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Syrie : information sur les murshidis [mourchidites ou Murshidiyya], y compris sur le traitement qui leur est réservé, notamment dans la ville de Lattaquié (2014-avril 2016)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 22 April 2016
Citation / Document Symbol SYR105502.F
Related Document Syria: Murshidis [Murshidiyya], including their treatment, particularly in the city of Latakia (2014-April 2016)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Syrie : information sur les murshidis [mourchidites ou Murshidiyya], y compris sur le traitement qui leur est réservé, notamment dans la ville de Lattaquié (2014-avril 2016), 22 April 2016, SYR105502.F, available at: http://www.refworld.org/docid/57dfa2d94.html [accessed 6 January 2017]
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Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. La communauté religieuse murshidie

1.1 Aperçu

Des sources signalent que les murshidis forment une communauté religieuse qui est issue de la branche des alaouites, dont ils se sont séparés au XXe siècle (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016; Sevruk janv. 2013, 80). On peut lire dans un article du quotidien Le Monde qu'il s'agit d'une « secte dissidente de l'alaouisme, lui-même une branche minoritaire du chiisme » (Le Monde 16 nov. 2012). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, Dmitry Sevruk, un doctorant en études islamiques à l'Université de Bamberg qui consacre sa thèse de doctorat à l'étude de la communauté murshidie (Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg s.d.) a précisé que [traduction] « les murshidis ne se considèr[ai]ent pas comme [des alaouites] » (Sevruk 11 avr. 2016). Dans un article sur la communauté murshidie publié en 2013, la même source explique que [traduction] « les murshidis se considèrent comme une branche de l'Islam, quoique leur interprétation du mot "Islam" soit plus large que son interprétation habituelle » (ibid. janv. 2013, 90).

Des sources estiment que le nombre de membres de la communauté murshidie s'élève aujourd'hui à 100 000 (directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016) ou 300 000 (Sevruk janv. 2013, 80).

Selon des sources, les murshidis vivent aujourd'hui dans les régions de Lattaquié, Homs et Hama (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016; directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016; Sevruk 11 avr. 2016). Le doctorant en études islamiques a précisé qu'il existait aussi quelques banlieues murshidies à Damas (ibid.). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur d'histoire moderne du Moyen-Orient à l'Université de Toronto a souligné que les murshidis habitaient aujourd'hui dans la majorité des grandes villes qui sont sous le contrôle du régime de Bachar el-Assad (Professeur d'histoire du Moyen-Orient 11 avr. 2016).

Selon Dmitry Sevruk, l'actuel [traduction] « chef officieux de la communauté murshidie », Nur al-Mudi al-Murshid, mentionne l'existence de deux branches murshidies dans son ouvrage Lamahat hawla al-Murshidiyya, publié en 2007 : la branche « al-Qabala » à Homs, à Masyaf et dans les banlieues de Damas, ainsi que la branche « al-Shamala » à Lattaquié et al-Ghab (Sevruk janv. 2013, 81, 93).

1.2 Bref historique

Des sources signalent que les murshidis sont les fidèles de Salman [Sulayman] al-Murshid, un alaouite qui, dans les années 1920, a clamé avoir reçu un message de Dieu (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016; Sevruk janv. 2013, 82).

Selon des sources, en 1936, en plus de ses activités religieuses, Salman al-Murshid est devenu député (Professeur d'histoire, Dickinson College 11 avr. 2016; Sevruk janv. 2013, 85) du Conseil représentatif de l'État alaouite, puis, en 1937, du parlement national à Damas (ibid.).

Des sources signalent que Salman al-Murshid a entretenu des relations avec l'occupant français (ibid.; directeur, Université de Denver 11 avr. 2016). D'après Dmitry Sevruk,

[traduction]

Salman a essayé de manoeuvrer entre le mandat français et le gouvernement national syrien afin d'assurer sa place et celle de sa communauté en général, mais il a échoué : peu de temps après le retrait des forces françaises de Syrie, il a été arrêté [...], condamné à mort en décembre 1946 et exécuté à Damas (Sevruk janv. 2013, 85).

