P. S.-S., Sri Lanka
Publisher | Switzerland: Commission suisse de recours en matière d'asile |
Author | Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA) |
Publication Date | 1 February 1999 |
Citation / Document Symbol | EMARK 1999 / 1 - 001 |
Cite as | P. S.-S., Sri Lanka, EMARK 1999 / 1 - 001, Switzerland: Commission suisse de recours en matière d'asile, 1 February 1999, available at: http://www.refworld.org/cases,CHE_CRA,4403197f4.html [accessed 25 June 2017] |
Comments | Art. 3, 17, para. 1 and 17a Asylum Law, art. 14a para. 4 and 6 Law on Foreign Nationals: In the case of a married couple, the question of the eligibility for refugee status of one spouse cannot be examined independently of that question concerning the other spouse. In the event of a subsequent marriage in Switzerland of two foreigners who had made separate requests for asylum, the determination of whether refugee status is to be granted to one of the spouses may not be made independently of the determination concerning refugee status of the other spouse. If the FOR has suspended consideration of one of the spouse's request for asylum for an unspecified period of time, in particular so as to conform to the directive given by the Federal Department of Justice and Police in respect of older procedures concerning Sri Lankan nationals, when the other spouse has appealed a decision refusing asylum to the Commission, then the decision challenged shall be quashed and the case remanded back to the FOR, or in other words, set back into the same procedural status as the suspended case of the spouse. |
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Décision de principe : [1]
Art. 3, 17, al. 1 et 17a LAsi, art. 14a, al. 4 et 6 LSEE : demandeurs d'asile mariés ; renvoi à l'ODR du cas d'un des conjoints, lorsque cette autorité a suspendu l'examen de la demande d'asile de l'autre pour une durée indéterminée.
1. En cas de mariage subséquent en Suisse de deux étrangers qui ont déposé séparément une demande d'asile, la question de la reconnaissance de la qualité de réfugié à l'un des conjoints ne peut être tranchée indépendamment de celle de l'autre (consid. 2a-d).
2. Il en va de même de la question de l'exécution du renvoi, sous réserve de l'application de l'art. 14a, al. 6 LSEE, en raison du principe de l'unité de la famille qui interdit tout renvoi de conjoints en ordre dispersé, ainsi que de la nécessité d'examiner de manière coordonnée ladite exécution (consid. 4).
3. Si l'ODR a suspendu le traitement de la demande d'asile de l'un des deux conjoints pour une durée indéterminée, la Commission, saisie d'un recours contre une décision de refus d'asile et de renvoi de l'autre conjoint, n'est plus en état de juger valablement les questions touchant tant à la qualité de réfugié et à l'asile, quau renvoi (et à l'exigibilité de son exécution) de cet autre conjoint (consid. 2e et 3).
Résumé des faits :
Le 3 septembre 1992, P.S. a déposé une demande d'asile auprès des autorités suisses. Lors des auditions, l'intéressée, d'ethnie tamoule, a déclaré qu'à une occasion, un peu plus d'un an auparavant, elle avait été contrainte d'amener des vivres et de préparer le repas pour les LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Elle n'aurait jamais été membre ou sympathisante d'un mouvement politique et elle n'aurait jamais été arrêtée ni jugée. Le 27 avril 1991, des soldats de l'armée sri lankaise auraient fait irruption dans son domicile et auraient abattu son père. Elle aurait fui en direction de K. avec les autres membres de sa famille. Après son départ, l'armée sri lankaise aurait détruit la maison familiale. Le 24 juillet 1992, craignant pour sa sécurité et pour sa vie en raison de la présence de l'armée sri lankaise et des attaques aériennes, la requérante aurait quitté K. pour se rendre sans problèmes à Colombo, où elle n'aurait pas été inquiétée par les autorités sri lankaises. Le 3 août 1992, elle serait montée à bord d'un avion à destination d'une ville italienne inconnue, en compagnie d'un passeur qui aurait gardé son passeport. Le 2 septembre 1992, elle est entrée clandestinement en Suisse.
Par décision du 2 avril 1993, l'ODR a rejeté la demande d'asile de P.S. et a prononcé son renvoi de Suisse, dès lors que ses déclarations ne satisfaisaient ni aux conditions de vraisemblance posées par l'art. 12a LAsi, ni aux exigences requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié selon l'art. 3 LAsi. Dit office a estimé que la liberté d'établissement que lui confère sa nationalité sri lankaise lui laisse la possibilité de s'installer dans des régions épargnées par les affrontements.
