100 000 civils assiégés et tétanisés par la peur dans une ville du Soudan du Sud
Des civils cherchant à échapper aux raids gagnent la ville de Yei, où se trouvent déjà des dizaines de milliers de personnes n'ayant pas la capacité de partir, alors que les opérations militaires se poursuivent.
YEI, Soudan du Sud – Les opérations militaires en cours au Soudan du Sud dans une zone jusque-là paisible ont pris au piège environ 100 000 personnes dans une ville confrontée à une crise humanitaire, ce qui soulève des inquiétudes pour la sécurité des civils.
Plus de 30 000 personnes ont gagné Yei dans l’extrême sud du pays après des attaques mortelles et la mise à sac de villages avoisinants en septembre, ont confié des chefs religieux de la ville à une mission de haut niveau dirigée par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
« Ils abattent des innocents comme s’ils étaient des animaux »
Ils ont rejoint des milliers d’autres personnes qui ont fui les combats en juillet. Les groupes déplacés vivent aujourd’hui aux côtés de la population de Yei, comptant 60 000 habitants. Ces civils ne peuvent pas partir et les actes de violence contre eux se multiplient.
« Ils abattent des innocents comme s’ils étaient des animaux », dit une jeune femme, qui préfère rester anonyme, par peur de subir des représailles. « C’est cruel. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes tout d’un coup devenus une cible. Je pensais que les armées se faisaient la guerre. Nous sommes des citoyens de ce pays. Je suis désespérée. Je ne peux pas faire grand-chose, sauf prier pour la paix. »
Plusieurs civils ont été tués à la machette, y compris des femmes, des enfants et des bébés, selon des témoins rencontrés par la mission interagence du HCR le 27 septembre. Des hommes en uniforme auraient détenu de nombreux jeunes hommes accusés de soutenir les forces opposées au gouvernement. De nombreuses autres personnes ont été agressées, et leurs biens ont été pillés et incendiés.
« Nous ne pouvons pas quitter cet endroit, même pas pour retourner à la ferme. »
Jusqu’à récemment, Yei avait en grande partie échappé aux effets du principal conflit au Soudan du Sud. Mais les tensions politiques ont commencé à apparaître à la fin 2015, et la sécurité s’est détériorée rapidement après qu’un nouveau conflit ait éclaté à Juba, la capitale du Soudan du Sud, en juillet.
« Nous ne pouvons pas quitter cet endroit, même pas pour retourner à la ferme », dit un agriculteur de 50 ans au HCR. « Il y a des militaires et des postes de contrôle tout autour de la ville. Notre récolte pourrit. Nous devons commencer à semer maintenant, sinon nous n’aurons rien à manger l’an prochain. »
Selon le porte-parole du HCR, les personnes déplacées ont besoin de nourriture, d’articles domestiques et de médicaments, et les enfants doivent pouvoir aller à l’école. Le prix des aliments flambe, les hôpitaux fonctionnent à capacité réduite, il y aurait une hausse de la violence sexuelle et sexiste et l’on voit des enfants non accompagnés et séparés.
« Le HCR condamne ces actes qui tuent, effraient et font souffrir des innocents », dit Ahmed Warsame, le Représentant du HCR au Soudan du Sud. « Nous exhortons le gouvernement du Soudan du Sud à protéger la vie des populations civiles et à assurer leur liberté de circulation et leur accès à la sécurité. Nous remercions grandement l’Église locale d’abriter et de protéger les personnes dans le besoin. »
Le conflit a pris dans son engrenage les réfugiés ainsi que les Soudanais du Sud. Des groupes armés ont pénétré à maintes reprises dans une installation de réfugiés appelée Lasu, tirant des coups de feu, agressant les réfugiés et pillant et détruisant l’aide humanitaire et les biens, ont confié les responsables des réfugiés à la mission du HCR à Yei. Un jeune réfugié congolais a été tué, laissant deux jeunes enfants orphelins.
« Il est inacceptable qu’un lieu censé être un refuge pour les personnes fuyant la guerre et la persécution soit devenu la cible d’actes de violence gratuits, déclare Ahmed Warsame. Nous exhortons toutes les parties à respecter le caractère civil et humanitaire des endroits de refuge et des camps de réfugiés. »
David Lokonga Moses, le gouverneur de l’État (Yei River), a assuré à la délégation interagence que le gouvernement et les autorités locales menaient des efforts majeurs pour restaurer la paix et la sécurité à Yei.
À Juba, les partenaires humanitaires réagissent en préparant la distribution de denrées alimentaires et de produits non alimentaires, y compris des abris, des articles de première nécessité et des médicaments.
L’insécurité renouvelée au Soudan du Sud a contraint plus de 200 000 personnes à fuir le pays depuis le 8 juillet, ce qui porte le nombre de réfugiés sud-soudanais dans les pays voisins à plus d’un million.
Le Soudan du Sud compte plus de 1,61 million de personnes déplacées internes, en plus de 261 000 réfugiés provenant du Soudan, de la République démocratique du Congo, de l’Éthiopie et de la République centrafricaine.