Des Iraquiens handicapés luttent pour leur dignité dans les camps de déplacés
Fatima, 94 ans, ne peut quitter sa tente sans aide; son histoire met en évidence les défis auxquels font face les Iraquiens handicapés pour s'adapter aux conditions de vie dans les camps de déplacés.
CAMP DE QAYMAWA, région du Kurdistan d’Iraq — Fatima Mehamed est assise avec lassitude sur un matelas à l’intérieur de sa tente sombre et regarde par les battants ses deux petits-enfants rire et jouer à l’extérieur sous le chaud soleil d’automne.
Fatima est âgée de 94 ans et est incapable de se déplacer à l’extérieur en raison de douleurs constantes dans la poitrine. Les muscles de ses jambes se sont affaiblis et elle ne peut plus marcher depuis huit ans.
En compagnie de huit membres de sa famille, elle a trouvé refuge dans le camp de Qaymawa dans la région du Kurdistan d’Iraq après avoir été forcée de quitter son village de Chanchi, au nord de Mossoul, en raison des violents combats.
La famille est parvenue à survivre dans son village puis désespérée a marché jusqu’au camp de réfugiés, non sans grandes difficultés.
« Je tirais ma mère d’une pièce à l’autre pour la protéger des balles qui pourraient traverser les fenêtres. »
« J’ai assis ma mère sur un tapis, parce qu’elle ne pouvait pas bouger », indique Fathiya, âgée de 48 ans, fille et principale soignante de Fatima. « Nous entendions des tirs d’obus et des coups de feu partout autour de nous. Je tirais ma mère d’une pièce à l’autre pour la protéger des balles qui pourraient traverser les fenêtres. »
Le camp de Qaymawa est l’un des dix camps géré par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et il a été établi pour accueillir les nombreux déplacés de Mosul. Le camp peut accueillir jusqu’à 6000 personnes.
Même si la famille est heureuse d’être en sécurité au camp, il est difficile de fournir les soins dont Fatima a besoin quotidiennement. « Il est difficile de prendre soin de ma mère ici », indique Fathiya. « Ma sœur et moi devons la transporter jusqu’à la toilette et elle n’a pas pris de douche depuis que nous sommes arrivés. »
Le fauteuil roulant de Fatima est brisé et la famille n’a pas les moyens de le faire réparer. Un nouveau coûte 200 dollars US.
Le sort de Fatima met en évidence les défis auxquels doivent faire face les personnes handicapées pour s’adapter aux conditions de vie dans le camp où les besoins fondamentaux — l’accès à l’eau et à de la nourriture et l’hygiène — sont difficiles à combler.
Plus de 4500 personnes se trouvent dans le camp et d’autres arrivent chaque jour. On ne sait pas exactement combien de personnes handicapées vivent actuellement dans le camp de Qaymawa. Lorsque le camp a ouvert à la fin octobre, on avait recensé une vingtaine de personnes avec un handicap physique.
« Les employés du HCR en charge de la protection tentent actuellement de dessiner une carte du camp pour repérer les gens qui ont des besoins spéciaux afin que nous — de même que le ministère de la Santé et d’autres ONG — puissions répondre le mieux à leurs besoins, notamment en distribuant des fauteuils roulants », indique Djamal Zamoum, coordonnateur principal d’urgence sur le terrain en Iraq.
« Ma mère s’ennuie de voir la lumière. Elle me demande de sortir dehors pour qu’elle puisse voir les gens et respirer de l’air frais. Ce n’est pas possible. »
Le HCR recommande vivement que les personnes dont la mobilité est réduite soient réunies avec les membres de leur famille qui vivent à l’extérieur du camp afin que ces derniers puissent leur fournir des soins plus appropriés.
Actuellement, aucun service spécifique n’est assuré, mais Fathiya croit que des solutions simples pourraient réellement changer la situation de sa mère. « Une toilette mobile et une tente vide avec un seau d’eau où ma sœur et moi pourrions la laver nous aideraient grandement », indique-t-elle.
« Ma mère s’ennuie de voir la lumière. Elle me demande de sortir dehors pour qu’elle puisse voir les gens et respirer de l’air frais. Ce n’est pas possible », ajoute-t-elle.
« Je ne veux pas mourir dans cette tente », affirme Fatima de plus en plus contrariée d’y être confinée. « Je veux rentrer à la maison où j’ai une belle salle de bain et un beau jardin. Ma maison est un beau souvenir. »
On estime qu’environ 68 000 personnes ont été déplacées depuis Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Iraq depuis que l’offensive militaire a commencé le 17 octobre.