Face à l'exode massif des réfugiés de la guerre qui fait rage aux portes de l'Europe, le renforcement des frontières prime sur les considérations humanitaires. La création d'un corps militarisé européen aux moyens renforcés et aux prérogatives étendues est en discussion, dont l'intervention nécessiterait un abandon de souveraineté qui suscite des réserves. Devant le danger de l'effondrement de Schengen que représente le rétablissement de multiples frontières intérieures, le renforcement de ses frontières externes est à l'ordre du jour. Sur la route des Balkans empruntée cette année par plus d'un million de réfugiés de la Grèce à la Slovénie, avant d'atteindre l'Autriche et l'Allemagne les barbelés ont en effet poussé comme des champignons et les contrôles frontaliers ont été rétablis.
Rares ont été les voix qui, comme celle du commissaire aux droits humains du Conseil de l'Europe, ont déploré la «désastreuse» prise en charge des réfugiés, laissés à eux-mêmes et traversant la mer Égée au prix de la noyade de plus de 3600 d'entre eux à ce jour, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR). «Si le cours des choses ne change pas, a-t-il ajouté, les valeurs et les principes énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme perdront tout leur sens». Car, en dépit d'appels répétés de la part des ONG, la création de couloirs humanitaires n'a jamais été envisagée. Forte de ses 500millions d'habitants, l'Union européenne s'est révélée incapable d'accueillir un million de réfugiés. Des transferts directs de Turquie à l'Union européenne sont certes envisagés à l'avenir, mais seuls quelques dizaines de milliers d'entre eux pourront, au mieux, en bénéficier, à condition que les frontières turques soient fermées à tous les autres.
Déjà décidée, la répartition selon un système de quotas de 160000 réfugiés entre les pays européens est contestée par plusieurs gouvernements, les autres ne se précipitant pas pour la mettre en pratique.
Ce qui ne réglera pas le sort des centaines de milliers d'entre eux déjà entrés en Europe, auxquels se joignent tous les jours 4000 nouveaux réfugiés qui abordent les îles grecques malgré l'hiver. Le plus grand exode connu depuis la Seconde Guerre mondiale va se poursuivre, et il est illusoire de vouloir l'arrêter. Pour ne parler que des Syriens, qui représentent la moitié des réfugiés, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rendu public que plus de 12millions d'entre eux, dont 5,5millions d'enfants, ont un besoin immédiat d'assistance humanitaire. Plus de 4millions ont fui à l'étranger, et environ 8millions se sont déplacés à l'intérieur du pays. La chancelière Angela Merkel remarque que «se barricader au XXIesiècle n'est pas une option raisonnable», pour préconiser, seule et avec peu de chances de succès, que l'accord de répartition des réfugiés soit permanent et déplafonné. Ce qui ne laisse comme alternative que de les tenir à distance en obtenant de la Turquie qu'elle leur ferme sa frontière maritime avec la Grèce.
Principal point d'entrée des réfugiés dans Schengen, la Grèce assure désormais le tri des réfugiés afin de séparer ceux qui peuvent prétendre à l'asile des «migrants économiques» à refouler. Mais, d'après le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), les Syriens, Irakiens, Afghans et Érythréens qui constituent la première catégorie représentent 80% des réfugiés. Pour diminuer le flux, il n'y a pas d'autre solution que d'obtenir du gouvernement turc qu'il fasse blocage. En le finançant pour qu'il améliore le sort misérable des plus de 2millions de réfugiés qui s'y trouvent déjà, afin qu'ils s'y fixent, le bouclage de la frontière achevant de les convaincre...