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Note sur les problèmes d'extradition affectant les réfugiés

Publisher UN High Commissioner for Refugees (UNHCR)
Publication Date 27 August 1980
Citation / Document Symbol EC/SCP/14
Related Document Note on Problems of Extradition Affecting Refugees
Cite as UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), Note sur les problèmes d'extradition affectant les réfugiés, 27 August 1980, EC/SCP/14, available at: http://www.refworld.org/docid/3ae68ccd8.html [accessed 20 September 2016]

Introduction

1.         Dans l'accomplissement de sa mission de protection internationale, le Haut Commissariat est souvent appelé à s'occuper de cas dans lesquels l'extradition d'un réfugié est demandée. Les cas de ce genre font entrer en jeu un certain nombre de questions complexes qui seront examinées dans les paragraphes qui suivent.

2.         Le rapport étroit qui existe entre la non-extradition et l'asile est traditionnel. C'est dans le contexte général de l'asile que la non-extradition pour des délits politiques est devenue un des principes fondamentaux de la législation relative à l'extradition. Le fait est qu'en Europe, à une certaine époque (c'est-à-dire au dix-neuvième siècle), l'asile était considéré essentiellement comme le refus de l'extradition pour des délits politiques. La question de savoir dans quelle mesure le principe de la non-extradition pour des délits politiques répond suffisamment de nos jours à la situation particulière des réfugiés fera l'objet des paragraphes 9 à 11 ci-après.

3.         La demande d'extradition d'un réfugié peut viser une personne à qui la qualité de réfugié a été formellement reconnue, ou une personne à qui cette qualité n'est pas reconnue mais qui, néanmoins, remplit les conditions requises pour bénéficier du statut de réfugié. Ce dernier cas pourrait se présenter dans des pays qui ne sont pas encore devenus parties à la Convention des Nations Unies de 1951 ou au Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, ou dans des pays qui continuent d'assujettir à des limitations géographiques leurs obligations découlant de ces instruments. Le statut de réfugié peut aussi ne pas avoir été établi soit parce que l'intéressé ne l'a pas formellement demandé, soit parce que sa demande est encore pendante.

4.         Une demande d'extradition peut indiquer dans certains cas - en Saison des faits invoqués - que la personne dont l'extradition est demandée n'est pas un réfugié de bonne foi. Si la demande est faite en relation avec un crime grave de droit commun, elle peut aussi indiquer que l'intéressé, tout en répondant par ailleurs aux critères de la définition du réfugié, est exclu du statut de réfugié en vertu de l'article premier, alinéa b) de la section F, de la Convention de 1951.

5.         Aux termes de cet alinéa, les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis "un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés". Les opinions peuvent différer quant à la signification exacte de l'expression "crime grave de droit commun", mais il est évident que les délits justifiant l'extradition ne sont pas tous graves au point d'entraîner l'exclusion du statut de réfugié.

6.         La question de savoir si une personne dont l'extradition a été demandée en relation avec un délit de droit commun doit être protégée contre cette extradition en tant que réfugié, se pose donc a) si la demande d'extradition n'indique pas que cette personne es exclue du statut de réfugié pour avoir commis un crime grave de droit commun, et b) si en raison du principe de non-refoulement, cette personne ne doit pas être renvoyée à l'Etat qui demande l'extradition.

7.         Les demandes d'extradition d'un réfugié sont adressées le plus souvent à l'Etat où le réfugié a sa résidence habituelle. Mais dans un certain nombre de cas dont le Haut Commissariat a eu à s'occuper ces dernières années, l'extradition a été demandée à un Etat où le réfugié ne se trouvait que temporairement. Dans les cas en question, le réfugié avait déjà fait l'objet d'une demande analogue d'extradition - qui avait été rejetée - dans le pays de sa résidence habituelle. Le fait que, dans ces conditions, le réfugié doit être soumis encore une fois à la procédure d'extradition qui s'accompagne parfois de longues périodes de détention - constitue nécessairement pour lui une dure épreuve. De plus, le risque de se voir exposé de nouveau à cette même procédure dans un autre pays peut entraver considérablement la liberté de déplacement du réfugié en l'obligeant à rester dans le pays de sa résidence habituelle.

