Un mélomane réfugié congolais trace sa route vers le succès
La musique a toujours fait partie de la vie de Jérémie Mbaha. Le réfugié congolais l'utilise aujourd'hui pour aider les autres en Ouganda et pour faire connaitre ses chansons.
KAMPALA, Ouganda, 25 septembre (HCR) - La musique a toujours fait partie de la vie de Jérémie Mbaha, même quand il n'avait presque rien. « Je chante depuis mon enfance. Je pourrais chanter n'importe quoi. Cela réchauffe le coeur des gens et les rend heureux », déclare ce réfugié congolais âgé de 43 ans.
Il avait commencé la percussion et la guitare à 12 ans et il a rejoint son premier groupe à 21 ans. Douze ans plus tard, il s'est réfugié en Ouganda avec sa femme et leurs six enfants, fuyant l'anarchie et les combats sévissant dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). « La seule chose que j'ai emportée a été ma guitare acoustique parce que j'adorais la musique et je savais qu'à l'avenir, je devais faire quelque chose avec la musique », explique-t-il au HCR à Kampala.
Cela lui a pris un peu de temps mais son instinct ne l'a pas trompé en matière de musique. Il se sert désormais de son talent pour se faire un nom, sortir un CD de ses chansons, fournir une aide aux autres réfugiés et créer un forum pour les artistes en exil avec l'aide du HCR et des partenaires de l'agence.
La vie a été dure pour Jérémie et sa famille quand ils sont arrivés à Kampala, loin de chez eux et inquiets pour l'avenir. Ils ont passé leur première nuit dehors dans le parc Arua à Kampala.
Le lendemain, un aimable Ougandais leur a indiqué où ils pouvaient être enregistrés comme réfugiés, puis Jérémie a cherché du travail dans un pays où les réfugiés ont le droit de voyager et de trouver un emploi.
Dans son village d'origine, Jérémie était coiffeur et on lui a proposé de travailler à la commission dans un salon de coiffure près du parc Arua. « C'était difficile pour moi parce qu'au début je n'avais pas de clients. Souvent je n'avais rien à faire et le bébé avait à peine trois mois », se souvient-il.
Mais il avait sa musique. « A l'église où je me rendais pour chanter, les enfants tambourinaient sur la table et les gens se sentaient heureux quand nous jouions. Nous nous sommes fait beaucoup d'amis », affirme-t-il. Ils ont formé un groupe, Jemba Vision, qui comprend aujourd'hui 11 réfugiés et un danseur ougandais.
Certains amis de Jérémie ont collecté de l'argent pour qu'il puisse enregistrer son premier titre, 'Tu ijenge Africa' ('Construisons l'Afrique') en kiswahili. « J'essayais de transmettre un message de paix pour la région africaine des Grands Lacs », déclare-t-il, en ajoutant que la chanson a été diffusée par la BBC.
Ainsi encouragé, il a enregistré un album de 10 chansons, dont 'Mukimbizi', qui signifie 'réfugié' et qui parle de la situation dramatique des personnes déracinées. Jérémie a également sorti 'God Bless Uganda' ('Que Dieu bénisse l'Ouganda') pour remercier son pays d'accueil.
Puis il a eu des ambitions plus vastes. « J'ai eu l'idée d'aider mes camarades réfugiés dans l'installation en organisant un concert de charité pour collecter des vêtements usagers pour eux. Je l'ai appelé 'Habillez un réfugié' », explique-t-il.
Le premier concert, organisé cette année à Kampala, a remporté un immense succès et a fait connaitre la musique de Jérémie et Jemba Vision auprès d'un public plus large, notamment l'agence des Nations Unies pour les réfugiés. Ils ont également réussi à récolter quatre caisses de vêtements qui ont été distribués dans l'installation pour réfugiés de Kyaka avec l'aide d'un partenaire opérationnel du HCR, InterAid.
Avec les encouragements du HCR et d'InterAid, Jérémie a accepté d'aider d'autres artistes réfugiés en milieu urbain et, en octobre dernier, il a créé le 'Forum Artists Association of Refugees in Uganda' ('Forum associatif des artistes réfugiés en Ouganda'). « Nous nous sommes réunis pour échanger des idées », explique-t-il.
A ce jour, les artistes ont organisé des concerts à Kampala pour célébrer la Journée mondiale du réfugié (20 juin) et la Journée internationale de la jeunesse (12 août). Jérémie est président de l'association et il fournit des conseils aux membres.
« Je leur ai dit que nous devions être disciplinés et qu'avec l'argent récolté par les concerts, nous devions investir dans l'association. J'ai fait un plan d'action et nous souhaitons acheter des enceintes, des amplis - tout ce dont un groupe a besoin sur scène », déclare-t-il. Il souhaite organiser un concert tous les trois mois.
« Ces concerts nous aideront à nous développer et ils vont changer nos vies. Je suis convaincu que si nous avons du succès, nous trouverons des soutiens », affirme Jérémie, en regardant vers le futur. En ce qui le concerne, si l'avenir le fait rentrer un jour en RDC ou partir ailleurs, il sait que la musique aura toujours un rôle central dans sa vie.
Par Karen Ringuette à Kampala, Ouganda
Ecoutez Jérémie sur https://www.youtube.com/watch?v=zqe5fmGiwu0&feature=youtu.be