Hausse des déplacements depuis le Soudan du Sud : la pénurie de fonds s'aggrave
Les opérations de secours dans les pays accueillant des réfugiés sud-soudanais sont mises à rude épreuve et demeurent gravement sous-financées, alors que la population réfugiée dépassera bientôt un million.
ADJUMANI, Ouganda - Lorsque des hommes armés ont fait irruption dans son village au Soudan du Sud, tirant à l’aveugle et harcelant les habitants, Regina et son fils handicapé ont couru pour fuir et sauver leur vie.
« Ils sont venus chez moi et m'ont dit qu'ils me tueraient si je ne leur donnais pas ce que nous avions », explique Regina. « Il nous a fallu quatre jours pour rejoindre l’Ouganda à travers la brousse et sans nourriture. »
Regina, âgée de 58 ans, fait partie de plus de 100 000 Sud-Soudanais ayant fui vers les pays voisins, notamment l'Ouganda et le Soudan, depuis l’éruption des combats dans la capitale Juba début juillet puis leur propagation rapide vers d’autres parties du pays auparavant en paix.
La récente flambée de violence semble avoir fait pencher la balance contre une solution politique imminente du conflit au Soudan du Sud, ce qui prolonge la crise des réfugiés, a prévenu le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Le Soudan du Sud avait fêté ses cinq ans d’indépendance en juillet. Du fait de l’aggravation de la crise dans la plus jeune nation du monde, la population réfugiée atteindra un million d’ici quelques semaines - si les tendances actuelles de déplacement se poursuivent. Ce serait une pression supplémentaire sur les pays accueillant des réfugiés, où les opérations sont gravement sous-financées.
« Selon de nombreuses informations concordantes, la situation dans le pays est désormais caractérisée par des affrontements armés sporadiques, des violations des droits de l'homme, y compris des tendances croissantes de violences sexuelles et sexistes commises par des responsables en uniforme, et une aggravation de l'insécurité alimentaire. Ceci inflige des souffrances indicibles aux civils », a déclaré le porte-parole du HCR Adrian Edwards lors d’un point de presse aujourd'hui à Genève (12 août).
Adrian Edwards a souligné que les conditions de sécurité demeurent imprévisibles, avec de nouveaux affrontements signalés dans le Centre- et l'Ouest-Equatoria, à Bahr el Ghazal occidental, dans l’Etat du Nil supérieur et certaines régions de l'Etat d’Unity. La situation est aggravée par une crise économique et une inflation sans précédent de 600 pour cent au cours de l'année écoulée.
« Malheureusement, les flux de réfugiés vers les pays voisins ont continué, avec quelque 200 000 personnes ayant fui de nouvelles violences survenant dans des zones auparavant stables comme les Etats d’Equatoria et de Grand Bahr-el-Ghazal », a-t-il déclaré.
L'Ouganda et le Soudan ont accueilli respectivement en 2016 environ 110 000 et 100 000 nouveaux arrivants, ce qui représente au total plus de 90 pour cent des 229 000 nouveaux arrivants enregistrés cette année.
La plupart des 100 000 personnes ayant fui vers le Soudan sont arrivées dans la première moitié de l'année. Elles ont été chassées par les combats dans des zones auparavant stables dans l'État de Bahr al Ghazal, ainsi que par l’aggravation de la situation d'insécurité alimentaire. Cette population s’ajoute à 1,61 million de personnes qui demeurent déplacées à l'intérieur du Soudan du Sud.
D'autre part, l’Ouganda a reçu plus de 75 000 réfugiés depuis l’éruption du conflit en juillet, lorsque le taux d'arrivée a culminé à plus de 8000 en une seule journée. Selon les témoignages de nouveaux arrivants – dont 90 pour cent sont des femmes et des enfants, originaires pour la plupart de Juba et d'autres parties de l’Etat du centre-Equatoria – font référence à l’effondrement du maintien de l’ordre dans leurs régions d'origine.
