Réfugié depuis l'enfance, un jeune Afghan devient un « Hongrois » confiant
Dariush Rezai a fui l'Afghanistan à l'âge de 15 ans pour arriver en Hongrie. Cinq ans plus tard, cet ex-enfant réfugié force le destin et construit sa nouvelle vie, solitaire mais déterminé.
BUDAPEST, Hongrie, 31 décembre (HCR) - Sirotant son café dans un bar de Budapest, vêtu d'une élégante veste noire, Dariush Rezai ressemble beaucoup aux autres jeunes hommes confiants de 20 ans présents dans la salle.
Comme nombre d'entre eux, il parle de X-Box et de guitare dans un hongrois courant et il a hâte de s'inscrire à l'université. En examinant ses traits asiatiques de plus près, vous avez cependant un premier indice qu'il n'est pas Hongrois. Et en l'écoutant un peu plus longuement, vous comprendrez que la vie de Dariush n'a presque rien de commun avec celle de la plupart des jeunes habitants de Budapest, voire de celle de la plupart des jeunes Européens.
« Je vais vous raconter mon histoire maintenant, mais après cela je ne veux plus regarder en arrière », déclare-t-il. « Je veux me concentrer sur mon avenir ».
Le souhait de Dariush d'oublier le passé est compréhensible. Né en Afghanistan, il n'avait que 15 ans quand il est arrivé seul en Hongrie. Il fouille gravement dans son passé, choisissant ses mots avec précaution en tentant de jeter de la lumière sur la souffrance des enfants réfugiés.
En 2013, la moitié des déplacés dans le monde avaient moins de 18 ans. A l'échelle internationale, 25 300 enfants non accompagnés et séparés avaient demandé l'asile, soit 4 % de toutes les demandes d'asile ces dernières années.
Près de 200 enfants non accompagnés demandent l'asile en Hongrie chaque année. Ils voyagent seuls, souvent en provenance de régions en guerre. Certains fuient de leur propre initiative, d'autres sont envoyés à l'étranger par leur famille.
Le long périple de Dariush est typique. Né dans la région de Ghazni en Afghanistan, Dariush avait 12 ans quand des hommes armés ont tué son père qui appartenait à l'ethnie hazara. Pour échapper au même sort, il a fui avec sa mère vers l'Iran à l'aide de passeurs. Ils ont certes trouvé une maison à Téhéran, mais peu d'opportunités.
Dariush a vite réalisé que s'il restait, sa seule perspective d'avenir serait de travailler comme sa mère, 16 heures par jour, dans une fabrique de chaussures. Ils ont compris que le seul espoir de Dariush serait de refaire sa vie ailleurs.
Après avoir encore économisé pour payer un réseau de passeurs, Dariush s'est mis en route. Sa destination était « n'importe où en Europe » et à chaque étape terrifiante le long du chemin, il était pris de doutes. « Vous regrettez chaque jour d'être parti », déclare-t-il. « Votre destin est complètement entre les mains des passeurs. Ils peuvent vous faire n'importe quoi ».
Cette odyssée de six mois s'est terminée quand des policiers ont découvert Dariush alors qu'il tentait de franchir la frontière avec la Hongrie. Il a été envoyé au centre pour réfugiés de Bicske où son vrai parcours a commencé.
Le gouvernement hongrois lui ayant accordé une protection juridique similaire au statut de réfugié, Dariush s'est installé dans une institution à Fót, l'un des deux centres spécialisés qui hébergent et éduquent les enfants non accompagnés en Hongrie.
C'est là que Dariush a lutté contre la solitude, appris le hongrois et obtenu le baccalauréat. La transition vers une vie indépendante a été aidée par un soutien financier de l'Etat auquel il aura droit jusqu'à ses 24 ans.
Mais ce soutien n'est pas accordé à tous les réfugiés âgés de 18 à 24 ans. Les jeunes qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié en tant qu'enfants n'y ont pas droit, ce qui représente une lacune majeure du système d'accueil en Hongrie, estime Katinka Huszar, associée de protection au HCR.
Selon Katinka Huszar, le seuil de 18 ans est une « ligne de partage absurde » dans le traitement des demandeurs d'asile car il ignore le fait que de nombreux jeunes sont encore vulnérables, bien qu'adultes en vertu de la loi.
Autre problème en Hongrie, le système d'accueil repose sur le secteur associatif pour les services les plus cruciaux. « Plusieurs fonctions essentielles comme le soutien psychiatrique, juridique et éducatif, sont assurées par des ONG et des fondations locales disposant de petits budgets », explique Katinka Huszar. « Ces lacunes rendent l'état actuel du système non viable ».
Dariush a déjà gravi des étapes vers le métier qu'il souhaite exercer dans le tourisme en aidant des compatriotes réfugiés et demandeurs d'asile comme interprète et guide autour de Budapest. Il participe également à des séminaires éducatifs pour réfugiés et, avec sa guitare bien-aimée, il divertit souvent les enfants dans le centre de Fót, sa « mère nourricière ». Ces jours-ci, il attend de savoir s'il aura l'autorisation de rester en Hongrie en tant que réfugié.
Après toutes ses épreuves, il refuse de désespérer. « Je n'ai jamais renoncé », dit-il. « Je fais de mon mieux. J'ai toujours fait de mon mieux ».
Par Veronika Fajth à Budapest, en Hongrie