Un Touareg abandonne son travail pour aider les réfugiés maliens
Aujourd'hui, il joue un rôle important en tant qu'assistant des services communautaires, aidant les plus vulnérables parmi les nouveaux arrivants.
Mentao, Burkina Faso, 25 octobre (HCR)- Lorsqu'au début de cette année, des milliers de familles maliennes ont commencé à affluer dans son village situé au nord du Burkina Faso, Ahmid Ag Rali a été frappé par le nombre d'enfants se trouvant parmi ces réfugiés. Emu et désireux d'apporter son aide, cet homme de 35 ans, originaire de la province d'Oudalan, a abandonné son emploi dans une compagnie minière étrangère pour postuler au HCR.
Aujourd'hui, il joue un rôle important en tant qu'assistant des services communautaires. Il vient en aide aux personnes les plus vulnérables parmi les nouveaux arrivants, comme les personnes âgées, les femmes enceintes et les handicapés. Mais l'opération du HCR en faveur des dizaines de milliers de réfugiés maliens est confrontée à des problèmes de sécurité et de financement qui affectent sa capacité à aider ces personnes démunies.
Debout à l'aube, le grand Ahmid - il mesure 1,85 m- est habituellement la première personne que les réfugiés, arrivés de nuit, rencontrent au camp de Mentao à l'issue de leur voyage depuis la frontière, située à 95 kilomètres plus au nord. C'est plus qu'un métier pour ce Burkinabe, qui considère les Maliens comme des membres de sa « famille élargie ». Il est lui-même Touareg et il a été élevé au Burkina Faso. Il appartient de ce fait à la même communauté ethnique qu'eux.
« Depuis mon enfance, j'ai toujours voulu aider les autres », a expliqué Ahmid, ici à Mentao, l'un des deux camps de réfugiés situé dans sa province. « Devenir un travailleur humanitaire a toujours été ma vocation - au HCR, je me sens chez moi ». Comme quelqu'un qui a eu la chance de faire des études secondaires, il est particulièrement préoccupé par le bien-être des enfants. Plus de la moitié des réfugiés au Burkina Faso ont moins de 18 ans.
Ahmid accueille les nouveaux arrivants avec un « taberakam » venu du coeur qui signifie « bienvenue » en tamasheq, l'une des langues touareg parlées à Tombouctou et dans d'autres régions du Mali. L'hospitalité est un élément essentiel de la culture touareg et Ahmid fait particulièrement attention à ce que les réfugiés épuisés, vulnérables et effrayés se sentent en sécurité, bien soignés et chez eux lorsqu'ils parviennent à Mentao.
« Ma cérémonie d'accueil est un art. Si mon regard s'égare ou si je me trompe de mots, je peux perdre leur confiance pour toujours », a-t-il expliqué au camp qui a ouvert en avril dernier et accueille plus de 6 000 personnes. Ils ont fui les combats qui ont commencé en janvier entre les forces gouvernementales maliennes et un mouvement rebelle touareg.
Les connaissances du contexte local, les compétences linguistiques et la sensibilité culturelle de notre personnel local comme Ahmid sont essentielles pour le HCR qui s'efforce de venir en aide à plus de 200 000 Maliens qui ont fui dans les pays frontaliers, principalement au Burkina Faso (35 000), en Mauritanie (108 000) et au Niger (64 000). Les réfugiés hébergés à Mentao sont des Touaregs, des arabes et des Songhai ce qui, lors d'une visite dans les camps, confère un caractère de riche expérience culturelle.
Bien qu'une assistance de base ait été fournie depuis le début, des problèmes de sécurité et des difficultés d'accès aux camps - dues aux pistes de sable - ont restreint la capacité de l'agence pour les réfugiés à faire plus dans les camps de la province d'Oudalan. L'agence a également besoin de maintenir le niveau de sa capacité de financement tandis que l'équipe des services communautaires, comme d'autres, manque de personnel malgré les dons récents provenant de différentes sources.
Ahmid a grandi dans l'Oudalan, l'une des provinces parmi les plus pauvres et les plus arides située dans l'un des pays les plus pauvres du monde - le Burkina Faso, qui occupe le 181ème rang mondial sur l'indice de développement humain des Nations Unies. Alors Ahmid se sent investi d'une responsabilité pour aider les personnes qui sont arrivées au pas de sa porte.
C'est toutefois un défi majeur en matière de logistique pour acheminer des articles de première nécessité et transporter du personnel vers cette région reculée et non développée au moment où les conditions difficiles de la région du Sahel sont aggravées par des manques d'eau et de nourriture. Des travailleurs humanitaires ont qualifié la situation de « double crise » car les réfugiés ont fui vers une région où les populations locales souffraient déjà.
Ahmid continue à aider les plus démunis et à les soulager. Son succès peut être évalué sur les visages qui s'illuminent lorsqu'il apparaît. Il connaît le nom de tous ceux dont il prend soin et les aide à accéder aux distributions de nourriture, aux soins de santé et aux autres services fournis par le HCR et ses partenaires.
L'un des bénéficiaires s'appelle Offeda. Il est chef d'une famille de 80 personnes et ne peut plus marcher en raison de ses jambes paralysées. Offeda est arrivé au camp de réfugiés de Mentao fin janvier, après avoir fui Tombouctou dans une voiture conduite par son plus jeune fils. Grace aux visites régulières de Ahmid et à la langue qu'ils partagent, Offeda se sent aidé et soigné.
Lorsqu'on l'interroge sur sa propre famille et sur les longues séparations de sa femme et de son nouveau-né, Ahmid explique: « J'ai deux maisons, l'une dans les camps où je peux aider à créer un monde meilleur, et la seconde avec ma famille où je peux vivre dans le monde meilleur qui s'est créé. »
Par Hugo Reichenberger à Mentao, Burkina Faso