8.         Dans les cas mentionnés au paragraphe précédent, le réfugié avait été formellement reconnu comme tel par les autorités du pays de sa résidence habituelle, lesquelles avaient dûment tenu compte de son statut de réfugié lorsqu'elles avaient rejeté la demande d'extradition. Les cas de ce genre, c'est-à-dire ceux où le réfugié a été formellement reconnu comme tel par l'Etat de sa résidence habituelle, font donc également entrer en jeu la question de l'effet extra-territorial de l'établissement du statut de réfugié, question qui a déjà été examinée par le Comité à sa vingt-neuvième session.

La protection des réfugiés contre l'extradition en vertu des principes traditionnels de la législation relative à l'extradition

9.         L'institution de l'extradition est destinée à faciliter l'exercice, par les Etats, de leur juridiction pénale, mais un certain nombre de principes ont été développés dans la législation relative à l'extradition, dans le but de protéger les intérêts fondamentaux de l'individu dont l'extradition est demandée. Il convient d'examiner maintenant dans quelle mesure ces principes sont appropriés à la situation particulière du réfugié.

10.       Lorsque l'extradition d'un réfugié est demandée en relation avec un délit politique, le réfugié sera protégé contre l'extradition conformément au principe de non-extradition pour des délits politiques, qui figure dans la grande majorité des traités d'extradition. Toutefois, ces traités ne donnent que très rarement une définition de ce qui constitue un délit politique, et c'est généralement à l'Etat à qui la demande est adressée qu'il appartient de régler la question d'après des critères qui, comme on le sait, ne sont pas uniformes. Ainsi, pour décider si un délit peut être ou non qualifié de politique, certains Etats ne tiennent compte que de sa nature et de ses conséquences immédiates. D'autres Etats appliquent un critère plus souple et considèrent qu'un délit peut, dans certaines conditions, être considéré comme politique s'il est commis pour un motif politique, même si le délit lui-même n'est pas de caractère politique. Dans d'autres Etats encore, on tient compte de l'élément prédominant politique ou de droit commun - en ce qui concerne un délit donné.

11.       Néanmoins, malgré les critères plus souples d'après lesquels divers Etats qualifient peut-être un délit de "politique", le principe de non-extradition pour les délits politiques ne suffit pas, par lui-même, à assurer dans tous les cas au réfugié une protection contre l'extradition dans un pays où il a des raisons de craindre d'être persécuté. Lorsque, en raison des critères appliqués par l'Etat à qui l'extradition est demandé, ou de son appréciation des faits invoquée, un délit n'est pas qualifié de politique mais de délit de droit commun, le réfugié peut, effectivement, courir le risque d'être extradé.

12.       Conformément au principe de double criminalité, l'extradition ne sera accordée que si le délit pour lequel elle est demandée constitue un délit tant en vertu de la législation de l'Etat qui l'a demandée que de celle de l'Etat auquel elle est demandée. Le principe de la double criminalité est particulièrement important en ce qu'il protège les intérêts fondamentaux dos personnes dont l'extradition est demandée et, dans la mesure où il est applicable, protégerait aussi les réfugiés contre l'extradition. Toutefois, il n'exclurait pas l'extradition d'une personne qui craint d'être persécutée dans l'Etat qui demande l'extradition si l'acte invoqué constitue un délit en vertu des deux législations : celle de l'Etat qui demande l'extradition et celle de l'Etat auquel elle est demandée.

13.       Conformément au principe de la spécialité, l'extradition ne sera accordée que s'il est garanti que l'Etat qui la demande n'engagera de poursuites et/ou n'imposera de peine que pour le délit spécifié dans la demande d'extradition et pour nul autre.

