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UE : un million de réfugiés en un an

Publisher: Libération
Author: Michel Henry
Story date: 22/12/2015
Language: Français

Le chiffre du jour Alors qu'un seuil symbolique a été atteint, c'est le manque d'harmonisation d'accueil entre les Vingt-Huit qui pose problème.

Le million. Au 21 décembre, 1 005 504 migrants et réfugiés étaient entrés en Europe (3 % par terre et 97 % par mer) depuis le début de l'année, un nombre record, la plupart (816 752) débarquant sur les côtes grecques, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ces arrivées, également effectuées par l'Italie (150 000), Malte, la Bulgarie, l'Espagne et Chypre, représentent un nombre quatre fois plus élevé qu'en 2014. «Le plus gros afflux depuis la Seconde Guerre mondiale», note l'OIM.

La moitié sont syriens, 20 % afghans, 7 % irakiens, selon l'OIM et le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Il faut ajouter ceux qui ne sont jamais arrivés : cette année, déjà 3 692 migrants sont morts en Méditerranée, soit plus de dix par jour (et 400 de plus par rapport à tout 2014). Mardi, onze se sont noyés en mer Egée. «On ne peut pas se contenter de compter le nombre d'arrivants ou les près de 4 000 disparus ou noyés, a indiqué mardi le directeur général de l'OIM, William Lacy Swing. Il faut agir. La migration doit être légale, sûre et sécurisée pour tous – les migrants et les pays qui vont devenir leur nouvelle patrie.» Vœu pieu. Si l'Europe croit vivre une «crise des migrants», elle subit surtout son incapacité à définir une politique commune sur l'immigration, chaque pays préférant garder sa souveraineté en la matière. Sur un territoire regroupant 500 millions d'habitants, ce devrait être arithmétiquement possible d'absorber un million de personnes. D'autant que c'est juridiquement obligatoire : environ 80 % des arrivants proviennent de pays en guerre, ce qui leur donne droit au statut de réfugiés.

«Chacun pour soi». Pour l'ancienne commissaire européenne Emma Bonino, «l'absence de réponse coordonnée a transformé un problème gérable en grave crise politique – qui pourrait détruire l'UE, comme la chancelière Merkel a prévenu». Elle épingle des Etats membres «égoïstement repliés sur leurs propres intérêts». Sylvie Guillaume, eurodéputée PS, dénonçait, lors d'une récente journée d'études à la Sorbonne, la «politique du chacun pour soi». Mi-décembre, les capitales européennes n'avaient relocalisé dans différents pays que 200 demandeurs d'asile sur les 160 000 promesses, alors que c'est la seule solution, martèle le HCR. Les dirigeants des Vingt-Huit font «beaucoup de sommets pour peu de résultats concrets, avec toujours les mêmes blocages : "Vas-y d'abord, toi, je verrai ensuite ce que je fais"», explique Sylvie Guillaume. Ce qui donne un «concours Lépine de l'immigration» : chaque sommet accouche d'une proposition qu'on oublie ensuite de mettre en œuvre. «L'UE navigue à vue, abondait lors du même colloque le juriste Serge Slama, c'est un bateau où chacun rame dans son sens.» Il y voit «plus un côté Inspecteur Gadget» : «On invente des solutions mais au moment où elles sont adoptées, on sait qu'elles sont périmées.»

Dans ce chaos, la France, qui a enregistré 69 000 demandes d'asile depuis début 2015 (en hausse de 17 % sur un an), fait figure de mauvais élève. «Depuis dix ans, elle a rendu son système d'asile très peu accueillant, avec un taux de reconnaissance très faible, rappelle Serge Slama. Pendant quinze ans, on a sous-dimensionné le système pour le rendre dissuasif.» Pour le sociologue Antoine Pécoud, «c'est un choix politique de gérer les migrations comme un trou noir».

«Pas mon pays». Seule Angela Merkel s'est mise à la hauteur en acceptant de recevoir tous les migrants et devrait enregistrer 1 million de demandes d'asile dans l'année (les chiffres différant grandement d'une source à l'autre). La chancelière a maintenu sa position malgré les critiques : «Si nous devons nous excuser de présenter un visage amical à des gens en détresse, ce n'est pas mon pays», justifiait-elle en septembre. L'attitude frileuse de l'Europe s'explique d'autant moins qu'elle n'est que marginalement touchée. La planète a compté en 2014 près de 60 millions de déplacés forcés (dont 19,5 millions hors de leur pays), et ce chiffre devrait être dépassé en 2015. La répartition se fait de façon très inégale, rappelle le HCR : la Turquie est le premier pays d'accueil (plus de 2 millions de réfugiés), le Liban reçoit le plus de réfugiés par rapport à sa population (209 pour 1 000 habitants) et l'Ethiopie le plus par rapport à ses ressources (469 réfugiés pour un dollar de PIB par habitant). Les pays riches n'en accueillent donc qu'une petite partie : 86 % des 14 millions de réfugiés dénombrés par la Banque mondiale en 2014 ont été reçus par des pays pauvres ou émergents, les riches n'en récupérant que 1,6 million. «Je ne comprends pas pourquoi on dit que c'est un problème européen. C'est un problème mondial», a relevé le directeur du bureau de l'ONU à Genève, Michael Møller. Pour le directeur général de l'OIM, il n'y a, du côté des dirigeants, qu'«absence de courage, manque de leadership et de sensibilité morale». Alors que les ONG, submergées, sont arrivées à un «point critique», alerte le patron du HCR. Le nombre des réfugiés dans le monde a progressé de 45 % depuis quatre ans. Pour Guterres, «le moment est venu d'un changement radical dans les efforts internationaux pour gérer les déplacements». L'Europe joue son avenir à ne pas vouloir s'y adapter.
 

Refugees Daily
Refugees Global Press Review
Compiled by Media Relations and Public Information Service, UNHCR
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