Des réfugiés s'épanouissent grâce au travail en Allemagne

Beaucoup d’entreprises allemandes s’efforcent de lever les obstacles à l’emploi pour les nouveaux arrivants en leur permettant d’intégrer le marché du travail allemand par des stages et de la formation professionnelle.

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C’est une tâche colossale. L’Office fédéral de l’emploi en Allemagne mentionne avoir conseillé, durant le seul mois de juillet, quelque 322 000 demandeurs d’asile et réfugiés à la recherche d’un travail. Beaucoup éprouvent des difficultés avec la langue ou n’ont pas les documents nécessaires tandis que d’autres doivent suivre une nouvelle formation ou changer de carrière.

Cependant, les possibilités sont réelles pour les personnes faisant preuve de détermination. Dans leur formation aux nouveaux arrivants, certaines grandes entreprises allemandes indiquent qu’obtenir un emploi va bien au-delà de la rémunération. Le travail est synonyme d’intégration, d’acceptation, de reconnaissance et de confiance en soi.

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Sana Dawod, ingénieur informatique en développement de logiciel chez SAP

« Je n’aurais jamais imaginé avoir la chance si rapidement de travailler pour une entreprise comme SAP. C’est mieux que tout ce que j’avais imaginé », indique Sana qui, à 30 ans, a quitté sa maison à Daraya dans la banlieue de Damas, un point chaud du conflit.

Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur en informatique, Sana avait travaillé pendant quatre ans en tant que développeur Web et illustratrice pour une organisation non gouvernementale pour les enfants dans la capitale syrienne. Lorsque la guerre a éclaté, elle a continué à travailler bravant le chaos et la violence.

« Nous avons vécu difficilement en Syrie pendant des années dans l’espoir que la situation s’améliorerait », ajoute-t-elle.

Les hommes de sa famille ont fui vers l’Europe après que le frère de Sana ait été tué. Sa sœur et elle sont demeurées à Damas pendant deux autres années pour attendre des nouvelles d’un proche disparu. 

« La situation était horrible en Syrie. À la fin, nous avions perdu tout espoir. »

Quand elles ont entendu parler de la mort du proche, elles ont compris qu’elles n’avaient aucune raison de rester au pays. « La situation était horrible en Syrie », mentionne-t-elle. « À la fin, nous avions perdu tout espoir. Lorsque nous sommes parties, nous avions le sentiment d’avoir laissé derrière nous nos proches qui avaient été tués. »

En avril 2015, Sana a rejoint des membres de sa famille à Ludwigshafen, dans le sud-ouest de l’Allemagne, et elle a commencé à chercher du travail. Elle a vu sur les médias sociaux que les bureaux de SAP près de chez elle étaient à la recherche de réfugiés pour des stages. Elle a postulé immédiatement et sa candidature a été retenue.

En janvier, elle a commencé un stage rémunéré de six mois chez SAP au sein d’un groupe de 80 réfugiés et demandeurs d’asile.

Comme nombre de candidats n’avaient pas les diplômes prouvant leurs compétences, les recruteurs ont discuté avec eux pour évaluer leurs compétences et leur expérience. Pour Sana, ce fut toute une adaptation.

« Tout était nouveau, une nouvelle entreprise, une nouvelle culture, de nouveaux collègues, une nouvelle langue, de nouvelles technologies », explique-t-elle. « Mon expérience antérieure m’a aidée, mais j’ai dû apprendre beaucoup sur les technologies les plus récentes. »

Sana n’a pas seulement appris un nouveau langage de code. Elle s’est soudainement retrouvée dans un milieu de travail allemand entourée d’une équipe de travail dont les membres proviennent de partout dans le monde. « Mon travail a contribué beaucoup à mon intégration », ajoute Sana, qui a suivi un cours d’allemand et d’intégration en marge de son stage.