14.       On a exprimé l'avis que si l'Etat auquel l'extradition est demandée est convaincu que le principe de la spécialité sera respecté, tout obstacle qui existerait éventuellement à l'extradition d'un réfugié sera de ce fait écarté. Il est toutefois douteux que, s'agissant d'un réfugié, la protection que représente le principe de la spécialité puisse être considérée comme suffisante. Ce principe exclut bien les poursuites et/ou une condamnation pour un délit autre que celui en raison duquel l'extradition a été accordée, mais il ne saurait assurer de protection réelle contre l'application d'une peine excessive ou un traitement préjudiciable motivés par l'une quelconque des raisons en rapport avec le statut de réfugié.

15.       Bien entendu, les Etats tiennent dûment compte des principes traditionnels de la législation relative à l'extradition lorsqu'ils examinent des demandes tendant à obtenir l'extradition de réfugiés. En outre, ces principes peuvent, dans leurs limites respectives, offrir réellement aux réfugiés d'importantes garanties juridiques. Mais en raison de leur portée particulière et clairement définie, ils n'assurent pas toujours aux réfugiés la protection nécessaire qui, en dernière analyse; ne peut être assurée que par le refus de l'extradition en vertu du principe de non-refoulement.

Le principe du non-refoulement et l'extradition

a)         Observations générales

16.       En vertu du principe du non-refoulement, sur lequel est fondé le droit d'asile, il est interdit de refouler une personne vers un territoire où elle a des raisons de craindre d'être persécutée. Il n'y a dans là nature et la fonction de ce principe - dont le Comité exécutif a à maintes reprises souligné l'importance capitale rien qui empêche de l'appliquer également en matière d'extradition. D'ailleurs, on ne peut pas considérer qu'un réfugié bénéficie d'une protection complète tant qu'il n'est pas également protégé contre l'extradition vers un pays où il a des raisons de craindre d'être persécute.

b)         Enonciation du principe du non-refoulement dans des instruments internationaux

17.       Le principe du non-refoulement, tel qu'il est effectivement formulé dans divers instruments internationaux, est énoncé en termes assez généraux peur couvrir l'extradition, comme en témoigne en particulier le paragraphe 1 de l'article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés qui est libellé comme suit

"Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité. de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques" [1].

18.       En ce qui concerne l'interprétation qui a été donnée des dispositions du paragraphe 1 de l'article 33 en vue de déterminer si elles pouvaient s'appliquer à l'extradition, la pratique judiciaire a eu tendance à varier d'un pays à l'autre. En Belgique, on a jugé qu'en vertu du paragraphe 1 de l'article 33 aucun réfugié ne pouvait être extradé vers son pays d'origine [2]. En Autriche, la Cour suprême a jugé qu'en vertu du principe énoncé à l'article 33 et pour éviter toute violation des droits des réfugiés reconnus sur le plan international un réfugié ne pouvait pas être extradé vers son pays d'origine [3]. En France, en revanche, on a jugé que l'article 33 n'interdisait pas l'extradition mais seulement l'expulsion ou le refoulement qui sont des mesures différentes du point de vue juridique [4]. Toutefois, en dépit de cette interprétation, les autorités françaises n'ont pas pour pratique d'extrader les réfugiés vers leur pays d'origine.

c)         Article du projet de convention sur l'asile territorial traitant de la non-extradition

19.       Le projet de convention sur l'asile territorial qui a été examiné par un groupe d'experts gouvernementaux en 1975 contenait un article sur la "non-extradition" [5] qui était libellé comme suit

"Article 3 - Non-extradition

Nul ne sera extradé vers le territoire d'un Etat sur lequel il ne peut pas être refoulé en vertu de l'article 2 (C'est-à-dire l'article du projet de convention qui énonce le principe du non-refoulement)."

20.       Les débats du Groupe d'experts sur ce projet d'article sont particulièrement intéressants du point de vue de l'applicabilité du principe du non-refoulement en matière d'extradition. Le passage du rapport du Groupe d'experts (A/10177) consacré à ce projet d'article est donc reproduit in extenso ci-après.

