Les meilleurs souvenirs des Jeux d'été de Rio 2016 pour l'équipe olympique des athlètes réfugiés

Désormais de retour au Kenya, les athlètes sud-soudanais et membres de l'équipe olympique des athlètes réfugiés racontent leurs souvenirs des compétitions, des acclamations de la foule et de leur premier aperçu de l'océan à Rio de Janeiro.

Les athlètes Paulo Amotun Lokoro et Rose Nathike Lokonyen sur la plage à Rio de Janeiro, au Brésil. C'était la première fois qu'ils voyaient l'océan.
© HCR / Benjamin Loyseau

NAIROBI, Kenya — Un matin tôt alors qu’il se réveillait dans sa chambre du village olympique de Rio de Janeiro, l’athlète sud-soudanais Yiech Pur Biel a répondu à un appel d’un numéro qu’il ne reconnaissait pas. À l’autre bout du fil, une voix qu’il n’avait pas entendue depuis une douzaine d’années.


« C’était ma mère », affirme Yiech Pur Biel, qui a été séparé de ses parents lorsqu’il avait fui la guerre qui faisait rage dans son pays en 2005. Il a grandi seul au Kenya en tant que réfugié. « Je ne savais pas si elle était morte ou vivante. Elle ne savait pas si j’étais mort ou vivant. En fait, elle croyait que j’avais disparu. Ça a été incroyable. Encore aujourd’hui, je ne peux toujours pas le croire. »

En effet, Nasir, qui habite près de sa ville natale au Soudan du Sud, a remarqué une publication sur Facebook mentionnant qu’il faisait partie de l’équipe olympique des réfugiés aux Jeux olympiques d’été de 2016 de Rio de Janeiro. Cette personne connaissait sa mère, Nyagony Tut, une fermière, et l’a emmenée au bureau d’une organisation humanitaire, d’où elle a appelé son fils.

« C’était ma mère. Je ne savais pas si elle était morte ou vivante. »

En une seule conversation joyeuse d’une heure s’est dissipée toute l’incertitude qui l’avait habité toute sa jeunesse et qui perdurait encore - quant à savoir si sa famille avait survécu.

« Elle ne sait pas ce que sont les Jeux olympiques, mais elle a compris que j’étais parti très loin, que je reviendrais et que j’allais bien », affirme Yiech Pur Biel, avec un large sourire. « Tout cela me fait croire que tout est possible, à la condition de travailler dur et d’avoir de bons résultats. »

Spécialiste de l’épreuve du 800 mètres, Yiech Pur Biel fait partie des cinq coureurs du Soudan du Sud qui ont marqué l’histoire en participant aux épreuves olympiques au sein de l’équipe olympique des athlètes réfugiés à Rio 2016 et dont la vie a été changée, souvent d’une façon inattendue.

Kenya : des athlètes olympiques réfugiés se rappellent de Rio 2016 (en anglais)

Désormais de retour dans le camp d’entraînement en haute altitude au nord de la capitale du Kenya, Nairobi, les coureurs ont troqué leurs chambres à coucher élégantes surplombant les plages de l’Atlantique contre des dortoirs dans des immeubles d’un étage en briques grises. Les petits-déjeuners consistent de nouveau en du lait tiré directement de la vache plutôt qu’un buffet généreux.

Chacun d’entre eux est immensément fier d’être apparu sur la plus grande scène mondiale afin de représenter plus de 21,3 millions de réfugiés parmi un nombre record de 65,3 millions de personnes aujourd’hui déracinées.

« Lorsque j’attendais sur la ligne de départ », affirme Yiech Pur Biel, « je sentais le regard des réfugiés du monde entier fixé sur moi. Je voulais leur montrer que vous n’avez pas à avoir honte de vous qualifier de “réfugié” et que nous pouvons être autre chose que des personnes qui courent pour fuir les guerres. C’est à nous de travailler pour changer cela. »

« Lorsque j’attendais sur la ligne de départ, je sentais le regard des réfugiés du monde entier fixé sur moi. »

Anjelina Nadai Lohalith, qui a pris part à l’épreuve du 1 500 mètres, est d’accord. Elle affirme que le fait d’être entourée de gens ayant consacré leur vie à atteindre leur objectif alors qu’elle se trouvait à Rio a renforcé sa propre croyance sur l’importance d’avoir une aspiration et de se concentrer à l’atteindre.

« En tant que réfugié, vous ne pouvez pas seulement dire que vous avez été déraciné de votre pays, que vous ne pouvez rien faire d’autre et que vous dépendez uniquement de l’aide d’autres personnes », affirme Anjelina Nadai Lohalith, qui avait quitté son pays natal à l’âge de six ans et qui a grandi sans ses parents au camp de réfugiés de Kakuma dans une région semi-désertique du nord du Kenya.

« Concentrez-vous sur votre ambition. Lorsque vous croyez en vous, cela vous rend encore plus fort », ajoute-t-elle.

Des membres de l'équipe olympique d'athlètes réfugiés rencontrent la Haut Commissaire adjointe pour les réfugiés Kelly Clements au Village olympique de Rio.   © HCR / Benjamin Loyseau

Chacun des coureurs a des souvenirs différents des Jeux. Pour Yiech Pur Biel, ce fut l’appel de sa mère, suivi de près par l’atteinte de son meilleur résultat durant l’épreuve éliminatoire et le fait d’être parvenu à l’arrivée avant d’autres coureurs. Pour Anjelina Nadai Lohalith, ce fut la rencontre avec les meilleures athlètes au monde et le fait d’avoir pu se mesurer à elles.

Les deux ont également affirmé qu’ils avaient aimé visiter Rio en tant que touristes une fois leurs épreuves terminées.

« Tant de choses m’ont étonnée : les immeubles étaient si hauts que, au début, j’avais peur de m’approcher de la fenêtre et de regarder en bas », affirme Anjelina Nadai Lohalith, en riant.

« La nourriture était intéressante. Dans la salle à manger du village olympique, tous les athlètes de partout dans le monde étaient là et je n’arriverai pas à dire si certains d’entre eux mangeaient de véritables aliments ou autre chose.

« Tant de choses m’ont étonnée : les immeubles étaient si hauts que, au début, j’avais peur de m’approcher de la fenêtre et de regarder en bas. »

J’ai aussi trouvé impressionnant la manière dont ils coupent les routes en plein milieu des montagnes. J’aurais dû filmer une vidéo de ces tunnels afin de montrer une preuve aux gens qui ne me croyaient pas. »

Rose Nathike Lokonyen, qui était à la tête de l’équipe des athlètes réfugiés à leur entrée au stade olympique lors de la cérémonie d’ouverture, a été enchantée de voir l’océan pour la première fois de sa vie. James Nyang Chiengjiek, le doyen des représentants de l’équipe des réfugiés à 28 ans, et Paulo Amotun Lokoro, qui a participé à l’épreuve du 1 500 mètres, ont tous deux retenu comme point fort les acclamations d’encouragement de la foule pendant leurs épreuves d’athlétisme.

Chacun des coureurs envisage de continuer son entraînement, avec le soutien de la Tegla Loroupe Peace Foundation, et du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

« Vous savez, ce n’est qu’un début pour nous tous », affirme Yiech Pur Biel. « Je dis à mes collègues réfugiés - en fait, à tout le monde - que la réalisation de grandes ambitions prend du temps. Il y aura des défis. La clé est de ne jamais perdre espoir. »