Des enfants nigérians témoignent de leur enlèvement par Boko Haram
Au nord du Nigéria, les enfants continuent de payer un lourd tribut à la violence commise par le groupe militant.
REGION DE L'EXTREME-NORD, Cameroun, 14 avril (HCR) - Paul et son jeune frère Adam ont résisté de toutes leurs forces, quand plusieurs hommes armés de la secte Boko Haram ont fait irruption à leur domicile au milieu d'un village situé dans l'Etat de Borno au Nigéria. Ils ont fini par être traînés hors de la maison.
« Ils ont fini par nous soulever et ils nous ont jetés dans une voiture. Puis ils nous ont menottés et nous sommes restés comme ça durant une journée », se souvient Paul qui témoigne depuis le camp de Minawao, dans la région de l'Extrême-Nord au Cameroun où il est désormais un réfugié avec son frère et sa mère. « Notre enlèvement est survenu il y a près de trois ans, mais c'est comme si c'était hier », ajoute-t-il.
Les deux garçons étaient toujours menottés sur la banquette arrière, quand la voiture s'est dirigée vers la forêt de Sambisa, l'un des bastions de Boko Haram bordant le Cameroun. Les ravisseurs ont rapidement demandé à la famille une rançon de 20 millions de nairas (soit 100 000 dollars) pour la libération de Paul et Adam, alors âgés de 14 et 12 ans, sans quoi ils seraient tués.
Dans la forêt, les frères, qui sont chrétiens, ont été forcés de se convertir à l'Islam. Paul se souvient que ses ravisseurs criaient sans cesse : « Nous allons vous couper la gorge si vous ne vous convertissez pas. »
Le deuxième jour de leur captivité, les garçons ont été contraints de rester debout contre un mur de boue. Des militants de Boko Haram pointaient leurs Kalachnikovs sur le dos et menaçaient à nouveau de les tuer. « Ensuite, ils nous ont traînés vers un puits où je pensais qu'ils allaient nous jeter, mais ils voulaient juste nous faire peur... Ils nous ont finalement ramenés sous l'arbre où nous avions dormi la nuit précédente », se souvient Paul.
Sans aucune couverture pour se tenir au chaud durant la nuit, avec peu de nourriture pendant plusieurs jours et des menaces constantes d'exécution, les deux garçons ne cessaient de penser qu'ils allaient mourir. « Nous avons beaucoup pleuré. Nous avions froid. Nous pensions à quel point notre maison et notre mère nous manquaient », explique Paul.
Les deux garçons ont été informés qu'ils seraient entraînés à devenir des combattants - ce à quoi ils ont en réalité échappé. Ceci car, à leur insu, des négociations étaient menées entre l'oncle des garçons et l'un des leaders de Boko Haram dans l'Etat de Borno. Ils ont finalement été libérés après sept jours terrifiants.
Des centaines, voire des milliers d'enfants, ont été enlevés au Nigéria depuis 2013, lorsque Boko Haram a intensifié ses activités insurrectionnelles. L'enlèvement spectaculaire de 276 jeunes filles à Chibok, dans l'Etat de Borno, le 14 avril 2014 avait fait la une des journaux à travers le monde et avait généré un engagement sans précédent dans les médias sociaux (voir #Bringbackourgirls). Environ 50 de ces jeunes filles avaient réussi à s'échapper dans les heures et les jours qui avaient suivi l'enlèvement brutal. Toutefois le sort de dizaines d'autres demeure inconnu.
Des enlèvements de jeunes filles et de jeunes garçons avaient commencé et se produisaient régulièrement bien avant cet incident largement relayé dans la presse. Au nord-est du Nigéria, des écoles et des dortoirs ont été régulièrement attaqués par des hommes armés. De jeunes garçons ont été enlevés à des fins de recrutement dans les rangs de la secte, tandis que les jeunes filles enlevées sont exposées au mariage forcé, à l'exploitation sexuelle et à diverses formes d'abus.
Certaines familles ont rejoint la sécurité dans des pays voisins, en tant que mesure préventive. Toutefois, des enlèvements d'enfants ont également été signalés au Cameroun, au Tchad et au Niger. L'année dernière, des jeunes filles ont également été de plus en plus utilisées pour mener des attaques suicides.
« Etre enlevé ou être victime de violence sont des événements menaçant la vie qui déclenchent de profonds sentiments d'anxiété et de détresse. Cette tragédie a un impact fort sur la sphère émotionnelle d'un enfant », indique Caroline Schmidt, fonctionnaire du HCR, basée à Dakar, en charge de l'éducation pour la région de l'Afrique de l'Ouest et la situation au Nigéria.
Dans les camps de réfugiés en Afrique centrale et de l'Ouest, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires apportent un soutien aux jeunes garçons et aux jeunes filles qui ont été victimes de violence ou d'abus, qui ont souffert quand ils se sont enfuis ou qui ont été séparés de leurs familles.
Ils reçoivent une assistance spécifique, y compris une aide psycho-sociale et l'accès à des espaces adaptés pour les enfants. Le HCR forme et apporte un appui aux enseignants afin que les écoles soient des espaces sûrs et protecteurs où ils puissent également retrouver un sentiment de normalité.
Il est à espérer qu'un environnement sûr, comme ceux fournis par les écoles dans les camps de réfugiés et les communautés d'accueil permettra aux enfants et aux jeunes d'avoir un regard positif sur l'avenir.
« Nous sommes désormais des réfugiés au Cameroun et nous nous sentons davantage en sécurité. Le Nigéria, mon village et mes amis me manquent », déclare Paul, en évoquant l'insécurité persistante dans son pays natal. « Mais j'ai toujours peur d'aller là-bas et de rencontrer peut-être les hommes qui m'ont enlevé. »
Hélène Caux, dans la région de l'Extrême-Nord au Cameroun