Quatre Maires de Diffa s’expriment sur la situation dans leur région : « Maintenant on accueille aussi nos parents du Niger »
Les maires des communes de la région de Diffa sont en première ligne face à la crise des déplacés. Ceux des principales agglomérations de la région étaient à Niamey pour l’atelier de planification 2016 de l’UNHCR. Les écouter permet de mieux cerner les enjeux actuels dans leurs zones respectives. Voici les extraits des échanges avec quatre d’entre eux : Moustapha Rado, (Maire de Goudoumaria), Many Orthe Boucar (Maire de Toumour), Koukouma Gasso (Maire de Maine Soroa) et El Bako Mamadou (Maire de Bosso).
En haut, de gauche à droite : Moustapha Rado (Maire de Goudoumaria) et Many Orthe Boucar (Maire de Toumour). En bas, de gauche à droite : Koukouma Gasso (Maire de Maine Soroa) et El Bako Mamadou (Maire de Bosso). ©UNHCR / Benoit Moreno.
Atmosphère générale
Maire de Goudoumaria : On peut dire que pour le moment ça va même si avec les derniers évènements on se retrouve dans une situation nouvelle, c’est-à-dire que maintenant on accueille aussi nos parents du Niger.
Maire de Toumour : Il est nécessaire de rassurer tout le temps les gens pour assurer la coexistence et que la psychose ne s’installe pas.
Maire de Maine Soroa : Nous sommes moins inquiets que ceux qui parlent de chez nous mais n’y sont pas. Les mesures de sécurité sont prises. Le problème est aujourd’hui résiduel, mais moins contrôlable car beaucoup de nos jeunes sont partis avec les insurgés. Il y a aussi la psychose, on reçoit des messages comme « A telle date on viendra attaquer chez vous ».
Maire de Bosso : Bosso est calme mais vide depuis le 6 février. Certains souhaitent revenir comme ceux qui sont dans les villages au nord de Bosso où il y a un problème d’eau. Nous conseillons de patienter car nous devons coordonner leur retour avec les forces de sécurité.
Tissu socio-économique
Maire de Goudoumaria : Les activités sont au ralenti car il n’y a pas assez de circulation de biens et de personnes. Ensuite une fois la période de l’hivernage passée, il n’y a pas besoin de main d’oeuvre donc il n’y a pas d’argent qui circule.
Maire de Toumour : Les retournés nigériens sont des familles qui ont quitté le Niger au cours des sècheresses de 1972-73 et 1983-84. C’était des démunis qui reviennent démunis. Au Nigéria, ils n’étaient pas commerçants mais éleveurs ou agriculteurs. Quand ils sont revenus au Niger, ils ont tout laissé et même certains se sont fait prendre leur bétail à la frontière par les militaires Nigérians quand ils la contrôlaient encore. Il y aussi le problème des éleveurs nigériens qui ne peuvent plus aller chercher des pâturages de l’autre côté de la frontière. Le problème d’aliment bétail se pose et les opérateurs économiques ne viennent plus pour leur permettre de vendre des animaux. Enfin, il faut savoir que les insurgés s’étaient accaparés les dernières récoltes du côté du Nigéria. Puis ils ont bradé cela à des commerçants nigériens qui ont revendu vers d’autres régions du Niger, mais Diffa dépend de ces récoltes.
Maire de Maine Soroa : Economiquement ça va car les marchés des localités nigérianes voisines ne fonctionnent pas et que les gens se rabattent chez nous. Maine est devenue un lieu de passage entre le Tchad et Kano au Nigeria. Nous avons même le passage de troupeaux du Soudan.
Maire de Bosso : Avant les évènements la vie était très chère. Tous les produits sont présents mais sont très chers : 1 litre d’essence coute 1500 FCFA (2,3 Euros).
Accueil/logement
Maire de Goudoumaria : Même si culturellement ce n’est pas évident que les gens veulent vivre dans un camp, une fois que le site sera mis en place je pense que beaucoup s’y rendront. Aussi, tout le monde nous demande des parcelles car ils savent que cela ne va pas finir. L’espace est là, le problème est que la commune n’a pas assez de fonds pour viabiliser les terrains.
Maire de Toumour : Au niveau culturel, ce n’est pas évident que les gens acceptent de vivre dans un camp. Cela signifie une forme de déchéance.
Maine Soroa : Beaucoup de personnes qui sont venues se sont déjà installées et ont repris une activité. Certains partent même renouveler leur stock au Nigéria. La population qui est à Maine vient de l’Etat de Yobe, pas de Borno, donc les camps sont trop loin de chez eux et ils ne souhaitent pas s’y rendre. Seules les personnes qui ont tout perdu sont prêtes à partir.
Maire de Bosso: Pour les réfugiés qui ont quitté Bosso depuis le 6 février, il est préférable qu’ils aillent directement dans un camp. Il ne faut pas sous-estimer que la confiance est cassée entre les réfugiés et les populations locales car il semble que certains réfugiés ont participé aux attaquescontre Bosso. Pour les retournés nigériens, ils peuvent revenir à Bosso car la plupart viennent de Bosso. Les projets de lotissement en cours sont une solution pour les retournés.