« Il y a toujours des occasions de discuter avec les collègues et de découvrir de nouvelles cultures. »

Son mentor, René Laengert, a été impressionné par ses progrès. Lorsqu’il y a eu une possibilité d’emploi dans son équipe, il a encouragé Sana à présenter sa candidature. « Elle s’est familiarisée très vite avec les technologies que nous utilisons », indique René. « Son flair artistique et son expérience technique forment une excellente combinaison. »

Plus tôt ce mois-ci, Sana a commencé un contrat à temps plein. Elle affirme que l’obtention de cet emploi a été une étape cruciale qui lui a permis de placer sa nouvelle vie sur la bonne voie. « Mon travail ici m’a vraiment aidée à voir le côté positif », ajoute Sana. « Avant la guerre, nous menions une vie agréable. Il est donc étrange d’être étiquetés comme réfugiés et de dépendre des autres. J’espère voler de mes propres ailes le plus rapidement possible. »

Mahmoud Nouri Al Abdoulah, stagiaire à Deutsche Bahn

Nouvel arrivant syrien, Mahmoud Nouri Al Abdoulah cherchait de l’aide l’automne dernier. Après neuf mois en Allemagne, cet ancien électricien dans le domaine du rail ne parlait que quelques mots d’allemand et vivait toujours dans un refuge temporaire à Berlin. Sa nouvelle vie le rendait anxieux.

« J’avais besoin d’aide », indique Mahmoud, 26 ans. « Je voulais travailler ou étudier, mais je ne savais pas comment m’y prendre. »

Lorsque la guerre a éclaté, il a dû quitter son emploi aux Chemins de fer syriens à Alep. « Certaines personnes me poussaient à prendre part au combat. J’ai dû partir. » Il est donc parti à pied seul vers la Turquie puis vers la Grèce en travaillant le long du trajet.

Mahmoud se rappelle avoir rencontré à Alep des ingénieurs allemands en signalisation ferroviaire. « La technologie qu’ils utilisaient était plus récente. C’était fascinant. » Une fois à Berlin, il s’est toutefois senti perdu. Comme il n’avait rien à faire, il se retrouvait souvent rongé d’inquiétude au sujet de sa famille en Syrie. « Les conditions sont difficiles pour eux à Alep. Parfois, je n’ai pas de nouvelles pendant des semaines. J’ai souvent très peur. Lorsque je suis arrivé ici, j’ai passé les premiers mois à me promener un peu partout. Ce fut difficile sans aide. »

« J’ai commencé à chercher du travail pour lui. Je me suis réjouie lorsque j’ai su que l’industrie allemande ouvrait ses portes aux réfugiés. »

Puis, par hasard, Mahmoud a fait une rencontre qui a tout changé. Lors d’un rassemblement de nouveaux arrivants et de bénévoles, Mahmoud a rencontré Grabriele Frister, une travailleuse sociale à la retraite qui s’est tout de suite mise à l’aider à se remettre sur la bonne voie. En l’espace de quelques mois, il a obtenu un stage de formation chez l’exploitant ferroviaire allemand Deutsche Bahn.

« Premièrement, j’ai demandé à Mahmoud quelle formation il avait faite à Alep, qu’est-ce qu’il voulait et quelles étaient ses attentes », indique Grabriele ajoutant qu’elle a rapidement vu que Mahmoud était une personne fiable et déterminée. « Alors j’ai commencé à chercher du travail pour lui. Je me suis réjouie lorsque j’ai su que l’industrie allemande ouvrait ses portes aux réfugiés. »

En mars, Mahmoud s’est joint à un groupe de 12 nouveaux arrivants pour une formation donnée par Deutsche Bahn à Berlin. Ce programme conjoint avec l’office fédéral de l’emploi en Allemagne a été lancé l’an dernier. D’autres projets devraient être mis en oeuvre à Munich, Hambourg, Erfurt et Brême et ils permettront d’offrir 120 places de formation professionnelle aux réfugiés d’ici la fin de l’année.

