Des optométristes japonais redonnent la vue à des milliers d'Azéris déplacés
Sous l'impulsion d'Akio Kanaï, ancien lauréat de la distinction Nansen pour les réfugiés, une équipe d'optométristes japonais se focalise à améliorer la vie des Azéris déplacés.
Yalchin Aghayev, 40 ans, passe un test de vision avec l'optométriste Akio Kanaï dans une installation de déplacés à Barda, Azerbaïdjan.
© HCR/ Andrew McConnell
Valida Aliyeva est une passionnée de lecture. A 64 ans, elle déclare : « J’ai lu tous les livres de notre bibliothèque locale ! ».
Mais quand elle a perdu ses lunettes il y a quatre ans, le monde de cette grand-mère déplacée azérie a été réduit à une image floue où elle ne pouvait ni lire ni même voir les visages en gros plan.
Puis, en mai, une visite a changé sa vie: une équipe d’optométristes du Japon s’est rendue dans sa ville située à l’ouest de l’Azerbaïdjan pour effectuer des examens de la vue et offrir des lunettes aux habitants qui en avaient besoin, dont elle.
« Je prévois de recommencer à lire dès que je rentre chez moi – mais tout d’abord, je souhaite juste voir mes petits-enfants de près ! »
Après avoir fait la queue à la clinique des yeux dans le complexe d’appartements où elle vit avec des centaines d’autres familles, elle a reçu une paire de lunettes avec une monture violette qui redonne du relief au monde qui l’entoure.
« Je suis tellement contente », dit-elle sur un ton joyeux. « Je prévois de recommencer à lire dès que je rentre chez moi – mais tout d’abord, je souhaite juste voir mes petits-enfants de près ! »
Depuis une douzaine d’années, l’optométriste Akio Kanaï se rend en Azerbaïdjan avec une équipe de spécialistes pour aider les déplacés azéris dont près d’un million ont été forcés de fuir leur foyer lors du conflit relatif au Haut-Karabagh ayant sévi entre la fin des années 1980 et le début des années 1990.
Beaucoup vivent dans la pauvreté et se battent pour avoir accès à des soins de santé et des traitements adéquats. De nombreuses familles vivent aussi dans des cabanes ou des bidonvilles dans la campagne azerbaïdjanaise.
« Une paire de lunettes contribue à améliorer la qualité de vie des personnes, peut les aider à devenir indépendantes, à apprendre davantage », explique Akio Kanaï, ancien lauréat de la prestigieuse distinction Nansen pour les réfugiés. « A vrai dire, sans lunettes, je ne sais pas comment vous pouvez mener votre vie ».
L’équipe de huit optométristes qualifiés travaillant pour la société SARL d’Akio Kanaï, Fuji Optical & Cie., travaille rapidement toute la journée, effectuant des centaines d’examens des yeux et distribuant des lunettes aux habitants des nouveaux ensembles de logements de la ville terminés l’année dernière, qui contrastent fortement avec les zones agricoles environnantes.
Les membres de l’équipe japonaise sont devenus de petites célébrités ici et sont accueillis chaleureusement par les communautés azéries comme par les autorités locales. Au cours de leur visite de six jours, l’équipe a examiné 2 882 personnes et distribué 2 433 paires de lunettes. 141 paires supplémentaires doivent être envoyées plus tard du Japon.
« Certains vous serrent la main, d’autres vous embrassent. J’observe diverses manifestations de gratitude. Cela vaut la peine de travailler ».
« Notre programme est très chargé pendant la journée », explique Akio Kanaï, en souriant, tandis que l’équipe du HCR s’efforce de gérer la foule à l’extérieur d’une clinique temporaire. « Beaucoup de gens disent ‘çox sağ ol’, ce qui signifie ‘merci’. Certains vous serrent la main, d’autres vous embrassent. J’observe diverses manifestations de gratitude. Cela vaut la peine de travailler ».
Yalchin Aghayev, un enseignant ayant fui le Haut-Karabagh avec sa famille à l’âge de 17 ans, fait partie des personnes soignées dans l’une des cliniques. Il se débrouille depuis l’enfance avec un problème non corrigé à l’œil.
« Je suis professeur d’histoire et j’utilise tout le temps des cartes. Je montre souvent le mauvais endroit et je ne vois pas bien mes élèves », dit-il pendant que l’équipe de spécialistes de la clinique examine minutieusement ses yeux et lui prescrit des lentilles. « Je pensais que la vie devait être ainsi. Que le monde était tout le temps flou et que la vision ne consistait qu’en cela ».
Alors que ses lunettes sont ajustées, le soulagement se lit sur le visage d’Aghayev. « Avant de porter des lunettes, la vie semblait sombre, comme si c’était la nuit. Si je n’avais pas rencontré le Dr. Kanaï, je serais resté dans l’obscurité. Après avoir porté ces lunettes, ma vue s’est améliorée et ma vie entière est devenue plus brillante ».
Akio Kanaï avait remporté la distinction Nansen 2006 pour les réfugiés, attribuée chaque année par le HCR à une personne, un groupe ou une organisation pour récompenser les services exceptionnels rendus à la cause des réfugiés, des déplacés ou des apatrides.
Ayant été lui-même déplacé depuis l’île de Sakhalin dans le Pacifique-Nord pendant les troubles à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Akio Kanaï s’est engagé depuis 1983 à œuvrer auprès des personnes déracinées par les conflits. On estime à plus de 140 000 le nombre de réfugiés et de déplacés internes dont la vue a été améliorée grâce à son action.
« Le fait de remporter la distinction m’a inspiré et m’a poussé à poursuivre ces activités. J’ai 74 ans aujourd’hui, mais j’ai encore de l’énergie et je sens qu’il serait bien pour moi d’œuvrer en faveur de ces personnes. La distinction m’a vraiment donné la force de continuer ».
Et cet héritage semble se poursuivre car ses deux fils ont marché dans ses traces, obtenant le diplôme d’optométriste et accompagnant le docteur dans ses missions annuelles d’examen de la vue. Akio Kanaï illustre l’esprit des lauréats de la distinction Nansen – courageux, déterminé et engagé à améliorer la vie des personnes déracinées par les guerres et les conflits.
Le lauréat de la distinction Nansen 2016 pour les réfugiés sera annoncé le 6 septembre tandis que la cérémonie aura lieu le 3 octobre au Bâtiment Des Forces Motrices à Genève.