Tchad : Un projet agricole pour l'autonomie des réfugiés soudanais et des communautés locales
Les semences, le désherbage et la récolte permettent l'insertion des réfugiés soudanais dans les villages locaux et de renforcer l'autonomie des femmes.
Koutoufou, Tchad - Au milieu d’un grand champ vert planté de légumes dans ce village de l'est du Tchad, Achta Abdallah Biney était occupée à arracher les mauvaises herbes de son carré de terrain et à récolter ses meilleurs navets pour le marché du lendemain.
Elle a fui la guerre au Soudan, son pays natal. Elle fait partie aujourd'hui des 500 réfugiés et membres de la communauté locale qui cultivent ce terrain tous ensemble dans le cadre d'un projet visant à l'insertion des réfugiés à long terme dans les communautés hôtes et donnant aux femmes davantage d’indépendance financière.
Intitulé « Des graines pour des solutions », le programme a été élaboré par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et la Fédération luthérienne mondiale (FLM). Il aide à trouver des terres agricoles et à fournir des outils, des semences et des conseils, pour que les agriculteurs puissent cultiver leurs propres récoltes et les vendre au marché ou s’en servir pour nourrir leur famille.
Achta Abdallah Biney est âgée de 37 ans et elle a cinq enfants. Ils ont fui vers le Tchad voisin depuis son village de la région du Darfour au Soudan quand des combats les ont affectés en 2003. D'abord, elle a vécu dans un camp de réfugiés près de la ville tchadienne de Goz Beida.
« Avec ces légumes, je me sens responsable et je décide quoi faire avec le revenu. »
Toutefois, comme la crise dans son pays se prolongeait, elle a rejoint de nombreuses familles de réfugiés soudanais qui ont quitté les camps et qui se sont installés aux côtés de Tchadiens dans les villages. Ces mouvements étaient soutenus par le HCR dans le cadre de sa stratégie « Hors du camp » pour les réfugiés prolongés.
Avec ses enfants et sa mère vieillissante, Achta Abdallah Biney a rejoint le village de Koutoufou en 2011, pour pouvoir « cultiver et subvenir aux besoins de ma famille », explique-t-elle. On lui a alloué un terrain dans un domaine de 25 hectares, ainsi que des outils et des semences pour commencer.
Aujourd'hui, elle est établie parmi 462 autres agriculteurs - des femmes pour la plupart et 243 d'entre eux étant des réfugiés soudanais - qui font partie des bénéficiaires du programme « Des graines pour des solutions » à Koutoufou.
De nombreuses femmes sont analphabètes et elles n’auraient eu traditionnellement que peu de contrôle sur leurs dépenses des ménages. La situation est en train de changer.
« Avec ces légumes, je me sens responsable et je décide quoi faire avec le revenu », déclare-t-elle, debout dans sa parcelle de terrain, avec un navet dans sa main pleine de terre.
Une autre femme cultive sa parcelle proche de celle d’Achta Abdallah Biney. Elle retirait des mauvaises herbes autour de ses plants. Tout en travaillant, elle explique : « Quand ils donnent de l'argent aux maris, soit ils fument, soit ils boivent ou alors ils vont voir une autre femme. Le programme [Des graines pour des solutions] me donne les moyens d'être indépendante et me permet de subvenir aux besoins de ma famille. »
Depuis son lancement à la fin 2014, ce programme pour l’autonomie a permis de venir en aide à plus de 5000 réfugiés et 3000 Tchadiens dans la seule région de Goz Beida, où plus de 10 000 hectares de terres agricoles ont été acquises.
L'eau est tirée des puits et distribuée grâce à l'énergie solaire. Le personnel expert de la FLM se rend régulièrement dans les fermes pour dispenser des conseils techniques.
A Koutoufou, la récolte de début 2016 a généré un revenu de près de 3500 dollars après la vente de 70 pour cent des 13 700 kilogrammes de légumes produits. Les agriculteurs ont utilisé le reste pour agrémenter leurs repas quotidiens, en complétant les vivres qu’ils reçoivent via les distributions d’aide humanitaire avec des légumes nutritifs. La santé de leurs familles en a également été améliorée.
Le programme « Des graines pour des solutions » traite de la situation prolongée des réfugiés dans l'est du Tchad, explique Peggy Pentshi-a-Maneng, chef du bureau auxiliaire du HCR à Goz Beida, où sont hébergés quelque 62 000 des 312 000 réfugiés soudanais vivant dans le pays.
« Le succès attire de plus en plus d'hommes qui avaient d'abord refusé de prendre part au projet en disant que c’était le travail des femmes »
La participation des habitants à ce projet agricole « renforce la coexistence pacifique entre les deux communautés », ajoute Peggy Pentshi-a-Maneng, ce qui en fait « l'une des meilleures solutions durables pour ces réfugiés qui n’ont aucun signe immédiat pour un retour dans la sécurité et la dignité au Darfour. »
Le programme a connu un tel succès que les hommes, qui avaient d'abord tourné le dos à l'idée de la culture maraîchère, suivent désormais leurs femmes et leurs sœurs dans les champs.
« Le succès attire de plus en plus d'hommes qui avaient d'abord refusé de prendre part au projet en disant que c’était le travail des femmes », explique Urbain Maihoudjim, superviseur agricole pour la FLM, alors qu’il vérifiait l'état des navets récoltés par Achta Abdallah Biney.
Elle se préparait à les emporter sur le marché le lendemain, et savait à quel point l'argent qu'elle gagnait en vendant les légumes est important.
« Je veux que mes enfants aillent à l'université ou qu’ils apprennent au moins un métier en vue d'obtenir un emploi pour subvenir à leurs besoins », déclare-t-elle. « Avec le peu d'argent que je gagne en vendant une partie de ma récolte, je peux prendre soin d'eux et ils peuvent se concentrer sur leurs études. »