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CRR, 7 juillet 1995, 262 282, Mlle Lembe Kisita

Publisher France: Commission des Recours des Réfugiés (CRR)
Publication Date 7 July 1995
Citation / Document Symbol 262682
Cite as CRR, 7 juillet 1995, 262 282, Mlle Lembe Kisita, 262682, France: Commission des Recours des Réfugiés (CRR), 7 July 1995, available at: https://www.refworld.org/cases,FRA_CRR,3ae6b6a934.html [accessed 7 October 2022]
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant

Chez MBUNGU MAKEMBO

 

43, rue Fontaine

 

75009 PARIS

ledit recours et ledit mémoire

enregistrés le 14 février 1994 et le 2 décembre 1994

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A)

a rejeté le 12 janvier 1994 sa demande d'admission au statut de réfugiée;

Par les moyens suivants;

Sergent dans l'armée zaïroise depuis 1990, la requérante, affectée à l'Inspectorat général et chargée de la distribution du courrier aux différents services des forces armées, a été interpellée le 26 mai 1992 dans l'exercice de ses fonctions par deux agents du Service d'action et de renseignement militaire (SARM); ceux-ci, après avoir découvert parmi le courrier qu'elle transportait un pli contenant une lettre codée dont elle ignorait l'existence, l'ont conduite à l'état-major du SARM; elle y a été détenue deux semaines, accusée d'être une opposante au régime et soumise à des interrogatoires portant sur l'auteur et le destinataire de la lettre codée qui lui étaient l'un et l'autre inconnus; transférée le 9 juin 1992 au Service national d'intelligence et de protection (SNIP), elle y a été victime de viol et de nombreux sévices destinés à lui extorquer des aveux; incarcérée le 15 juin 1992 à la prison de N'Dolo, elle a été traduite le 25 juin devant une juridiction militaire qui l'a condamnée à une peine de 18 mois de "servitude pénale principale" pour communication d'informations militaires à des éléments de l'opposition; le 6 août 1992, elle a bénéficié d'une mise en liberté provisoire assortie de l'obligation de signaler régulièrement sa présence à l'Auditorat militaire; quelques jours plus tard, elle a été à nouveau arrêtée et placée en garde-à-vue pour les besoins de l'enquête; le 21 août 1992, profitant de l'inattention de ses gardes, elle s'est évadée, a regagné son domicile et préparé ses bagages en vue de se réfugier dans son village du Bas-Zaïre; des militaires, informés de sa présence dans ce village, s'y sont présentés à deux reprises en son absence afin de l'appréhender; ne l'y trouvant pas, lis ont menacé la communauté villageoise et arrêté ses cousins afin qu'elle-même se livre; cette situation l'a déterminée à gagner le 3 septembre 1992 un village angolais voisin, puis Luanda; craignant d'être soupçonnée, en tant que militaire de nationalité zaïroise, d'apporter son soutien à l'UNITA et de s'exposer à des représailles, elle a, grâce à des complicités, quitté l'Angola pour l'Europe le 15 janvier 1993; à son arrivée en France, en juin 1993, elle a appris que son supérieur hiérarchique ainsi qu'un autre officier, tous deux proches de l'opposition, avaient été exécutés; elle craint dès lors pour sa sécurité et pour sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine;

En outre, la requérante sollicite l'application à son profit du principe de l'unité de famille en vertu des liens de concubinage qui l'unissent depuis le 1er octobre 1994 à un ressortissant zaïrois, M. KABUTUTU Suminua, admis au statut de réfugié par une décision de la Commission en date du 17 avril 1994;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 février 1994,

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugiée présentée par l'intéressée au directeur de l'O.F.P.R.A., communiqué par celui-ci sans observations;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 7 juillet 1995

Mlle HENON, rapporteur de l'affaire, les observations de Maître SAIDI, conseil de la requérante, et les explications de cette dernière

M. KAYEMBE, interprète assermenté;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que, pour demander la reconnaissance de la qualité de réfugiée, Mlle LEMBE KISITA, qui est de nationalité zaïroise, soutient que, sous-officier dans l'armée zaïroise, elle a été arrêtée le 26 mai 1992 en possession d'une lettre codée compromettante, insérée à son insu dans le courrier dont elle assurait la distribution aux différents services des forces armées; qu'elle a été détenue un mois, durant lequel elle a été victime d'interrogatoires, de sévices nombreux et d'un viol; que, soupçonnée d'être l'intermédiaire et la complice d'officiers collaborant avec les milieux opposants et d'avoir permis que soient communiqués à ces derniers des informations relevant du secret militaire, elle a été condamnée le 26 juin 1992 à une peine de dix-huit mois de "servitude pénale principale"; que le 6 août 1992, elle a été mise en liberté provisoire et astreinte à signaler périodiquement sa présence aux autorités militaires; que dans les jours qui ont suivi sa libération, elle a été à nouveau arrêtée et placée en garde-à-vue pour les besoins de l'enquête; qu'elle est parvenue peu après à s'évader et se réfugier auprès de sa famille dans son village du Bas-Zaïre; que des militaires à sa recherche, venus à deux reprises l'arrêter alors qu'elle s'était absentée du village, ont menacé les villageois et interpellé ses cousins dans le but qu'elle se constitue prisonnière; qu'afin de préserver sa sécurité, elle a gagné l'Angola en septembre 1992; qu'exposée à des représailles dans ce pays où elle pouvait être soupçonnée de venir renforcer les rangs de l'UNITA, elle s'est rendue en Europe en janvier 1993 grâce à des complicités; qu'elle a été ultérieurement informée de l'exécution de son supérieur hiérarchique et d'un autre officier; que sa sécurité et sa liberté seraient dès lors menacées si elle regagnait le Zaïre; qu'elle est en outre fondée à solliciter le statut de réfugié par application du principe de l'unité de famille, en vertu des liens de concubinage qui l'unissent depuis le 1 et octobre 1994 à un ressortissant zaïrois bénéficiaire du statut de réfugié depuis le 17 avril 1991;

Considérant, d'une part, que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la Commission, ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées; qu'en particulier, les documents produits et présentés comme une citation à prévenu, datée du 22 juin 1992, et une ordonnance de mise en liberté provisoire, datée du 4 août 1992, ne présentent pas de garanties d'authenticité suffisantes;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la déclaration de vie maritale, produite devant la Commission, que le concubinage invoqué par la requérante avec un réfugié statutaire de même nationalité a commencé postérieurement à la date à laquelle ce dernier avait formé sa demande d'admission au statut de réfugié; que dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir du principe de l'unité de famille;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours ne peut être accueilli;

DECIDE

ARTICLE 1er : Le recours de Mademoiselle LEMBE KISITA est rejeté

ARTICLE 2 : La présente décision sera notifiée à Mademoiselle LEMBE KISITA et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 7 juillet 1995 où siégeaient:

M. de BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président;

MM. GIBERT, KEREVER, Conseillers d'Etat honoraires;

MM. GUIGNABAUDET, ALLAND, GUTINGER, Représentants du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

MM. LEFEUVRE, BUCCO-RIBOULAT, LUCAS, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique le 21 juillet 1995

Le Président: J.J. de BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: C. JOUHANNAUD

POUR EXPEDITION CONFORME: C. JOUHANNAUD

La présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés devant d'autres juridictions.

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