Réfugiée rohingya, elle commence l'école en Malaisie à l'âge de 14 ans

N'ayant pas accès au système national d'éducation, Shamshidah est l'un des enfants réfugiés qui assistent aux cours dans une école informelle en Malaisie, où les réfugiés n'ont pas de statut légal.

Réfugiée rohingya, elle commence l'école en Malaisie à l'âge de 14 ans
© HCR

Shamshidah, une réfugiée rohingya de 18 ans, a dû attendre l’adolescence avant de pouvoir rejoindre une salle de classe et elle poursuit encore sa lutte aujourd’hui pour obtenir une éducation.   


« J'ai commencé ma scolarité à 14 ans, car il n'y avait pas d'école où j'aurais pu aller », explique la jeune fille qui assiste tous les jours, avec sa sœur Yasmin âgée de 15 ans, aux cours dispensés dans une école informelle de Kuala Lumpur, la capitale de Malaisie.

La scolarisation d'enfants réfugiés comme Shamshidah est souvent perturbée quand ils sont déracinés de chez eux et que leur famille doit se débrouiller dans le pays qui leur offre refuge, même si l'accueil qui leur est réservé peut varier.

En Malaisie, où le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a enregistré 150 000 réfugiés, ceux-ci ne jouissent d'aucun statut juridique.

Ainsi, les enfants rohingya qui appartiennent à une minorité musulmane conservatrice dont les familles ont fui les violences au Myanmar il y a plus de 10 ans se voient refuser l'accès aux écoles publiques, ce qui oblige le HCR, ses ONG partenaires et les communautés de réfugiés elles-mêmes à entretenir un système scolaire parallèle.

« Mes amies ne vont pas à l'école... J’ai de la peine pour elles. »

Comme elle a commencé sa scolarité bien tard, Shamshidah suit des cours d'école primaire avec des enfants bien plus jeunes qu’elle, pour apprendre l'anglais, les mathématiques et les sciences. Bien qu’étant en retard sur son groupe d'âge, elle se réjouit de pouvoir aller à l'école. « Ça ne fait rien », dit-elle. « J'espère passer en secondaire et faire de l'informatique. »

Des élèves rohingya sont inscrits dans des écoles pour réfugiés en Malaisie (en anglais)

Les défis auxquels elle est confrontée ne sont que trop fréquents. Selon un rapport du HCR, seuls 50 pour cent des enfants réfugiés du monde sont inscrits à l'école primaire, 22 pour cent en secondaire et un pour cent en post-secondaire.

Pour les enfants rohingya en Malaisie, les perspectives sont encore pires. À la fin décembre 2016, ils n’étaient qu’un peu plus d’un tiers, 39 pour cent des enfants d'âge scolaire à avoir accès à une forme quelconque d'éducation, et les autres étaient catégoriés comme non scolarisés par l'Unité du HCR en Malaisie pour l’éducation.

Les 120 centres d'enseignements informels implantés à travers la Malaisie sont leur unique option de scolarité. Ces centres sont gérés par la communauté de réfugiés ou par des organisations religieuses avec l'aide du HCR. De nombreux centres sont confrontés à des difficultés de financement, des salles de classe surpeuplées et un manque de ressources.

Le taux élevé de renouvellement des professeurs, les élèves qui abandonnent les cours pour des raisons financières ou culturelles, et les opportunités limitées d'enseignement supérieur sont autant d'autres défis ont confrontés ces communautés.

« Mes amies ne vont pas à l'école, certaines amies travaillent au marché, certaines amies se marient et d'autres doivent prendre soin de leurs frères et sœurs… J’ai de la peine pour elles », explique Shamshidah.

Les écoles de Kuala Lumpur comme celle que fréquentent Shamshidah et sa jeune sœur Yasmin, sont souvent tributaires de professeurs bénévoles dont certains, comme Mira*, sont des enseignants à la retraite.

« Je ne sais ni lire ni écrire... C'est pour ça que je ne veux pas que mes enfants travaillent. Je veux qu'ils aillent à l'école. »

« Un ami m'a demandé si je voulais être bénévole. Comme j'ai donné cours à des enfants toute ma vie,  j'ai répondu  ‘Pourquoi pas?’ », raconte Mira qui s'est aussi portée volontaire pour améliorer le programme scolaire dans le centre d'enseignement des réfugiés. Et elle ajoute : « Des enfants sont des enfants. Ils n'ont pas besoin d'une nationalité, ils ont besoin d'une éducation. » 

L'accès à l'éducation est déterminant pour les plus de 21 millions de réfugiés du monde, dont plus de la moitié sont des enfants. Tout en reconnaissant le soutien qu’apportent les écoles informelles, le HCR appuie l'accès à l'éducation publique pour les réfugiés en Malaisie.

  • Shamshidah (à droite) et sa soeur Yasmin de 15 ans assistent aux cours dans une école informelle pour réfugiés de Kuala Lumpur, en Malaisie.
    Shamshidah (à droite) et sa soeur Yasmin de 15 ans assistent aux cours dans une école informelle pour réfugiés de Kuala Lumpur, en Malaisie.  © HCR/Roger Arnold
  • Un enseignant dans une salle de classe d'une école informelle pour les réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie.
    Un enseignant dans une salle de classe d'une école informelle pour les réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie.  © HCR/Roger Arnold
  • Shamshidah, 18 ans, surveille sa petite soeur Ruaidhah, âgée de cinq ans, avant et après sa journée dans une école informelle pour réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie.
    Shamshidah, 18 ans, surveille sa petite soeur Ruaidhah, âgée de cinq ans, avant et après sa journée dans une école informelle pour réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie.  © HCR / Roger Arnold
  • Shamshidah, 18 ans, élève à l'école informelle pour réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie, avec sa petite soeur de cinq ans, Ruaidhah.
    Shamshidah, 18 ans, élève à l'école informelle pour réfugiés à Kuala Lumpur, Malaisie, avec sa petite soeur de cinq ans, Ruaidhah.  © HCR / Roger Arnold

 « Toute intervention en faveur de l'accès à l'éducation pour les enfants réfugiés permettra au HCR d’éliminer progressivement le système éducatif parallèle qu'il soutient actuellement et de réorienter ses ressources vers des programmes qui visent tant les enfants réfugiés que les enfants de la communauté qui les accueille », explique Mimi Zarina Amin, directrice de l'éducation pour le HCR en Malaisie.

Bien qu’elle n’ait elle-même jamais été à l'école, Aminah, la mère de Shamshidah, soutient ses filles et espère que l'éducation leur ouvrira les portes qui lui sont restées fermées.

« Je suis née dans une famille pauvre et j'ai dû me débrouiller pour trouver de quoi manger », explique Aminah en énumérant les situations où le manque d'éducation a un impact sur sa vie quotidienne. « Chaque fois que je prends un taxi, je ne connais pas les chiffres, je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais rien faire. C'est pour ça que je ne veux pas que mes enfants travaillent. Je veux qu'ils aillent à l'école. »

Et lorsque Shamshidah se sent mal à l’aise parce qu’elle est plus âgée que ses camarades de classe, Aminah l'encourage. « Je lui dis de ne pas être timide parce que ça c'est pour elle et pas pour moi », dit Amina.  « Je veux que tu ailles à l'école pour toi-même. »