Yusra Mardini, la nageuse syrienne, plonge dans la vie après les Jeux de Rio

Après sa participation très remarquée dans l'équipe olympique des athlètes réfugiés, l'adolescente travaille dur pour ses études et se fait porte-parole de la cause des réfugiés.

Yusra Mardini raconte ce qui lui est arrivé au Forum économique mondial 2017 à Davos (Suisse).   © David G McIntyre/ Zuma Press

Après sa participation très remarquée dans l’équipe olympique des athlètes réfugiés, l'adolescente travaille dur pour ses études et se fait porte-parole de la cause des réfugiés.


Berlin, Allemagne -- L'année a été faite de hauts et de bas pour Yusra Mardini, la jeune nageuse syrienne. Après la notoriété acquise en participant aux Jeux Olympiques de Rio 2016 au sein de l'équipe olympique des athlètes réfugiés, elle s'est exprimée au nom des réfugiés devant les Nations Unies à New York et au Forum économique mondial de Davos.

De retour dans la piscine, elle a le regard rivé sur les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Elle travaille également dur pour ses études, pour reprendre son éducation perturbée par la guerre. Elle trouve toutefois encore le temps nécessaire pour défendre la cause des réfugiés.

« Je fais dix séances d’entraînement par semaine et c'est ça ma vie pour le moment », explique Yusra, 18 ans, lors d'une rencontre avec le HCR à Berlin. « Mais j'ai aussi plein de choses qui se bousculent dans ma tête. Je pense aux réfugiés, comment aider les gens. Je veux faire changer le regard que les gens portent sur les réfugiés. »

Yusra Mardini, équipe olympique des athlètes réfugiés : Tournée vers l'avenir (en anglais)

Yusra explique à quel point l’expérience de sa fuite personnelle l’a persuadée de l’importance de maintenir la question des réfugiés au sommet de la liste des priorités mondiales. En s’appuyant sur les enseignements de son allocution devant le Sommet pour les réfugiés et les migrants à New York en septembre dernier, Yusra veut désormais développer ses talents de conférencière engagée.

Ce mois-ci, elle est intervenue au cours d'une conférence parallèle du Forum économique mondial à Davos, en Suisse, où l'ancien athlète de l'équipe américaine Michael Johnson l'a présentée comme "l'une des femmes les plus courageuses".

“Je veux faire changer le regard des gens.”

Avant tout, elle veut faire entendre sa voix pour montrer au monde que les réfugiés sont des gens ordinaires qui se trouvent dans des situations extraordinaires, forcés de fuir de chez eux pour échapper à la mort et aux destructions. Elle veut contrer les préjugés, par exemple celui qui fait des réfugiés des gens incultes ou qui déménagent pour en tirer un avantage financier.

« Les gens pensent que les réfugiés n'ont rien, qu'ils ne savent rien ou qu'ils viennent simplement pour prendre quelque chose », explique-t-elle. « Mais de nombreux réfugiés sont des médecins. Il y a aussi beaucoup d'ingénieurs.

“Nous avons dû fuir de chez nous. Nous sommes venus ici parce que nous voulions la paix, parce que nous ne pouvions plus supporter la guerre.”

  • Yusra Mardini, 18 ans, au cours d'une interview à Berlin.
    Yusra Mardini, 18 ans, au cours d'une interview à Berlin. © HCR/Daniel Etter
  • Yusra pendant son intervention au cours de la session du Forum économique mondial à Davos sur "Le sport pour la survie".
    Yusra pendant son intervention au cours de la session du Forum économique mondial à Davos sur "Le sport pour la survie". © WEF/ Valeriano Di Domenico
  • Yusra a le regard rivé sur les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo.
    Yusra a le regard rivé sur les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo.  © David G McIntyre/ Zuma Press

Dans un blog écrit au moment du Forum économique mondial, elle lançait un appel aux autres réfugiés : « Je lance un appel à nous tous, pour que nous nous ralliions tous sous ce nom que nous partageons, réfugié. Je m'appelle Yusra. Je suis une réfugiée. Je suis fière de m'engager pour la paix et pour que ceux qui fuient la violence soient traités avec décence et dignité. »

L'année dernière, fuyant le conflit en Syrie pour se rendre en Europe, Yusra a mis sa vie en danger. « Pour nous, le choix c'était de fuir et peut être de mourir en cours de route, ou de rester là et de mourir chaque jour. »

Yusra explique que son histoire est celle de la réalité que vivent de nombreux réfugiés en Europe de l’Ouest. Pour beaucoup, elle est la fille qui, avec sa sœur Sarah de 21 ans, a sauté dans l’eau depuis un bateau qui coulait en pleine mer Égée pour aider à le pousser ainsi que ses 20 malheureux passagers jusqu'à la terre ferme.

Être réfugié ne se résume pas à des traversées dangereuses et à des moments où on échappe de peu au danger. Pour beaucoup de nouveaux arrivants en Europe, la vie est faite d'attentes de décisions sur leurs demandes d'asile, de tractations frustrantes pour être réunis avec leurs proches, de luttes pour s'instruire ou trouver du travail.

Yusra est logée à la même enseigne. À l'école où elle va à Berlin, elle bataille au quotidien pour apprendre l'allemand, afin de pouvoir terminer son cycle secondaire dans une langue étrangère. Comme beaucoup d'autres réfugiés de son âge, elle a fui avant de pouvoir terminer le secondaire et elle ne peut pas s'inscrire à l'université tant qu'elle n'a pas fini le secondaire dans son pays d'accueil.

Elle explique que la langue est une barrière encore plus grande pour ses parents qui vivent également à Berlin. Ils travaillaient beaucoup tous les deux en Syrie et ils n'ont pas l'habitude de l'oisiveté forcée.

Yusra salue la décision de l'Allemagne qui a ouvert ses portes aux réfugiés, mais elle ajoute que le pays ne sait que faire d’eux maintenant qu'ils sont là.

« Je suis fière de m'engager pour la paix et pour que ceux qui fuient la violence soient traités avec décence et dignité. »

Pourtant, le fait d'attendre et de n'avoir rien à faire c’est peu de chose par rapport aux difficultés auxquelles sont confrontés la plupart des réfugiés dans le monde. Elle est inquiète pour ceux qui sont restés en Syrie, ses amis et sa famille élargie.

« Je veux dire au monde ce qui se passe en Syrie. Je veux parler des gens qui sont bloqués là-bas », dit-elle. « Je vois beaucoup de vidéos terribles et je me dis : 'pourquoi suis-je en sécurité ici, alors qu'il y a des Syriens qui se font tuer à Alep et ailleurs ?' Ça aurait très bien pu être moi, ma mère ou ma sœur. »

Des crises humanitaires se déroulent partout dans le monde et Yusra réalise parfaitement qu'il y a énormément de choses à faire pour améliorer le sort de ceux qui sont forcés à fuir. Elle pense que le monde est prêt à entendre leur point de vue.

« Nous devons attirer l'attention », dit-elle. « Je veux en parler. Dites-moi ce que vous avez contre les réfugiés et je peux vous expliquer, je peux même vous montrer comment et pourquoi vous avez tort. »