Les Mozambicains fuient vers le Malawi en nombre croissant
Le nombre de Mozambicains cherchant refuge au Malawi est passé à presque 10 000 alors que les personnes fuient pour échapper à l'escalade de la violence dans leurs villages.
KAPISE, Malawi, 16 mars (HCR) - Lorsque les soldats de l'armée gouvernementale poursuivant les combattants de la Résistance nationale mozambicaine, ou RENAMO, ont mis à sac son village, Carlos Songane* et sa famille ont fui pour sauver leur vie.
« Les soldats voulaient que nous leur révélions les allées et venues des combattants de la RENAMO », dit Songane, parlant en chichewa, le dialecte local. « Lorsque vous leur dites que vous ne savez pas, ils vous torturent. Donc, la plupart d'entre nous fuient vers le Malawi pour être en sécurité. »
Le paysan, sa femme et leurs quatre enfants ont quitté leur maison de Kondezi dans la province occidentale de Tete en février et ils résident aujourd'hui dans ce camp du district de Mwanza au Malawi. Ils font partie des quelque 9 600 demandeurs d'asile enregistrés qui ont fui ce qui, selon eux, est une aggravation de la violence depuis neuf mois. Des dizaines d'autres n'ont pas encore été enregistrés, et leur inclusion porterait le total des arrivées à presque 1 500.
Parmi les nouveaux arrivants figure Paolo Chirindza*, 56 ans, qui a récemment abandonné le village de Sabwe, dans la province de Tete, avec sa femme et leurs deux enfants, après que des soldats aient incendié sa maison, l'accusant d'abriter, avec d'autres villageois, des combattants de la RENAMO.
« Nous avons été obligés de fuir pour sauver notre peau », se souvient-il, expliquant comment la famille est partie à pied avec ses voisins, parmi lesquels des femmes avec enfants et bébés. Pendant leur marche, qui a duré trois jours, ils ont traversé d'autres villages pillés, incendiés et abandonnés.
Si bon nombre de personnes, comme Songane et Chirindza, ont fui la violence, d'autres ont quitté le Mozambique par mesure de précaution, craignant, semble-t-il, une intensification des combats après que la RENAMO a menacé ce mois-ci de prendre le contrôle de six provinces du Nord : Manica, Sofala, Tete, Zambezia, Nampula et Niassa.
Depuis trois semaines, près de 250 personnes arrivent chaque jour à Kapise, par rapport à environ 130 auparavant. La plupart arrivent les mains vides, tandis que d'autres ont réussi à fuir avec quelques couvertures et casseroles.
La forte hausse du nombre de nouveaux arrivants démunis exerce une pression sur la population de Kapise qui, jusqu'à présent, a toujours accueilli les Mozambicains avec bienveillance, mais qui signale la difficulté croissante de la tâche, car les ressources locales ne permettent pas de répondre aux besoins de chacun.
« Nous accueillons nos frères et soeurs dans le véritable esprit de la générosité africaine parce qu'ils ont des ennuis », dit le chef du village de Kapise, William Mitiwe. « Cependant, la pression sur notre terre, nos forêts et notre végétation est forte. Nous avons dû couper des arbres pour accueillir ces gens, et les fruits dont nous nous régalons pendant la saison des pluies ont disparu ».
Pour faire face au nombre croissant d'arrivées et aux conditions difficiles à Kapise, ainsi que pour des raisons de sécurité, le gouvernement du Malawi a accepté vendredi dernier de rouvrir le camp de réfugiés de Luwani, où la fourniture de services essentiels peut être mieux garantie. Le village de Kapise est situé à seulement cinq kilomètres de la frontière, mais Luwani se trouve à quelque 65 kilomètres dans les terres.
Le camp de Luwani a hébergé des réfugiés mozambicains lors de la guerre civile qui a fait rage entre 1977 et 1992 ; il a finalement été fermé en 2007. Les préparatifs sont en cours pour le transfert, qui devrait débuter dans les prochaines semaines ; tel est en tout cas le souhait du HCR.
Plusieurs partenaires, y compris l'UNICEF, le PAM et MSF fournissent des services essentiels à Kapise, comme de l'eau puisée sur place, de la nourriture et des soins de santé, qui aident à améliorer la vie des personnes, mais les conditions restent généralement difficiles, et le lieu sera utilisé principalement comme un camp de transit.
« Nous avons demandé au gouvernement d'allouer un terrain assez vaste pour accueillir les nouveaux arrivants, ce qu'il a fait et ce dont le HCR se réjouit ; nous remercions le gouvernement d'avoir donné une réponse favorable à notre demande », dit la représentante du HCR au Malawi, Monique Ekoko.
Le Malawi accueille déjà quelque 25 000 réfugiés, qui proviennent pour la plupart de la région des Grands Lacs et de la corne de l'Afrique, dans le camp de Dzaleka, situé à environ 35 kilomètres de Lilongwe. Ce camp fonctionne déjà au maximum de sa capacité, et les ressources destinées aux réfugiés sont limitées (les rations alimentaires ont d'ailleurs été ramenées à 40 pour cent depuis le mois d'octobre dernier).
*Nom fictif par souci de protection
Par Kelvin Shimo à Kapise, au Malawi