projets de reconstruction susceptibles de bénéficier d'un financement du Fonds de développement social du Conseil de l'Europe, dans le cadre des programmes de retour;
n. à adopter des mesures pour intégrer les personnes déplacées d'origine kurde qui souhaitent s'établir dans d'autres parties de la Turquie et à leur accorder, de même qu'aux rapatriés, un dédommagement pour les biens détruits;
o. à ouvrir la région aux organisations humanitaires internationales et à leur assurer le soutien des autorités locales;
p. à continuer de faciliter le transfert des approvisionnements humanitaires destinés à l'Irak;
q. à lever la limitation géographique mise à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 et à son Protocole de 1967, et notamment à s'abstenir d'expulser les demandeurs d'asile sans consultation préalable du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), et à supprimer la limite de cinq jours pour le dépôt des demandes d'asile;
r. à s'abstenir d'incursion militaire dans la partie nord de l'Irak;
v. d'inviter instamment les Etats membres:
a. à encourager le renforcement des programmes d'aide au développement dans les pays d'origine ainsi que dans les pays de transit en vue de fournir une assistance économique et technique accrue pour les projets de développement liés aux migrations;
b. à renforcer leur aide humanitaire au nord de l'Irak par le biais d'organismes appropriés;
c. à respecter scrupuleusement le principe de non-refoulement conformément à leurs obligations internationales;
d. à offrir, en consultation avec le HCR, une protection temporaire à ceux qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967, mais qui ont été contraints de fuir leur pays parce que leur vie ou leur sécurité était menacée;
e. à veiller à ce que tous les demandeurs d'asile soient traités avec dignité et hébergés dans des conditions de salubrité satisfaisantes;
f. à poursuivre les efforts visant à conclure des accords sur le rapatriement et la réadmission avec les pays d'origine et les pays de transit, à condition que les personnes intéressées ne soient pas renvoyées contre leur gré;
g. à empêcher, par tous les moyens légaux, la création et le fonctionnement de toute association ou groupe d'individus qui apporte un soutien logistique, financier ou propagandiste aux organisations qui se livrent à des actes de violence et de terrorisme;
vi. d'user de son influence auprès de l'Union européenne:
a. pour faire en sorte que les mesures prises pour renforcer les contrôles aux frontières ou pour lutter contre la traite de clandestins ne portent pas directement ou indirectement atteinte au droit international en matière de protection des réfugiés;
b. pour qu'elle reprenne la coopération financière promise en vue de favoriser le développement économique en Turquie, particulièrement dans les provinces du Sud-Est, et intensifie l'aide humanitaire qu'elle fournit à la région nord de l'Irak;
vii. de mettre sur pied, conjointement avec l'Union européenne, un programme commun de coopération avec la Turquie destiné à assurer une assistance pour la promotion des droits culturels de la population kurde et d'autres divers groupes de la population locale dans le sud-est de la Turquie.