Crainte et pénuries pour les personnes déracinées par Boko Haram de retour dans leurs maisons en ruines
Environ 70 000 personnes n'ont trouvé que destructions, insécurité et pénuries à leur arrivée à Gwoza, une ville du nord du Nigéria reprise aux insurgés en mars.
GWOZA, Nigéria – Après la libération par les forces nigérianes de cette ville autrefois prospère tombée aux mains des insurgés de Boko Haram, Saïd, déplacé, est rentré chez lui au milieu des bâtiments rasés et des voitures incendiées. Il sait très bien ce dont la ville a besoin : « nous avons besoin de tout ».
Cet homme de 38 ans fait partie des milliers de personnes, à la fois rapatriées et déplacées des villages alentour, qui se retrouvent confrontées à d’immenses défis à Gwoza, une ville située à 40 kilomètres de la frontière avec le Cameroun, libérée par les forces nigérianes en mars.
Bien qu’ils aient été chassés de Gwoza, les insurgés lourdement armés trainent toujours de l’autre côté des montagnes qui longent la ville et continuent d’attaquer les villages voisins qui les fournissent en produits vitaux.
« La nourriture pose problème. Nous sommes principalement des agriculteurs ici mais à cause de l’insécurité qui règne encore à l’extérieur de Gwoza, et dans les villages, nous ne pouvons toujours pas cultiver nos champs », explique Saïd. Il exprime ainsi les craintes de ceux qui rentrent dans cette ville située à environ 150 kilomètres de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno, au nord-est du Nigéria.
« Il n’y a pas d’industrie dans la région, et nous devons faire venir des biens d’autres endroits, notamment de Maiduguri ou du Cameroun. Mais comme les routes ne sont pas sûres, nous avons l’impression d’être enfermés. Il faudrait que les routes ouvrent de nouveau », ajoute-t-il.
Plus de deux millions de personnes ont été déplacées au Nigéria, y compris 1,87 million ayant fui les violences liées à Boko Haram depuis 2014. Quelque 169 000 personnes ont trouvé refuge dans les pays voisins, au Cameroun, au Tchad et au Niger.
Avant que Boko Haram ne prenne le contrôle de Gwoza en août dernier, cette ville comptait au moins 300 000 habitants, bien que beaucoup aient fui vers Maiduguri. L’armée nigériane a distribué de la nourriture fournie par le gouvernement et le PAM a également effectué quelques distributions alimentaires dans la ville et dans les zones environnantes. Toutefois, les défis sont immenses pour les 70 000 personnes qui se trouvent actuellement dans la ville.
Environ 70% de la ville ont été rasés pendant les combats et les huit mois d’occupation par Boko Haram. Lorsqu’ils ont pris la ville d’assaut, les insurgés ont assassiné l’Emir, puis enlevé un nombre indéterminé de femmes et de filles, forçant certaines à se marier.
Si le gouvernement a commencé à reconstruire quelques infrastructures, notamment l’hôpital, et des organisations comme l’UNICEF fournissent une assistance médicale, certains rapatriés et nouveaux venus originaires d’autres zones vivent où ils peuvent. Cela pourrait poser des problèmes à l’avenir quand davantage d’habitants de Gwoza rentreront et retrouveront leurs maisons occupées par des inconnus.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, l’Organisation internationale pour les migrations et d’autres partenaires coopèrent avec les autorités pour fournir des abris. Les employés du HCR participent à l’installation d’un nouveau site destiné à offrir un refuge aux personnes déplacées qui arrivent à Gwoza. Il existe actuellement déjà trois sites pour déplacés internes dans la ville, gérés par l’armée.
Le bien-être des enfants est également une source de préoccupation. Beaucoup souffrent de déshydratation et de malaria, bien que l’UNICEF, MSF et l’armée fournissent une assistance médicale sous une tente. L’UNICEF a installé deux grandes tentes servant de salles de classe qui sont surchargées avec plus de 130 élèves par tente. Il n’y a pas assez d’enseignants.
En général, les personnes ont indiqué au HCR qu’elles se sentaient en sécurité à Gwoza. Mais beaucoup ne sont pas prêtes à rentrer chez elles et l’agence des Nations Unies pour les réfugiés rappelle que les retours doivent être volontaires. Les personnes doivent avoir accès à suffisamment d’informations sur la situation dans leur région d’origine afin de pouvoir prendre une décision en toute connaissance de cause.
Un grand nombre de personnes qui rentrent, en particulier les femmes, ont vécu des expériences atroces pendant l’occupation de Boko Haram. Une femme a raconté qu’elle n’avait plus de nouvelles de sa petite-fille de 12 ans depuis son enlèvement par Boko Haram et elle pense qu’elle a été mariée de force à un insurgé.
« Je ne sais pas où elle se trouve. Boko Haram savait que l’armée allait arriver pour tenter de reconquérir la ville alors ils ont voulu emmener les filles et les jeunes femmes avec eux », a déclaré la femme, en refusant que son nom soit cité.
Une autre femme évoque comment sa fille de 17 ans a été enlevée par Boko Haram alors qu’elle s’aventurait dehors dans la rue une nuit à la recherche de nourriture. Elle a enduré plusieurs mois de captivité, avant de s’enfuir et d’être de nouveau capturée. Elle a ensuite été exécutée après avoir refusé d’épouser l’un des insurgés.
« Ils l’ont décapitée », raconte la mère de la jeune fille. « Plusieurs jours après, nous avons trouvé son corps et sa tête dans la rue. Les insurgés ne nous ont pas permis de récupérer son corps et de l’enterrer ».
Pour lire une note d’information sur la situation à laquelle sont confrontées les personnes qui retournent vers les zones libérées au nord du Nigéria, cliquez ici.