Avec la fin des JO, l'équipe olympique des athlètes réfugiés regarde vers l'avenir
Après avoir participé aux Jeux olympiques, Yolande et ses coéquipiers espèrent avoir tourné la page sur leur passé.
RIO DE JANEIRO, Brésil – Les cauchemars sont terminés mais les souvenirs restent.
Yolande Mabika se souvient avoir couru pour sauver sa vie quand les rebelles ont attaqué sa maison à Bukavu, dans l’est du Congo, il y a plus de 20 ans. Elle avait huit ans. C’est la dernière fois qu’elle a vu sa famille. Ils se sont dispersés dans toutes les directions.
Alors qu’elle vient juste de participer aux Jeux olympiques de judo en tant que membre de la première équipe de réfugiés de l’histoire, Yolande, âgée de près de 29 ans aujourd’hui, pense avoir enfin tourné la page sur son passé.
« Je pense encore au Congo, mais de moins en moins – cela fait maintenant partie du passé pour moi et je ne pense plus à ma famille tout le temps. Les souvenirs sont là mais la douleur a disparu. J’ai accepté le fait que je ne les reverrai plus », a-t-elle déclaré lors d’un entretien avec le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés.
« Je ne pense plus à ma famille tout le temps ».
Yolande a finalement été recueillie et ramenée vers la capitale Kinshasa par un hélicoptère militaire et placée dans un foyer pour enfants abandonnés et orphelins. Là-bas, elle pleurait d’abord beaucoup.
Puis elle a commencé le judo comme une forme de thérapie. Cela a changé sa vie. Elle dit qu’elle a développé un « cœur fort ». Elle a aussi commencé le long parcours qui s’est terminé ce mois-ci aux Jeux olympiques de Rio.
Si ce chapitre de sa vie est désormais enfin terminé, alors ce sera pour elle l’héritage le plus important de ces Jeux.
« Le Brésil est mon pays maintenant et je veux rester ici et construire une nouvelle vie... Je voudrais travailler auprès de jeunes filles comme moi qui n’ont pas eu de chance et les aider à surmonter le même type de problèmes que ceux que j’ai connus », explique-t-elle.
D’abord, elle a encore du travail à faire dans les championnats.
« J’ai participé à cette compétition et le monde entier me connait maintenant. Je ne vais pas m’arrêter comme ça. Je vais continuer de m’entrainer. Je vais faire des compétitions, être plus forte », promet-elle.
« C’était mon premier combat depuis que je suis réfugiée au Brésil... Je ne m’arrêterai pas. Maintenant le monde entier sait que je suis une athlète olympique et je continuerai de m’entrainer pour être de plus en plus forte dans les combats à chaque compétition ».
Yolande s’exprimait du centre de judo situé dans un quartier démuni de Rio de Janeiro où elle s’entraine avec son compatriote réfugié congolais et ami Popole Misenga, 24 ans, qui faisait également partie de l’Equipe olympique des athlètes réfugiés en tant que judoka.
En 2013, ils se sont rendus ensemble à Rio pour participer aux Championnats du monde de judo sous le drapeau de la République démocratique du Congo. Leur coach leur a confisqué leurs passeports et leur a donné un accès limité à la nourriture – comme il l’avait déjà fait auparavant. Comme ils en avaient assez de supporter ces abus depuis des années, ils ont fui l’hôtel ensemble et ont demandé l’asile.
Tous les deux ont été éliminés tôt lors de la compétition olympique de cette année. Mais ils sont toujours des exemples pour des dizaines de jeunes Brésiliens en herbe qui s’entrainent dans la salle de sport et s’identifient à leur histoire, eux qui sont parvenus à surmonter les difficultés grâce à leur travail et leur persévérance.
« Ils sont une légende pour les pauvres du monde entier, pas seulement les réfugiés ».
En effet, toute l’équipe de réfugiés, comprenant des coureurs du Soudan du Sud et d’Ethiopie et des nageurs originaires de la Syrie, a inspiré les habitants du monde entier. Leurs histoires, qui illustrent le triomphe sur l’adversité, ont marqué l’imagination de tous, en particulier dans le pays d’accueil, le Brésil, où beaucoup de gens luttent également durement pour survivre.
Les athlètes ont touché les cœurs avec leurs histoires personnelles tragiques ainsi que leurs modestes espoirs et aspirations.
« Ils sont une légende pour les pauvres du monde entier, pas seulement les réfugiés. C’est pourquoi les gens les ont tant acclamés. Il ne s’agit pas simplement d’être de ce côté-ci ou de ce côté-là d’une frontière – c’est la lutte face à d’immenses défis », déclare Tegla Loroupe, le coureur kenyan détenteur du record du monde, sélectionné par le Comité International Olympique (CIO) pour conduire l’équipe des réfugiés. « J’éprouve les mêmes sentiments pour eux que pour mes enfants ».
Rio de Janeiro a manifesté ce soutien cette semaine en dévoilant une peinture murale réalisée par des artistes des rues représentant le portrait des 10 membres de l’équipe olympique des athlètes réfugiés. Elle couvre les murs d’un vieil entrepôt dans l’ancienne zone portuaire jusqu’alors négligée que le Conseil municipal souhaite réhabiliter en hommage aux Jeux olympiques de Rio 2016. Elle restera longtemps après le départ des athlètes, des spectateurs et des médias.
« Cela sera le véritable héritage de ces Jeux », a déclaré Robert Malengreau du service de la culture de la ville. « La première équipe olympique d’athlètes réfugiés de l’histoire constitue l’un des principaux héritages des jeux, et cette fresque murale convient parfaitement pour décrire cela ».
Lors de leur première apparition dans le centre après les compétitions olympiques, leurs collègues judokas, jeunes et vieux, se sont attroupés autour d’eux avec impatience, les bombardant de questions sur leur expérience.
« C’est mon rêve de réaliser ce que ces athlètes congolais ont accompli », a déclaré une fillette brésilienne. « Je veux faire partie de l’équipe brésilienne, être une championne olympique, une championne du monde… Mais quand je regarde Yolande et Popole combattre, ils sont très disciplinés. Ils avaient décidé de participer aux Jeux olympiques et ils l’ont fait ».
Rose Nathike Lokonyen, la jeune Sud-Soudanaise de 23 ans qui a conduit l’équipe vers le stade lors de la Cérémonie d’ouverture derrière la bannière du CIO, raconte que tous les membres de l’équipe étaient enchantés par l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu, mais souhaitaient avoir l’opportunité de pouvoir continuer de s’entrainer et de s’améliorer.
« Tous les membres de l’équipe olympique des athlètes réfugiés et moi-même sommes très heureux de participer à ces Jeux olympiques, les premiers à accueillir une équipe de réfugiés. Nous représentons des millions de réfugiés », a-t-elle déclaré. « Je voudrais représenter mon pays aux Jeux olympiques, quand la guerre sera terminée. Si le conflit dure encore, ce sera très difficile. Ils doivent parvenir à faire la paix. La paix est ce dont nous avons tous besoin ».