"78.      Au cours de l'examen de cet article, un échange de vues a eu lieu sur divers problèmes de caractère général concernant l'extradition en liaison avec l'asile et le non-refoulement. Un expert a été d'avis que l'article n'était peut-être pas nécessaire, parce que l'idée en était déjà contenue dans le principe du non-refoulement, et a signalé que l'article 33 de la Convention de 1951 contenait les mots de quelque manière que ce soit, qui pouvaient être interprétés comme englobant l'extradition. Un autre expert a demandé s'il ne serait pas possible de mentionner l'extradition dans l'article 2 du projet de convention. On a fait observer toutefois que des doutes avaient été exprimés au sujet de l'applicabilité de l'article 33 de la Convention de 1951 à l'extradition et que cela paraissait confirmer la nécessité d'un article comme celui qui était à l'examen.

79.       Tout en reconnaissant qu'un tel article était certainement nécessaire, un expert a déclaré qu'une simple référence à l'article 2 de la Convention ne suffisait pas et qu'il convenait d'expliciter les circonstances dans lesquelles un réfugié ne pouvait pas être extradé; à ce propos, il a rappelé l'article 4 de la Convention de Caracas sur l'asile territorial.

80.       Il a été généralement reconnu que l'article pourrait susciter des difficultés en ce qui concerne l'application des traités existants sur l'extradition, surtout des traités de caractère bilatéral. Quelques experts ont pensé que cette question pourrait être résolue par l'insertion dans l'article, ou ailleurs dans la Convention, d'une disposition spéciale sur le règlement d'un éventuel conflit d'obligations découlant de traités. D'autres ont été d'avis que cette question pouvait être laissée de côté, car les relations entre traités différents étaient déjà réglées de façon extrêmement détaillée dans l'article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des traités [6], laquelle, bien que n'étant pas encore en vigueur, reflétait la situation actuelle du point de vue du droit coutumier international.

81.       Lorsque cet article a été examiné en deuxième lecture, la majorité des experts a estimé qu'il devait être supprimé."

21.       Il semblerait donc qu'en décidant de supprimer le projet d'article 3 les experts aient surtout voulu tenir compte de la nécessité d'étudier plus avant les problèmes techniques pouvant résulter de son adoption et que leur refus d'accepter la disposition qu'il contenait n'aient en aucune façon été motivé par l'idée qu'un réfugié ne devrait pas être protégé contre l'extradition vers un pays dans lequel, en vertu du principe du non-refoulement, il ne devrait pas être refoulé. Au cours de la Conférence des Nations Unies sur l'asile territorial qui s'est tenue à Genève du 10 janvier au 4 février 1977, un certain nombre de délégations ont présenté un amendement tendant à s'introduire ce projet d'article dans là Convention en le libellant comme suit :

"Nul ne sera extradé vers le territoire d'un Etat quelconque; si l'Etat requis à des raisons sérieuses de présumer que la demande d'extradition au titre d'un délit de droit commun a été faire aux fins de persécuter, de poursuivre ou de punir une personne jour l'une bu l'autre des raisons évoquées au paragraphe 1 de l'article 2 ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons.[7]"

d)         Application du principe du non-refoulement à l'extradition dans la pratique des Mats

22.       Au cours des dernières années, l'idée selon laquelle le principe du non-refoulement est également applicable en matière d'extradition a trouvé confirmation dans un nombre croissant de conventions multilatérales adoptées aux niveaux régional et mondial et d'accords bilatéraux d'extradition ainsi que dans la constitution et les lois ordinaires d'un nombre de plus en plus important d'Etats appartenant à diverses régions du monde.

i)          Conventions multilatérales

23.       La Convention européenne d'extradition adoptée le 13 décembre 1957 contient une disposition qui présente une importance toute particulière du point de vue le la non-extradition des réfugiés. L'article 3 de cette convention dispose en effet que :

"1.        L'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction.

2.         La même règle s'appliquera si la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une au l'autre de ces raisons. (non souligné dans le texte)

3. ...

4. ...

24.       L'article 3 de la Convention européenne d'extradition a ensuite servi de modèle pour l'élaboration de l'article 5 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme adoptée le 27 janvier 1977. Selon cet article :

"Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme impliquant une obligation d'extrader si l'Etat requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction visée à l'article 1er ou 2 a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de rationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons."