Le stage initial de Mahmoud qui comportait des cours intensifs d’allemand et de l’expérience pratique tire à sa fin. Dès septembre, il commencera un stage de formation de trois ans pour devenir technicien électronique. Il est fort probable qu’on lui offre un poste permanent à la fin de ce stage.

« C’est une chance incroyable que d’apprendre à utiliser cette nouvelle technologie », mentionne-t-il. « J’ai acquis beaucoup d’expérience ici. »

Mahmoud a quitté la chambre qu’il partageait au refuge pour emménager dans son propre appartement. Il se rend maintenant au travail à vélo tous les matins et il est soulagé de vivre enfin dans un endroit où il peut se concentrer. « J’ai besoin de temps, mais j’apprends beaucoup plus facilement dans un endroit paisible. »

 

Arezoo Jalali, stagiaire chez Porsche

Arezoo Jalali, réfugiée iranienne, a dû se battre pour avoir la chance de commencer une nouvelle vie. Les jours difficiles étant désormais derrière elle, cette ancienne avocate a tout recommencé et elle s’enrichit maintenant d’une nouvelle expérience chez le constructeur automobile Porsche.

« Ce n’est pas facile de quitter sa maison », indique Arezoo qui a dû partir de Téhéran il y a six ans pour sa sécurité personnelle. « Certains pensent peut-être que nous venons ici parce que c’est facile. J’aimerais leur dire que ce ne l’est pas, que c’est très douloureux. Personne ne veut quitter sa maison. Les réfugiés le font parce qu’ils y sont forcés. »

Arezoo et son fils Shayan, qui avait quatre ans à l’époque, se sont rendus au Kenya où ils ont tenté de s’envoler vers l’Allemagne. Ils ont été arrêtés puis renvoyés en Iran. Finalement, au désespoir, Arezoo et Shayan ont fui par la route en passant par la Syrie et la Turquie. Ils ont ensuite traversé vers la Grèce dans un bateau pneumatique impropre à la navigation puis ils ont rejoint l’Allemagne à pied. Une fois arrivés en Allemagne, épuisés après près d’une année à défier l’adversité tous les jours et la terreur toutes les nuits, la mère et le fils ont déposé une demande d’asile.

« Shayan et moi ne pouvions pas croire que nous avions enfin un toit au-dessus de nos têtes », ajoute Arezoo. Ils ont été transférés dans un refuge à Stuttgart dans le sud-ouest de l’Allemagne. « Parfois, je pense à ce que nous avons traversé et ça me glace le sang. Dieu merci, tout ça est terminé. »

Cependant, sans travail, Arezoo était très angoissée. Elle ne pouvait oublier les traumatismes qu’elle a vécus. Elle s’est donc tournée vers le bénévolat et s’est efforcée d’aider les femmes et les enfants du refuge. Son projet a si bien réussi qu’un média local lui a décerné un prix d’intégration.

« Tous les Allemands rêvent de travailler chez Porsche et j’ai eu cette chance. »

Lors de la cérémonie de remise de prix l’automne dernier, un directeur de Porsche est venu la voir et lui a dit que l’entreprise offrait un plan de formation pour les réfugiés. Arezoo a présenté sa candidature. « J’ai dit d’emblée que je cherchais du travail », explique-t-elle. « Lorsque j’ai appris que j’avais été retenue, je croyais rêver. Tous les Allemands rêvent de travailler chez Porsche et j’ai eu cette chance. »

En mars, Arezoo a commencé un programme d’intégration de six mois dans un groupe de 15 nouveaux arrivants dans les bureaux de Porsche à l’extérieur de Stuttgart. En plus de cours intensifs d’allemand et de cours sur la société allemande, les stagiaires ont également acquis une expérience pratique dans la division de leur choix.

À 38 ans, Arezoo était l’aînée du groupe. Elle a saisi l’occasion pour en apprendre plus sur la logistique.