Dans le recours administratif interjeté contre cette décision le 10 mai 1993, P. S. s'est référée à ses précédentes déclarations et les a explicitées afin de faire admettre que les faits allégués étaient déterminants en matière d'asile. Elle a soutenu que, ne disposant d'aucun réseau social, elle ne pouvait pas résider à Colombo ou ailleurs dans le sud du pays, et elle a conclu à l'octroi de l'asile et au non-renvoi de Suisse.
Le 2 octobre 1993, P. S. a épousé, devant l'officier de l'état civil de Zurich, S. P., ressortissant sri lankais, dont la demande d'asile déposée le 15 mai 1991 n'a, au jour du présent prononcé, pas encore fait l'objet d'une décision de la part de l'ODR.
Le 3 juillet 1997, l'Office fédéral des étrangers (OFE) a rendu à l'endroit de S. P. et de P. S.-S. une décision de refus d'exception aux mesures de limitation au sens de l'art. 13 let. f OLE. Cette décision a acquis force de chose jugée.
Invité par l'autorité de céans, en date du 6 février 1998, à se prononcer sur le mérite du recours, l'ODR s'y est refusé par courrier du 10 février 1998, précisant que les demandes d'asile de l'intéressée et de son mari n'avaient, à son avis, pas lieu d'être définitivement tranchées, compte tenu de directives administratives internes aux termes desquelles il renonçait temporairement à prononcer ou à exécuter des décisions en matière d'asile et de renvoi relatives à des ressortissants sri lankais ayant déposé leur demande d'asile entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1992.
La CRA a admis le recours et renvoyé l'affaire à l'ODR pour nouvelle décision.
Extraits des considérants :
2. a) Sont des réfugiés les étrangers qui, dans leur pays d'origine ou le pays de leur dernière résidence, sont exposés à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont considérées notamment comme sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (art. 3, al. 1 et 2 LAsi).
Conformément à l'art. 12a, al. 1 LAsi, quiconque demande asile doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié.
b) Une personne peut, indépendamment de ses motifs d'asile propres, avoir une crainte fondée d'être exposée, à l'avenir, à de graves préjudices au sens de l'art. 3, al. 1 et 2 LAsi en raison de liens de parenté étroits avec des activistes politiques ayant reçu l'asile en Suisse et remplir, ainsi, les conditions mises par la loi pour obtenir la qualité de réfugié (persécution réfléchie; cf. JICRA 1994 no 17, p. 134ss.; 1994 no 5, p. 47 à 49; 1993 no 39, p. 283ss.; 1993 no 6, p. 37 et 38).
c) Aux termes de l'art. 3, al. 3 LAsi, sont également reconnus réfugiés, à moins que des circonstances particulières ne s'y opposent, les conjoints des réfugiés et leurs enfants mineurs.
Lorsqu'un réfugié remplit les conditions pour la reconnaissance de la qualité de réfugié matérielle, il peut transmettre la qualité de réfugié dérivée (formelle) à son conjoint; ce dernier sera considéré comme réfugié, même en l'absence de motifs d'asile personnels (JICRA 1998 no 9, p. 55ss.; 1997 no 1, p. 1ss.). Peu importe que la communauté conjugale se soit constituée avant ou après le prononcé portant sur la reconnaissance de la qualité de réfugié matérielle de l'autre conjoint (JICRA 1996 no 14, p. 116, consid. 6; 1995 no 15, p. 141ss.).
d) En l'espèce, la recourante a épousé, durant sa procédure d'asile, un candidat à l'asile sri lankais, S. P., dont la requête, datant de 1991, n'a toujours pas été tranchée par l'autorité de première instance. La Commission ne saurait d'emblée exclure, sans préjuger d'une cause dont elle n'est pas saisie, que le moment venu l'ODR reconnaisse la qualité de réfugié à l'époux de la recourante. Dans cette hypothèse, la recourante pourrait arguer d'être victime d'une persécution réfléchie, déterminante au sens de l'art. 3, al. 1 et 2 LAsi, du fait des activités de son mari. Elle pourrait également se prévaloir de l'art. 3, al. 3 LAsi pour obtenir elle aussi, par regroupement familial, la qualité de réfugiée. Il résulte de ce qui précède que pour trancher le point de savoir si la recourante peut se voir reconnaître la qualité de réfugiée à titre matériel (au sens de l'art. 3, al. 1 et 2 LAsi) ou à titre dérivé (au sens de l'art. 3, al. 3 LAsi), il est nécessaire que l'ODR statue au préalable sur la demande d'asile de son conjoint.
