L'attaque d'un foyer, synonyme de nouveaux dangers pour les réfugiés au Yémen
Plus de 250 000 réfugiés bénéficient de la générosité de cet Etat du Golfe en développement, mais ils sont traumatisés par la dégradation de la sécurité.
ADEN, Yémen, 7 avril (HCR) - Nouria, une réfugiée éthiopienne de 63 ans, pensait qu'elle allait enfin pouvoir vivre en paix en s'établissant au début de l'année dans un foyer géré par les Missionnaires de la Charité dans le port d'Aden au Yémen. Elle avait tort.
En mars, des hommes armés ont fait irruption dans le refuge. L'attaque a fait 16 morts, dont 4 demandeurs d'asile éthiopiens et un réfugié qui y travaillait.
Nouria a survécu mais elle est traumatisée et subit encore les conséquences psychologiques de l'attaque. « J'ai toujours des 'flashback' et des cauchemars », explique-t-elle. « Je m'évanouis souvent lorsque je me souviens de l'attaque. J'ai peur de rester seule à a maison. »
Elle est retournée au camp de réfugiés de Kharaz où elle avait passé 15 ans avant d'aller s'installer à Aden.
Nouria est l'une des 260 000 réfugiés de différentes nationalités qui vivent au Yémen. Elle a fui l'Éthiopie il y a longtemps à cause de l'instabilité politique et elle s'est établie dans le camp de Kharaz, dans le gouvernorat de Lahij au Yémen, qui rassemble environ 18 000 réfugiés.
Sans le soutien de sa famille, la vie était une lutte permanente. Espérant trouver de meilleures conditions de vie et une aide médicale, elle s'est établie dans le district de Basateen, près d'Aden en septembre 2015. Mais elle a finalement dû vivre dans la rue.
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et son partenaire InterSos, une agence à but non lucratif travaillant avec les survivants du conflit au Yémen, avait fini par trouver une place pour Nouria dans un foyer pour personnes âgées, où elle pouvait recevoir des soins médicaux et psychologiques.
Au moment de l'attaque, trois réfugiés et quatre demandeurs d'asile vivaient dans le foyer. Nouria est l'une des deux réfugiées qui a survécu.
« Il s'agit d'un acte terroriste visant des innocents et des réfugiés », dénonce Abdulbasit, chef de la communauté des réfugiés, qui a apporté son aide à l'organisation des funérailles des demandeurs d'asile éthiopiens tués au cours de l'attaque. Il confirme que les réfugiés vivent dans la crainte d'une autre attaque. « Aujourd'hui, nous évitons de nous réunir par crainte d'une attaque. »
En mars 2015, la sécurité s'est détériorée au Yémen avec l'intensification des combats. Des dizaines de milliers de réfugiés et de demandeurs d'asile ont décidé de quitter les villes et de s'établir dans d'autres parties du pays. Avec le retour d'une certaine stabilité dans la province (gouvernorat) d'Aden, ils sont nombreux à être revenus ces derniers mois.
Mais la sécurité s'est à nouveau détériorée en ville au cours des dernières semaines et les communautés de réfugiés qui y vivent sont prises d'un sentiment croissant de désespoir. Ils sont nombreux à avoir perdu leur source de revenu. Ils craignent de voyager. Et pourtant, ils ne peuvent pas rentrer dans leur pays d'origine.
Au Yémen, plus de 21 millions d'habitants - ou 82 pour cent - sur une population de 26 millions ont besoin de protection ou d'aide humanitaire, alors que 173 000 civils sont déjà partis chercher la sécurité ailleurs.
Ce n'était pas envisageable pour Nouria.
Le Yémen a de tout temps été une zone de transit pour les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants économiques de la Corne de l'Afrique, de la péninsule arabique et d'ailleurs. Tout en étant le pays du Golfe le plus pauvre, le Yémen a toujours été exceptionnellement généreux à l'égard des réfugiés. C'est le seul pays de la péninsule arabique à avoir signé la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967.
L'attaque du refuge laisse une fois de plus Nouria sans un chez-soi où elle puisse se sentir en sécurité. Bien qu'elle soit revenue dans le camp de réfugiés de Kharaz, elle n'y a pas de proches qui puissent prendre soin d'elle. « Je veux trouver un endroit pour vivre en paix », dit-elle, « mais pour le moment je n'ai nulle part où aller. »
Par Tiffany Tool et Soojin Hyung