Le professeur d'histoire moderne du Moyen-Orient à l'Université de Toronto a expliqué que, [traduction] « après avoir connu une certaine persécution lors des décennies précédentes, les murshidis ont établi de bonnes relations avec le régime de Hafez el-Assad » (Professeur d'histoire du Moyen-Orient 11 avr. 2016). De même, Dmitry Sevruk souligne que les murshidis n'ont pu pratiquer leur foi librement que lorsque Hafez el-Assad est arrivé à la tête de la Syrie [en 1970] (Sevruk s.d.).

Par ailleurs, selon Dmitry Sevruk, depuis la mort de Saji al-Murshid (le fils de Salman) en 1998, les murshidis n'ont plus, officiellement, de chef religieux (Sevruk janv. 2013, 86, 90).

2. Traitement qui leur est réservé par l'État et par la société

2.1 Traitement réservé par le gouvernement de Bachar el-Assad

Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur du Center for Middle East Studies (CMES) de l'Université de l'Oklahoma, qui a publié un ouvrage sur la crise syrienne et plusieurs articles sur la Syrie, a déclaré que [traduction] « [l]e régime a[vait] une affinité pour [les murshidis] et les vo[yai]t comme des alliés potentiels » (directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016). Selon la même source, il existe cependant [traduction] « une certaine méfiance » entre Bachar el-Assad et les murshidis, à cause du soutien apporté par certains murshidis à Rifaat el-Assad quand il avait tenté de prendre le pouvoir aux dépens de son frère Hafez el-Assad dans les années 1980 (ibid.). Dmitry Sevruk explique que les murshidis ont d'abord soutenu Rifaat el-Assad, avant de prendre parti pour Hafez el-Assad (Sevruk s.d.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements indiquant si le gouvernement de Bachar el-Assad considère les murshidis comme des alliés.

Sans fournir plus de détails, le directeur du CMES de l'Université de l'Oklahoma a déclaré que la situation actuelle des murshidis en Syrie n'était [traduction] « pas pire que celle de n'importe qui, y compris à Lattaquié » (directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur du Center for Middle East Studies (CMES) de l'Université de Denver, qui a publié plusieurs articles sur la crise syrienne, a déclaré que, d'après lui, [traduction] « les autorités n'arrêteraient pas quelqu'un en raison de son appartenance à la communauté [murshidie] » (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens, ni d'autres renseignements se rapportant spécifiquement à Lattaquié.

2.2 Traitement réservé par la société

Le directeur du CMES de l'Université de Denver a déclaré ce qui suit au sujet du regard que la société syrienne porte sur les murshidis :

[traduction]

Toute personne qui prétend être membre de ce sous-groupe est considérée avec grande suspicion, non seulement par les alaouites […], mais aussi par la plupart des sunnites syriens, qui représentent environ 70 p. 100 de la population syrienne (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016).

Des sources orales ont précisé que les murshidis étaient généralement considérés comme des hérétiques par les sunnites (ibid.; directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016). Selon Dmitry Sevruk, [traduction] « [j]usqu'à aujourd'hui, al-Murshid est accusé par les opposants aux murshidis d'avoir prétendu être une incarnation divine - un point qui est catégoriquement démenti par les membres de la communauté » (Sevruk janv. 2013, 85).

D'après le directeur du CMES de l'Université de Denver, les murshidis sont aujourd'hui victimes de « différentes formes de discrimination » (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016). Selon lui, si un individu proclame publiquement qu'il est murshidi ou essaie d'organiser un évènement public murshidi, il pourrait être victime de discrimination ou de violence physique (ibid.). La même source a précisé que les murshidis [traduction] « n'[avaient] probablement pas le droit d'avoir leur propres institutions religieuses de façon publique » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens, ni de renseignements se rapportant spécifiquement à Lattaquié.