e) Or en l'occurrence, l'ODR a suspendu pour une durée indéterminée le traitement de la demande d'asile du mari. L'état des faits pertinents ne pouvant être complété au stade du recours, le pourvoi de la recourante n'est plus en état d'être jugé sur les questions de la qualité de réfugiée et de l'asile. En conséquence, le recours doit être admis en ce sens que la décision du 2 avril 1993 rejetant la demande d'asile de P. S. et lui refusant la qualité de réfugiée est annulée et la cause renvoyée à l'ODR.
Sans doute y a-t-il lieu, en règle générale, de suspendre temporairement l'instruction du recours, par économie de procédure, jusqu'à droit connu sur la procédure introduite auprès de l'ODR, dans les cas de mariage subséquent d'une recourante avec un requérant d'asile dont la demande n'a pas encore été examinée par l'autorité de première instance. Toutefois, lorsqu'il est manifeste que l'instruction du dossier auprès de l'ODR est suspendue sine die, comme c'est le cas pour les anciennes demandes d'asile de ressortissants sri lankais, la Commission se doit de trancher le litige porté devant elle.
3. L'annulation de la décision refusant l'asile et la qualité de réfugié emporte nécessairement l'annulation de celle - qui lui est intimement liée - du renvoi et de l'exécution de celui-ci (cf. art. 17, al. 1 et 19, al. 1 LAsi).
Il y a dès lors lieu d'annuler complètement la décision entreprise et de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision simultanément à celle de l'époux.
4. a) Indépendamment de ce qui précède, il convient d'observer, en outre, que la cassation se serait également justifiée si la Commission avait été, dans le présent cas d'espèce, saisie d'un recours exclusivement dirigé contre le renvoi et son exécution. Dans un tel cas de figure, l'ODR aurait également dû statuer simultanément sur le sort des causes des deux époux, et dans l'hypothèse où leurs demandes d'asile auraient été rejetées, se prononcer simultanément sur leur renvoi de Suisse et, en outre, sur la licéité, l'exigibilité et la possibilité de l'exécution de cette mesure. Il aurait, en effet, été tenu de prendre en compte le principe de l'unité de la famille, conformément à l'art. 17, al. 1 in fine LAsi et, cas échéant, de fixer des délais de départ communs de manière coordonnée (cf. art. 17a, al. 1, let. b LAsi); il ne saurait, en effet, être question de renvoyer de Suisse les membres d'une même famille en ordre dispersé (cf. JICRA 1995 no 24, p. 230, consid. 10).
b) L'annulation de la décision prononçant l'exécution du renvoi se serait aussi imposée étant donné que la Commission n'aurait pas non plus été à même de se déterminer, en l'état, sur l'exigibilité de l'exécution d'un éventuel renvoi au Sri Lanka de la recourante, compte tenu de l'art. 14a, al. 4 LSEE et de la jurisprudence y afférant qui lui aurait imposé de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents du dossier et de les pondérer entre eux (JICRA 1994 no 18, p. 140s., consid. 4 d, et no 19, p. 147ss., consid. 6a et b), et donc d'établir préalablement si l'intéressée aurait été tenue de quitter la Suisse, seule ou avec son mari, pour se réinstaller dans une région de son pays exempte de violences généralisées. En effet, la présence ou non, sur place, de son mari aurait été un critère d'appréciation à prendre en considération dans l'examen de la possibilité de refuge interne au Sri Lanka, conformément à la jurisprudence constante de la Commission relative à l'exigibilité de l'exécution du renvoi de ressortissants sri lankais déboutés de l'asile (JICRA 1998 no 23, p. 197ss., consid. 8c et références citées), en l'absence d'une mise en danger ou d'une atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics qui eût entraîné l'application de l'art. 14a, al. 6 LSEE.
[1] Décision sur une question juridique de principe selon l'art. 12, al. 2 et 6 OCRA.