Des enfants sud-soudanais réfugiés arrivent seuls en RCA
Les enfants sud-soudanais arrivant seuls en quête de sécurité en République centrafricaine se heurtent à des obstacles dans des villages sans eau potable, ni dispensaire, ni école.
BAMBOUTI, République centrafricaine, 9 juin (HCR) – Chez eux, au Soudan du Sud, des prêtres aidaient Semo et Seto Abu, des jumeaux handicapés âgés de 10 ans qui ont du mal à marcher et à prendre soin d’eux. La guerre civile a toutefois dévasté leur village, les obligeant à fuir vers la République centrafricaine (RCA), où ils se trouvent dans une situation désespérée.
« Des gens armés ont attaqué mon village à Source Yubu en novembre. Nous avons fui et passé plusieurs jours sur la route, avant d’arriver enfin ici, où un ami de la famille nous a accueillis », explique Semo. Les frères ont abouti à Bambouti, un petit groupe de villages dans l’est de la RCA, où résident aujourd’hui plus de 10 000 réfugiés sud-soudanais.
Leur père est décédé l’année dernière d’une morsure de serpent alors qu’il travaillait dans ses champs. L’Armée de résistance du Seigneur, une milice qui terrorise des régions entières au Soudan du Sud, a kidnappé leur mère trois ans plus tôt lors d’une précédente vague de violence.
Ici, à Bambouti, les jumeaux ont eu la chance de tomber sur Jules Sabu, un vieil ami de ses parents, qui les a accueillis dans son modeste abri de réfugié et qui s’occupe d’eux, en plus de ses sept enfants.
« Au Soudan du Sud, des prêtres nous aidaient ; ils nous avaient envoyés à l’école et nous avaient donné des tricycles », dit Seto, manifestement bouleversé par le souvenir du fauteuil roulant spécialement adapté qu’il utilisait pour se déplacer. « J’aimerais pouvoir retourner à l’école. »
Toutefois, la dernière école à accueillir des élèves ici à Bambouti a été détruite pendant la guerre civile en République centrafricaine en 2002. De même, il n’y a pas de médecins ou de structures de soins, pas de marchés importants, très peu d’eau potable, presque aucune représentation du gouvernement ou des organisations humanitaires et pas de tricycles pour les jumeaux.
La population ici était peut-être de 950 personnes. La multiplication par dix du nombre de résidants depuis l’arrivée des réfugiés pèse très lourdement sur les ressources locales ; les enfants vulnérables comme Semo et Seto sont les plus touchés.
Parallèlement, un appel de fonds lancé conjointement par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires pour l’amélioration de la situation des réfugiés sud-soudanais dans l’est et le centre de l’Afrique est financé seulement à hauteur de 17 %.
« La présence de plusieurs mineurs non accompagnés parmi les réfugiés à Bambouti suscite une vive inquiétude », dit Lazare Kouassi Etien, le Représentant du HCR en RCA.
« Nous avons veillé à ce qu’ils fassent l’objet d’une attention spéciale. À partir de mi‑juin, nous enregistrerons et recenserons ces réfugiés de façon plus complète et nous déterminerons les familles de Bambouti qui peuvent les accueillir. Nous travaillerons au regroupement des familles, dès que les conditions de sécurité se seront améliorées au Soudan du Sud. »
La principale guerre civile du Soudan du Sud a éclaté en décembre 2013 et s’est conclue par un accord de paix en août 2015. Cependant, elle a engendré une série de conflits à petite échelle qui continuent aujourd’hui, comme celui dans l’Etat de l’Ouest-Equateur qui a fait fuir les réfugiés à Bambouti.
Lors d’une mission d’évaluation rapide à Bambouti en mai, le personnel du HRC s’est entretenu avec 10 enfants non accompagnés ou vulnérables parmi la population de réfugiés. Le recensement plus complet qui aura lieu en juin permettra peut‑être au HCR de découvrir d’autres enfants seuls et vulnérables.
Les frères Wenya, 10 ans, et Essem, 12 ans, ont été séparés de leurs quatre frères et sœurs plus âgés lorsqu’ils ont fui les combats en novembre près de Source Yubu, où ils vivaient au Soudan du Sud. Leurs parents sont morts et, à Bambouti, c’est leur tante Antunta qui s’occupe d’eux. Par souci d’anonymat, la famille nous a demandé de changer leur nom.
« Le HCR nous a donné quelques articles ménagers comme des couvertures et des casseroles, ainsi que des bêches afin que nous puissions commencer à cultiver la terre pour nourrir les enfants, dit-elle. Ils ne peuvent plus aller à l’école et cela les embête beaucoup. »
Les organisations humanitaires luttent pour collecter des fonds afin de répondre aux besoins essentiels (eau, nourriture, abris et soins médicaux d’urgence) des 2,4 millions de Sud-Soudanais déracinés par le conflit et ses répercussions sur l’économie. Le HCR et ses partenaires ont lancé un appel de fonds pour aider les réfugiés du Soudan du Sud ; il leur reste à obtenir 83 pour cent du financement demandé (638 millions de dollars américains).
Dans la liste des priorités, le fait de permettre aux enfants d’aller à l’école vient juste après la couverture des besoins vitaux pour ces réfugiés. Toutefois, cela ne suffit pas pour Susan Aminisa, 10 ans, dont les parents sont morts dans les mêmes combats à Source Yubu qui ont obligé Wenya et Essem à s’enfuir en novembre. Elle est arrivée à Bambouti sous la protection de sa sœur aînée et de ses deux jeunes enfants.
La priorité de Susan est de retourner à l’école, même si elle manque de nourriture et d’eau potable chaque jour et si elle vit dans un abri de fortune. « J’aimerais que nous puissions continuer d’aller à l’école pour pouvoir subvenir à nos propres besoins plus tard, dit-elle. J’aimerais être institutrice pour pouvoir enseigner à d’autres enfants démunis. »