Le rapport de février 2016 de la Commission internationale d'enquête indépendante sur la République arabe syrienne, publié par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, rapporte ce qui suit :

En octobre [2015], les dépouilles de 22 hommes appartenant à la minorité de la secte musulmane des [m]ourchidis ont été découvertes dans la vallée d'El-Ghab de Hama, zone contre laquelle le Front el-Nosra et des groupes armés antigouvernementaux avaient lancé une attaque coordonnée au mois d'août. Toutes les victimes portaient des marques de torture grave, et nombre d'entre elles avaient les mains liées et les dents arrachées. On ignore si les morts étaient des civils ou des combattants faits prisonniers, et si leur origine religieuse avait motivé l'attaque (Nations Unies 11 févr. 2016, paragr. 108).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

2.3 Crainte de mauvais traitements

Des sources ont affirmé que si l'actuel président syrien Bachar el-Assad était renversé par ses opposants armés, les conséquences pour les murshidis seraient « très » négatives (directeur, Université de Denver 11 avr. 2016; Directeur, Université de l'Oklahoma 12 avr. 2016). Selon les mêmes sources, les murshidis auraient alors une crainte [traduction] « légitime » de « persécution » (ibid.; directeur, Université de Denver 11 avr. 2016). Le directeur du CMES de l'Université de l'Oklahoma a soutenu que, à son avis, si les factions islamistes arrivaient au pouvoir, elles [traduction] « anéantiraient » les murshidis, et donc, la crainte d'un « génocide » serait « légitime » (12 avr. 2016). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le directeur du CMES de l'Université de Denver a précisé que les murshidis, en cas de changement de gouvernement en Syrie, seraient vus avec suspicion par le nouveau gouvernement, parce qu'ils seraient considérés à la fois comme étant issus de la communauté alaouite et comme ayant collaboré avec les Français (11 avr. 2016). Le doctorant en études islamiques a dit qu'il [traduction] « suppos[ait] que même un simple membre de la communauté p[ouvai]t être associé au régime d'Assad par une partie de la société syrienne aujourd'hui, en dépit de ses réelles opinions politiques » (Sevruk 11 avr. 2016). De même, selon Le Monde, « [p]our les sunnites de Syrie, les mourchidites sont assimilés à des alaouites » (Le Monde 16 nov. 2012).

On peut lire dans le même article du Monde que les murshidis, « [j]ugés favorisés par le régime de Bachar Al-Assad […] s'efforcent de rester neutres » (ibid.). Le journaliste Lewis Roth rapporte dans cet article avoir constaté que dans le village murshidi de Kdin, « tomb[é] aux mains de l'Armée syrienne libre (ASL) », les fonctionnaires « continu[aient] à toucher leurs salaires, même s'ils ne p[ouvai]ent pas se rendre au travail », alors «[qu'e]n règle générale, l'État cesse de verser les traitements à tous ses employés restant en zone occupée par l'ASL, par mesure de représailles » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Directeur, Center for Middle East Studies (CMES), University of Denver. 11 avril 2016. Entretien téléphonique.

Directeur, Center for Middle East Studies (CMES), University of Oklahoma. 12 avril 2016. Entretien téléphonique.

Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg. S.d. « Dmitry Sevruk ». [Date de consultation: 15 avr. 2016]

Le Monde. 16 novembre 2012. Lewis Roth. « À Kdin, en Syrie, la cohabitation délicate d'une secte alaouite avec les rebelles ». [Date de consultation: 19 avr. 2016]

Nations Unies. 11 février 2016. Conseil des droits de l'homme. Rapport de la Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne. [Date de consultation : 20 avr. 2016]

Professeur d'histoire, Dickinson College. 11 avril 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeur d'histoire moderne du Moyen-Orient, University of Toronto. 11 avril 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Sevruk, Dmitry, doctorant en études islamiques, Universität Bamberg. 11 avril 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. Janvier 2013. « The Murshidis of Syria: a Short Overview of their History and Beliefs ». The Muslim World. Vol. 103.

_____. S.d. « Dmitry Sevruk ». [Date de consultation: 15 avr. 2016]

Autres sources consultées

Sources orales : Center for Middle Eastern Studies, University of California at Berkeley; Center for Middle Eastern Studies, University of Chicago; Center for Middle Eastern Studies, University of Harvard; Damascus Center for Human Rights Studies; Department of Middle Eastern Studies, University of Texas at Austin; Free Syria's Silenced Voices; Gulf Centre for Human Rights; Islamic and Middle Eastern Studies, University of Edinburgh; Liaison Office Syria; Middle East Studies Association of North America; Middle East Studies Program, George Mason University; Middle Eastern and Islamic Studies, New York University; Syria Relief Network; Syrian Forum; Syrian Network for Human Rights; Syrian Observatory for Human Rights.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; ecoi.net; États-Unis - Department of State; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; Nations Unies - Refworld.

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