25.       L'article 9 de la Convention internationale contre la prise d'otages adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 12 décembre 1979 contient une disposition identique à celle de l'article 5 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme.

26.       Les Etats parties aux diverses conventions relatives à la capture illicite d'aéronefs et à la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale ne sont pas absolument tenues d'extrader les délinquants [8]. Ils peuvent soit les extrader soit les traduire eux-mêmes en justice, conformément au principe aut dedere/aut punire. Si on laisse le choix aux Etats contractants, c'est précisément pour qu'ils puissent, si cela leur paraît justifié, refuser d'extrader ces délinquants et leur accorder l'asile. L'analyse de la pratique suivie par les Etats dans ce domaine fait apparaître que lorsque les réfugiés étaient de bonne foi, les Etats ont choisi de refuser leur extradition et de les poursuivre eux-mêmes selon une procédure conforme à leur législation.

27.       S'agissant du continent américain, il y aurait lieu de citer la Convention pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions internationales, adoptée par l'Organisation des Etats américains (OEA) le 2 février 1971. Cette Convention prévoit d'extrader les personnes soupçonnées d'avoir commis une quelconque des infractions énumérées à l'article 2, infractions qui aux fins de l'extradition, sont considérées comme des crimes de droit commun [9]. Toutefois l'article 6 de la Convention dispose ce qui suit :

"Aucune des dispositions de la présente Convention ne doit être interprétée comme portant atteinte au droit d'asile."

28.       On trouve également une disposition mentionnant le droit d'asile à propos précisément de l'extradition dans le projet de convention interaméricaine sur l'extradition que le Comité juridique interaméricain de l'OEA a approuvé le 1er février 1977. L'article 13 de ce projet prévoit que :

"Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme limitant le droit d'asile, lorsque celui-ci est applicable[10] 10/."

ii)         Accords bilatéraux d'extradition

29.       Un certain nombre d'accords bilatéraux d'extradition conclus en Europe et ailleurs contiennent des dispositions conçues sur le modèle de l'article 3 de la Convention européenne d'extradition cité plus haut [11]. On peut également mentionner l'Accord d'extradition du 25 février 1975 entre l'Autriche et la Hongrie et l'Accord d'extradition du 27 février 1978 entre l'Autriche et la Pologne qui contiennent, tous deux, des dispositions [12] excluant l'extradition si la personne que l'on cherche à faire extrader bénéficie de l'asile dans le territoire de l'Etat requis.

iii)        Constitutions nationales et lois ordinaires [13]

30.          Les dispositions relatives à l'asile contenues dans les constitutions d'un certain nombre de pays pourraient être interprétés comme excluant l'extradition des personnes remplissant les conditions requises pour bénéficier de l'asile. L'extradition de réfugiés et de personnes auxquelles l'asile a été accordé est plus ou moins expressément interdite par les constitutions des Etats suivants Algérie[14] 14/, Egypte [15], Emirats arabes unis [16], Jordanie [17], Libye[18] 18/, République arabe du Yémen[19] 19/, Soudan [20], Syrie [21], Tunisie [22].

31.          S'agissant des lois ordinaires, on peut mentionner les dispositions législatives de divers pays du Commonwealth concernant l'extradition des délinquants en fuite. Le Plan relatif à l'extradition des délinquants en fuite adopté par la réunion des Ministres de la justice du Commonwealth en 1966 contenait une disposition type qui excluait l'extradition vers d'autres pays du Commonwealth des délinquants en fuite se trouvant dans la situation de réfugiés

"9.           1) Le refoulement d'un délinquant en fuite sera exclu par la loi si l'autorité judiciaire ou administrative compétente a la conviction que l'infraction est une infraction de caractère politique.

2)            Le refoulement d'un délinquant en fuite sera exclu par la loi si l'autorité judiciaire ou administrative compétente est convaincue

a)            que la demande de refoulement, censée avoir été motivée par une infraction passible de refoulement a, en fait, été présentée aux fins de poursuivre ou de punir le délinquant en question un raison de sa race, de la religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques; ou

b)            que celui-ci risque d'être jugé de façon partiale, ou qu'il risque d'être puni ou détenu ou que sa liberté personnelle risque d'être limitée en raison de sa race, de sa religion ou de sa nationalité ou de ses opinions politiques [23]."

