Sondage au Cameroun : les réfugiés nigérians veulent rentrer chez eux
Durant l'enquête du HCR menée dans les camps de Minawao au Cameroun, les personnes interrogées ont exprimé leur inquiétude sur les conditions dans leurs villes et villages de retour.
YAOUNDÉ, Cameroun, 13 mai (HCR) - Plus des trois quarts (76 pour cent) des dizaines de milliers de réfugiés nigérians qui se trouvent au nord du Cameroun veulent rentrer chez eux car la situation sécuritaire s’améliore dans les régions du nord-est du Nigéria, annonce une enquête menée par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Toutefois, selon cette enquête menée en début de mois dans le camp de Minawao au Cameroun, les personnes voulant rentrer demeurent préoccupées par les conditions dans leurs villes et villages d'origine. Alors que 45 pour cent d'entre elles souhaitent rentrer immédiatement, 38 pour cent veulent attendre et voir comment évolue la situation sécuritaire.
Le HCR partage ces préoccupations et souligne que tous les retours doivent être volontaires. Par ailleurs, les personnes ne devraient pas être renvoyées dans des zones d'insécurité et de destruction à grande échelle où leur vie serait plus difficile et menacée. Parallèlement, le HCR exhorte les gouvernements à maintenir leurs portes ouvertes pour le retour des personnes ayant fui le conflit.
Le personnel du HCR a interviewé 7939 parmi les 56 783 réfugiés du camp de Minawao, soit 14 pour cent. On compte près de 65 000 réfugiés nigérians au Cameroun. Plus de la moitié étaient des femmes (54 pour cent), ce qui reflète la composition démographique du camp. Environ la moitié de la population réfugiée est âgée de 35 ans ou plus. Environ 44 pour cent ont expliqué avoir accès à l'information au sujet de leurs régions d'origine par téléphone, en discutant avec les nouveaux arrivants, la famille et les amis, via les médias et l'Internet.
Les personnes qui souhaitent rentrer ont cité des préoccupations au sujet des conditions de vie, la fourniture de services essentiels et des dommages aux habitations et aux infrastructures, y compris les écoles et les centres de santé. Lucas est arrivé à Minawao en août 2014, après avoir fui Gwoza dans l'Etat de Borno au Nigéria. Il a expliqué qu'il rêve de retrouver des proches au Nigéria.
Selon lui, la plupart des réfugiés partagent ce désir, mais il a ajouté : « Nos villages ont été totalement détruits et la situation de sécurité demeure incertaine. Nous avons perdu tous nos biens et, si nous devons revenir, nous aurons besoin de soutien de la part de notre gouvernement pour recommencer une nouvelle vie. »
Lui et d'autres a appelé à des programmes de reconstruction, les programmes d'aide, des projets de subsistance et le déploiement des forces armées pour assurer la sécurité. Parmi ceux qui ne veulent revenir, 59 pour cent ont dit qu'ils avaient pas de ressources financières, tandis que 8 pour cent ont dit qu'ils avaient rien à retourner.
Le Président du Nigéria, Muhammadou Buhari, et le Président du Cameroun, Paul Biya, se sont réunis la semaine dernière à Abouja pour discuter du retour des réfugiés nigérians selon un accord tripartite avec le HCR. Ils ont convenu que celui-ci devrait être convenu pour juillet et visera à établir un cadre pour le retour des réfugiés.
Les retours depuis le Cameroun ont été une question sensible dans le passé, car le HCR ne pouvait pas accéder à plus de 20 000 personnes renvoyées au Nigéria depuis 2015 depuis la région militarisée du lac Tchad, afin d’assurer qu'elles rentraient volontairement.
Selon le HCR, les retours doivent être volontaires et les deux gouvernements devraient tenir compte des préoccupations des réfugiés et des personnes déplacées internes. Le HCR demeure prêt à travailler en étroite collaboration avec les deux pays afin de garantir les droits des réfugiés pour un retour volontaire dans la sécurité et la dignité ainsi qu’accélérer les programmes de réinsertion.
Durant l'année écoulée, les gouvernements du Nigéria et du Cameroun ont repoussé les insurgés de Boko Haram dans le nord-est du Nigéria et le nord du Cameroun, apportant une plus grande sécurité dans certaines régions. Toutefois l'insurrection demeure une menace majeure pour la paix dans la région.
Le conflit a déjà contraint plus de 200 000 personnes à fuir au Cameroun, au Tchad et au Niger suite à des attaques menées contre leurs villages dans les Etats de Borno, Adamawa et Yobe au Nigéria. Depuis 2014, le conflit s’est propagé au Cameroun, où quelque 170 000 Camerounais sont devenus des déplacés internes dans le nord de ce pays.