L'offensive sur Mossoul provoque encore plus de déplacements en Iraq
Alors qu'une offensive militaire visant à reconquérir la deuxième ville d'Iraq prend de l'ampleur, le HCR s'apprête à venir en aide à des centaines de milliers de déplacés internes.
DEBAGA, Iraq – A la faveur de la nuit, le jeune Ali âgé de 14 ans s’est enfui de son village situé près de Mossoul avec sa famille et ses voisins, risquant sa vie pour se mettre en sécurité.
Alors qu’ils s’étaient séparés en deux groupes et qu’ils marchaient en file indienne pour éviter d’être détectés, ils ont été attaqués et l’adolescent a vu un de ses voisins se faire tuer devant lui. Sur un groupe de 23 personnes qui tentaient de s’enfuir, seules cinq en sont ressorties vivantes.
« C’est surtout ma mère qui me manque. Je veux la voir tous les jours. Elle m’appelait toujours le garçon courageux, le garçon fort », raconte Ali. Il explique que le reste de sa famille a été capturé et, selon lui, tué. Il a appris plus tard que la maison familiale avait été détruite.
L’adolescent fait partie des milliers d’Iraquiens qui fuient actuellement Mossoul, la deuxième ville d’Iraq, en pleine effervescence, et ses alentours alors qu’une offensive des forces gouvernementales iraquiennes visant à reconquérir la ville se prépare.
Ces dernières semaines, au moins 150 000 personnes ont déjà fui Shirqat et Al Qayyarah, près de Mossoul, et le HCR estime que plus d’un million de personnes pourraient se retrouver déplacées si l’opération poursuit son objectif de reprendre la ville.
Alors que le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant leur foyer continue d’augmenter de jour en jour, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés élabore des plans d’intervention en cas d’urgence pour atteindre les plus démunis et leur offrir une protection et une aide humanitaire.
Au cours des cinq derniers mois, le nombre d’Iraquiens déplacés comme Ali, hébergés dans le camp de Debaga, situé dans la région du Kurdistan iraquien, a été multiplié par dix, pour atteindre plus de 36 000 personnes. Ils résident dans différents sites de tentes et des nouvelles personnes arrivent chaque jour, dépassant la population du petit village local d’environ 2 000 habitants.
« Je me sens plus en sécurité ici », déclare Ali, en regardant un match de volleyball avec d’autres garçons déplacés dans le camp, dont beaucoup d’enfants non accompagnés comme lui. « J’ai commencé à me faire de nouveaux amis. Mais je pense sans arrêt à ma famille », dit-il.
Au total 3,3 millions de personnes, soit l’équivalent de près de 10% de la population iraquienne, ont été déracinées par les combats depuis début 2014. Ceux qui fuient actuellement Mossoul et ses environs rejoignent les quelque 500 000 personnes qui ont fui la ville en juin 2014, après une semaine de violents combats.
Plus de 300 000 ont trouvé refuge dans la région du Kurdistan iraquien, tandis que d’autres se sont dispersés à travers le pays. Beaucoup font face à d’importantes difficultés et sont abrités dans des bâtiments non terminés, des abris de fortune ou des mosquées. Beaucoup sont incapables de trouver un emploi régulier, sautent des repas à cause du coût et se démènent pour payer leur loyer ou envoyer leurs enfants à l’école.
C’est le cas d’Ayman Fakhri*, père de six enfants, originaire de Telafar, près de Mossoul, qui a fui avec sa famille il y a deux ans. Après s’être déplacé d’un endroit à un autre, il est arrivé dans la ville sainte de Najaf au centre de l’Iraq, à environ 160 kms au sud de la capitale Bagdad, où il a vite été dans l’incapacité de payer le loyer de leur hébergement temporaire.
« Nous risquions d’être expulsés du lieu où nous séjournions parce que je ne pouvais pas payer le loyer », explique Ayman, qui a récemment trouvé refuge dans un nouvel abri construit par le HCR dans le camp Al Najaf. « Ce lieu me permet d’avoir l’esprit tranquille et nous avons un peu d’intimité maintenant ».
Najaf accueille actuellement 14 600 familles iraquiennes déplacées. Le camp se prépare à une nouvelle vague de déplacés une fois que la bataille pour Mossoul aura débuté.
Comme les autres familles déplacées, Ayman aspire à rentrer chez lui. Et comme la plupart des autres familles, il prie pour que cela arrive le plus tôt possible.
*Le nom a été changé pour des raisons de protection