32.          Un certain nombre de pays du Commonwealth ont introduit dans leur législation des dispositions de ce genre tant en ce qui concerne le refoulement des personnes en fuite vers des pays du Commonwealth que l'extradition de ces personnes vers des pays n'appartenant pas au Commonwealth [24].

33.          Il faudrait aussi citer la loi relative à l'extradition adoptée par l'Autriche le 4 décembre 1979; cette loi exclut expressément l'extradition si la personne dont on demande l'extradition est exposée, dans l'Etat requérant, à des persécutions on raison de son origine, de sa race, de sa religion, de son appartenance à un groupe ethnique ou social particulier, de sa nationalité ou de ses opinions politiques [25].

Conclusions

34.          Il ressort de ce qui précède que

a)            La demande d'extradition d'un réfugié soulève des problèmes particuliers si l'Etat requérant est un Etat dans lequel ledit réfugié peut avoir des raisons de craindre d'être persécuté.

b)            Les principes traditionnellement énoncés dans la législation sur l'extradition, à savoir le principe de la non-extradition pour délit politique, le principe de la double qualification et le principe de spécialité n'offrent pas en eux-mêmes au réfugié une protection suffisante contre l'extradition vers un pays où ledit réfugié peut avoir des raisons de craindre d'être persécuté;

c)             Une demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun peut, sous certaines conditions, indiquer que la personne dont on demande l'extradition n'est pas un réfugié de bonne foi ou ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du statut de réfugié;

d)            Toutefois, lorsque les faits en cause ne conduisent pas à cette conclusion, le réfugié devrait avoir la garantie absolue qu'il ne sera pas extradé vers un pays où il a des raisons de craindre d'être persécuté, en vertu du principe généralement accepté du non-refoulement;

e)            Au cours des dernières années, l'applicabilité du principe du non-refoulement en matière d'extradition a été reconnue dans un nombre croissant de traités multilatéraux et bilatéraux relatifs à l'extradition ainsi que dans la constitution et les lois ordinaires d'un nombre de plus en plus grand d'Etats,

f)              Il est souhaitable qui les Etats qui sont déjà liés par des traités d'extradition fassent en sorte que ces traités soient appliqués compte dûment tenu du principe du non-refoulement;

g)            Compte tenu de l'évolution dont il a été rendu compte à l'alinéa e), il est souhaitable de donner désormais pleinement effet au principe du non-refoulement dans tous les traités relatifs à l'extradition et, selon que de besoin, dans la législation nationale sur la question;

h)            Lorsqu'une demande d'extradition d'un réfugié est adressée à un Etat dans lequel le réfugié se trouve à titre purement temporaire, et que l'Etat dans lequel ce réfugié réside habituellement à déjà refusé l'extradition, on devrait tout mettre en oeuvre pour hâter la procédure judiciaire et pour réduire autant que possible la période de détention du réfugié. Un outre, lors de l'examen de la demande d'extradition, on devrait tenir dûment compte du fait que la personne dont l'extradition est demandée s'est vu accorder le statut de réfugié par les autorités de l'Etat dans lequel elle réside habituellement.



[1] Non souligné dans le texte. Voir également :

- la résolution 10 (I) relative à la question des réfugiés qui a été adoptée par l'Assemblée générale le 12 février 1946

"Aucun réfugié ou personne déplacée qui, en toute liberté aura finalement définitivement, et après avoir eu pleinement connaissance de la Situation et des renseignements fournis par le gouvernement de son pays d'origine, fait valoir des raisons satisfaisantes pour ne pas retourner dans son pays ... ne sera contraint de retourner dans son pays d'origine". (Non souligné dans le texte)

- Le paragraphe 1 de l'article 3 de la Déclaration de l'ONU de 1967 sur l'asile territorial :

"Aucune personne visée au paragraphe 1 de l'article premier ne sera soumise à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière ou, si elle est déjà entrée dans le territoire où elle cherchait asile, l'expulsion ou le refoulement vers tout Mat où elle risque d'être victime de persécutions". (Non souligné dans le texte)

- L'article II (3) de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique :

"Nul ne peut être soumis par un Etat Membre à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière, la refoulement ou l'expulsion, qui l'obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire A sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour les raisons énumérées à l'article premier paragraphes 1 et 2".