« Ma force, c’est l’organisation », mentionne-t-elle. « Je suis compétente dans ce domaine. Je n’avais jamais rêvé de travailler dans l’industrie automobile. Mais, je me suis dit : j’ai cette chance, alors pourquoi ne pas en profiter ? »

Peu importe la suite, Arezoo indique que son expérience chez Porsche les a rendus fières, elle et son fils, et qu’ils ont maintenant confiance en leur nouvelle vie. « Je vois ma vie comme une carte », confie-t-elle. « Les bonnes choses y ont une place et Porsche est dans un bel endroit sur la carte de ma vie. »

 

Nour Aldeen Hameed, stagiaire chez Deutsche Telekom

Il y a deux étés, Nour Aldeen Hameed a fui sa maison à Damas pour se rendre à Berlin et éviter de prendre part aux combats en Syrie. Entreprenant et déterminé de nature, ce comptable de 26 ans est actuellement en stage de formation en télécommunications au sein de l’entreprise Deutsche Telekom. Les deux dernières années en Allemagne n’ont toutefois pas été faciles.

« Je savais que je n’étais pas venu ici en vacances », explique Nour qui a dû attendre plus d’un an avant que sa demande d’asile soit acceptée. Pendant son attente, les possibilités d’emploi étaient limitées, mais il était résolu à acquérir le maximum d’expérience possible. « Dès qu’un stage se terminait, j’en cherchais un autre », mentionne-t-il.

L’été dernier, Nour est tombé sur Workeer, un site Internet allemand destiné à aider les réfugiés à faire des demandes d’emploi. Grâce à l’aide de cet organisme, il a présenté sa candidature pour un stage rémunéré de trois mois chez Deutsche Telekom. En septembre, il est devenu le premier réfugié employé de l’entreprise.

« Nour s’est joint à nous à un moment où nous cherchions encore comment nous pouvions faciliter l’intégration des réfugiés », indique son mentor, Stefan Oelschlägel. « Nous avons profité de ses grandes compétences interculturelles. » Affecté aux ressources humaines, Nour devait recruter d’autres réfugiés pour plus d’une centaine de stages de trois mois dans différentes divisions de l’entreprise partout en Allemagne.

« Si vous avez un rêve, il faut tout faire pour le réaliser sans jamais rien lâcher. Il faut toujours continuer de tenter. »

Nour devait rassembler des renseignements sur les compétences, les études et l’expérience professionnelle des candidats en Syrie. Avec le temps, il s’est découvert une nouvelle passion. « J’aime vraiment travailler en ressources humaines », indique-t-il. « Trouver du travail ici est une priorité pour nous tous. Il faut tout d’abord apprendre l’allemand et faire un cours d’intégration. Ce n’est qu’après que les gens sont prêts à travailler. »

Nour a obtenu son permis de séjour au printemps, ce qui lui a permis de décrocher un poste de formation de trois ans en ressources humaines chez Deutsche Telekom qu’il commencera en septembre. Lorsqu’il a appris qu’il avait obtenu le poste, il a célébré pendant 12 heures. « Je ne peux décrire ce que j’ai ressenti », affirme-t-il. « Je tiens seulement à remercier tout le monde. J’ai franchi les étapes une par une, mais je n’ai jamais été seul. »

Nour vit toujours dans un centre d’hébergement avec 100 autres demandeurs d’asile et réfugiés. Son permis de séjour et son stage en poche, il est maintenant à la recherche d’une maison où sa femme et lui pourront fonder une famille.

« Il y a des possibilités pour tous les réfugiés », ajoute-t-il. « Le parcours n’est pas facile : il faut remplir des demandes, avoir tous les papiers et faire face aux difficultés. C’est très stressant. Mais, c’est notre rêve. Si vous avez un rêve, il faut tout faire pour le réaliser sans jamais rien lâcher. Il faut toujours continuer de tenter »