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Note sur l'expulsion des réfugiés

Publisher UN High Commissioner for Refugees (UNHCR)
Publication Date 24 August 1977
Citation / Document Symbol EC/SCP/3
Related Document(s) Note on Expulsion of Refugees
Cite as UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), Note sur l'expulsion des réfugiés, 24 August 1977, EC/SCP/3, available at: http://www.refworld.org/docid/3ae68cba10.html [accessed 22 June 2017]

Introduction

1.         Un réfugié qui s'est vu octroyer le droit de résidence légale dans un Etat doit avoir l'assurance que ce droit ne lui sera pas retiré et qu'il ne redeviendra pas un déraciné cherchant refuge. Cette assurance est donnée à l'article 32 de la Convention de 1951 et à l'article premier, paragraphe 1, du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés. Ces dispositions toutefois reconnaissent aussi qu'il peut y avoir des circonstances dans lesquelles un Etat peut envisager des mesures d'expulsion.

2.         Parmi les problèmes qui sont liés à l'expulsion des réfugiés, il faut citer les suivants : la difficulté de tracer une ligne de démarcation entre la protection fondamentale des réfugiés et les intérêts légitimes de l'Etat où ils résident; les conséquences extrêmement graves qu'entraîne l'expulsion pour le réfugié et les membres de sa famille la plus proche résidant avec lui; et la difficulté, sinon l'impossibilité dans bien des cas, de mettre en oeuvre la mesure d'expulsion.

3.         Aux fins de la présente note, l'expulsion n'englobe pas le retour du réfugié dans son pays d'origine, question qui est régie par le principe du non refoulement et fait l'objet d'une note distincte présentée au Sous-Comité.

Base légale de l'expulsion de réfugiés. Article 32 de la Convention de 1951 et article premier, paragraphe 1 du Protocole de 1967

4.         Conformément au paragraphe 1 de l'article 32 de la Convention de 1951

"Les Etats contractants n'expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public".

Le concept de "sécurité nationale ou d'ordre public" peut, dans des cas particuliers, être d'application difficile. Les travaux préparatoires qui ont abouti à la disposition susmentionnée militent en faveur d'une interprétation restrictive de ce concept, c'est-à-dire de l'idée qu'un réfugié ne doit être expulsé qu'en tout dernier ressort et si c'est là le seul moyen pratique de protéger les intérêts légitimes de l'Etat.

5.         L'interprétation ci-dessus peut être étayée par les considérations de caractère plus général :

i)          Attendu qu'un réfugié, à la différence d'un étranger ordinaire, n'a pas de pays qui soit le sien et où il puisse retourner, son expulsion peut avoir pour lui des conséquences particulièrement graves. Elle implique le retrait du droit de résidence dans le seul pays - autre que son pays d'origine - où il soit autorisé à séjourner en permanence et la perte des droits que la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 prévoient pour les réfugiés résidant légalement sur le territoire d'un Etat contractant. Ainsi, la gravité des conséquences de l'expulsion pour un réfugié justifie par elle-même l'interprétation restrictive des circonstances dans lesquelles cette expulsion doit avoir lieu.

ii)         Pour Saluer la gravité des actes préjudiciables à la "sécurité nationale ou là l'ordre public" il convient de ne pas perdre de vue que le réfugié est une personne déracinée, vivant dans un environnement étranger auquel il n'est pas habitué et pouvant par conséquent rencontrer des difficultés d'adaptation et d'intégration. Cette situation peut créer chez lui un état psychologique en raison duquel le fait de ne pas se conformer aux lois et règlements du pays de résidence - sans être en aucune façon excusable - peut peut-être être jugé moins grave que chez des personnes qui n'ont pas été arrachées à leur environnement normal. On ne peut bien entendu déterminer si tel est le cas qu'à la suite d'un examen approfondi de toutes les circonstances de l'affaire, et notamment de gravité du délit commis. Toutes circonstances atténuantes doivent, si possible, être prises en considération s'agissant de déterminer si l'expulsion se justifie ou non.

iii)         L'expulsion d'un réfugié peut entraîner de dures épreuves pour les membres de sa famille proche résidant avec lui. En d'autres termes, l'expulsion peut avoir de graves conséquences pour des personnes autres que celle à l'encontre de qui elle est directement prononcée. C'est là un autre motif justifiant l'interprétation restrictive des circonstances où l'expulsion peut être décidée.

iv)        Ces considérations n'ont nullement pour objet de justifier ou d'approuver des actes illégaux commis par un réfugié, lesquels doivent faire l'objet de poursuites selon les procédures pénales ordinaires. Il ne faut cependant pas perdre de vue que l'expulsion d'un réfugié peut être considérée comme un châtiment "additionnel" auquel un ressortissant du pays commettant le même délit ne serait pas exposé.

Problèmes que pose l'application de mesures d'expulsion à l'encontre de réfugiés

6.         Même dans les cas où l'expulsion peut se justifier en vertu de l'article 32 de la Convention de 1951, son application peut entraîner des grosses difficultés; Un réfugié expulsé du pays où il réside n'est pas nécessairement en mesure de se rendre dans un autre pays pour s'y installer et les difficultés pour lui d'obtenir le droit d'admission peuvent être considérables, sinon insurmontables. Si le réfugié essaie d'entrer illégalement dans un autre pays, il y sera en toute probabilité exposé à une peine et à une nouvelle mesure d'expulsion en raison de son entrée ou de sa présence illégales. Il pourra même être, renvoyé dans le pays qui l'a expulsé en premier lieu où, du fait de son expulsion antérieure, sa situation sera elle aussi illégale. On a vu des cas où des réfugiés ont été repoussés d'un pays vers un autre pendant une période de temps très longue sans parvenir à régulariser leur situation dans aucun des deux.

7.         Il convient de mentionner aussi que, comme il peut s'écouler énormément de temps avant qu'un réfugié à l'encontre duquel un ordre d'expulsion a été prononcé soit admis dans un autre pays, la détention préalable à l'expulsion peut, dans son cas, durer bien plus longtemps - et par conséquent entraîner pour lui de beaucoup plus dures épreuves - que dans le cas d'un étranger ordinaire qui peut aisément regagner le pays dont il a la nationalité.

Conclusions

8.         Vu les conséquences très graves de l'expulsion pour un réfugié, on ne devrait y recourir que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, en tenant compte à la fois de la nécessité d'une interprétation restrictive de l'article 32 de la Convention de 1951 et des considérations générales qui viennent d'être énoncées.

9.         Il faudrait également tenir compte des conséquences d'une mesure d'expulsion sur les membres de la famille du réfugié et de la question de savoir si le réfugié peut se rendre dans un autre pays, qui ne soit pas son pays d'origine.

10.       Lorsqu'une mesure d'expulsion est combinée avec la détention, préventive ou autre, il faut s'assurer que ces mesures ne seront pas prolongées indûment.

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