[2] Cour d'appel de Bruxelles, arrêt du 31 août 1962.

[3] Arrêt du 24 mai 1950, OS 31/58/12.

[4] Avis de la Chambre d'accusation de Paris du 20 décembre 1578; cf. également la déclaration prononcée par le Ministre de la justice de la France le 5 décembre 1977. Débats parlementaires, Sénat, 1577, P. 5523.

[5] Elaboré par un groupe d'experts non gouvernementaux, qui s'était réuni à Bellagio et Genève en 1971 et 1972.

[6] La Convention est entrée en vigueur le 27 janvier 1980.

[7] A/CONF.78/C.1/L.105. Toutefois, là Conférence n'a pu, faute de temps, examiner cet amendement.

[8] Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, Tokyo, 14 septembre 1963 (article 16); Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, La Haye, 16 décembre 1970 (article 7); Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, Montréal, 23 septembre 1971 (article 7); Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, Heu York, 14 décembre 1973 (article 7).

[9] Enlèvement, meurtre et autres atteintes à la vie ou à l'intégrité physique des personnes auxquelles l'Etat est tenu d'accorder une protection spéciale en vertu du droit international, ainsi que l'extorsion commise à l'occasion de ces, crimes.

[10] Traduction officieuse de l'espagnol.

[11] Accord d'extradition du 17 janvier 1958 entre la Belgique et la République fédérale d'Allemagne, article 3; Accord d'extradition du 22 septembre 1958 entre l'Autriche et la République fédérale d'Allemagne, article 3; Convention d'extradition du 31 décembre 1958 entre Israël et la Suisse, article 5; Convention d'extradition du 10 décembre 1961 entre l'Autriche et Israël, article 4; Accord d'extradition du 10 septembre 1963 entre Israël et la Suède; article 7; Accord d'extradition du 19 juillet 1966 entre la République fédérale d'Allemagne et la Tunisie, article 3; Accord d'extradition du 10 mars 1967 entre le Canada et Israël, article Accord d'extradition du 11 mai 1967 entre l'Autriche et le Canada, article 4.

[12] Article 3 2) et article 4 2) respectivement.

[13] Les dispositions constitutionnelles et législatives citées dans la présente section visent à donner un aperçu de la pratique des Etats; elles ne constituent pas nécessairement une liste exhaustive.

[14] Constitution de 1976 (article 70).

[15] Constitution de 1971 (article 53).

[16] Constitution provisoire de 1971 (article 38).

[17] Constitution de 1952 (article 21).

[18] Constitution de 1969 (article 11).

[19] Constitution de 1970 (article 31).

[20] Constitution de 1973 (article 44).

[21] Constitution de 1973 (article 34).

[22] Constitution de 1959 (article 17).

[23] CMMD 3008.

[24] A savoir, l'Australie : Extradition (Foreign States) Act de 1966 (No 76 de 1966). Extradition (Commonwealth Countries) Act de 1966 (Ho 75 de 1966); Barbade : Extradition Act de 1979 (No 21 de 1979); Kenya : Extradition (Commonwealth Countries) Act de 1968 (No 65 de 1968); Lesotho :'Fugitive Offenders Act (No 38 de 1967); Royaume-Uni : Fugitive Offenders Act de 1967 (Chapitre 68); Seychelles : Extradition (Commonwealth Countries) Act de 1979 (No 3 de 1979); Singapour : Extradition Act de 1968 (No 14 de 1968); Zambie : Extradition Act de 1968 (No 47 de 1968).

[25] Auslieferungs und Rechtshilfegesetz du 4 septembre 1979, Bundesgesetzblatt No 529 de 1979.

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