Ils citent la violence endémique, y compris des meurtres et des affrontements entre les forces gouvernementales et des groupes armés. Les groupes armés enlèveraient également des enfants et agresseraient sexuellement des femmes. Certains des arrivants en Ouganda signalent également des groupes armés qui volent des civils et leur extorquent de l'argent, ce qui les empêche de quitter le Soudan du Sud.
« Nous avons essayé d'aller en Ouganda, mais des groupes rodaient sur la route pour voler l'argent des gens. Nous leur avons donné notre argent et ils nous ont laissé traverser la frontière », explique Jokino, 50 ans, un réfugié récemment arrivé au camp d’Adjumani après avoir fui Juba. « Je suis inquiet que... la paix ne soit pas rétablie au Soudan [du Sud] avant longtemps. »
NIVEAU CRITIQUE DE LA PENURIE DE FONDS
Face aux besoins désespérés de la population réfugiée sud-soudanaise s’élevant désormais à 930 000 personnes et à la hausse quotidienne du nombre d’arrivants, le HCR est confronté à un niveau critique de pénurie de fonds.
« Le HCR est extrêmement inquiet de la hausse du nombre de réfugiés sud-soudanais, car les fonds pour répondre aux besoins essentiels s’épuisent », a déclaré Adrian Edwards aux journalistes au Palais des Nations.
Avec 122 millions de dollars reçus, ce qui représente 20 pour cent de la somme de 608,8 millions de dollars nécessaire au HCR pour l’aide aux réfugiés au Soudan du Sud et dans les six pays d'asile, de nombreuses activités ont été suspendues en faveur d'une assistance essentielle de survie pour les nouveaux arrivants.
Les régions les plus touchées sont des régions reculées en Ouganda, au Soudan, en République démocratique du Congo et en République centrafricaine où le HCR ne disposait précédemment d’aucune présence. L'Ethiopie et le Soudan, qui ont été le théâtre d’afflux massifs, sont également durement touchés.
Le HCR fait appel à la communauté internationale pour aider les pays d'asile afin de protéger et d’aider les réfugiés sud-soudanais dans le besoin.
« La pénurie de financement désavantagera encore davantage les femmes, les enfants et les hommes ayant besoin d'un soutien d'urgence continu pour surmonter le traumatisme du déplacement forcé ainsi que retrouver le chemin de l'autonomie et de la dignité humaine », a déclaré Adrian Edwards.
« L'incapacité de fournir aux réfugiés de la nourriture, des logements, les services essentiels, l'assistance psychosociale, l'éducation et des moyens d’existence les condamnera à une vulnérabilité prolongée », a-t-il ajouté.
Pour répondre aux besoins urgents des réfugiés nouvellement arrivés, le gouvernement de l'Ouganda a ouvert une nouvelle installation dans le nord-ouest du pays à Yumbe, dont la capacité initiale d’accueil est de plus de 100 000 personnes. Des fonds sont nécessaires de toute urgence pour accélérer les transferts de plus de 45 000 réfugiés depuis des centres d'accueil et de transit surchargés et gravement congestionnés.
Adrian Edwards a souligné qu’avec cette densité de résidents, le potentiel d'une épidémie de la maladie est élevé. Les équipes du HCR suivent la situation de près, mais elles ont besoin de ressources supplémentaires pour répondre efficacement.
Un nombre élevé de réfugiés créée également une charge disproportionnée sur les services de santé et d'éducation. Le développement de l’installation de Maaji III, qui a été établie plus tôt cette année, a été mis en attente, ce qui la laisse sans infrastructure ni services essentiels clés. Les services médicaux sont assurés dans des tentes.
A Adjumani, l'eau potable est acheminée par camion, à un coût prohibitif, jusqu'à ce que les ressources deviennent disponibles pour forer plusieurs puits et étendre les systèmes de distribution d'eau pour atteindre de nouvelles installations.
Dans le même temps, le développement des installations nouvellement établies dans les districts d’Adjumani et de Yumbe exigera des investissements supplémentaires importants. Les pluies torrentielles entravent les efforts de secours, ce qui ralentit les efforts de réinstallation et rend nécessaires des réparations routières immédiates.