Journée de la femme : une ancienne chauffeuse de taxi kinoise gagne sa croûte en nourrissant réfugiés et travailleurs humanitaires
Chaque jour, Masika cuit 1 500 miches de pain pour les vendre, tandis que les travailleurs humanitaires et les réfugiés qui mangent dans son restaurant peuvent choisir de savoureux plats de viande ou de poisson.
CAMP DE SHERKOLE, Ethiopie, 6 mars (HCR) - Tous les matins, juste avant 4 heures, Masika Basemé-Jeanne éteint l'alarme de son réveil sur son téléphone portable. Elle adorerait continuer de rêver à son ancienne vie auprès de son mari et au volant de son taxi à Kinshasa, mais elle sait qu'il y a 1 500 miches de pain à faire cuire.
Cette Congolaise de 47 ans vit dans le camp de réfugiés de Sherkole, dans l'ouest de l'Ethiopie, où elle est arrivée il y a un peu plus de deux ans. Arrachée à une vie heureuse à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), elle s'est retrouvée avec sa famille dans la ville de Butembo, dans la province du Nord Kivu, en 2012.
Mais elle a dû fuir de nouveau en 2013 après l'assassinat de son mari, considéré comme un défenseur des droits de l'homme. Masika a poursuivi son chemin à travers l'Ouganda et le Kenya pour arriver à Sherkole, l'un des trois camps de réfugiés situés autour de la ville d'Assosa. Elle y vit avec sa mère et ses cinq enfants.
« Je voulais aller loin, très loin », dit-elle. « Mais quand je suis arrivée à Sherkole, je n'avais pas beaucoup d'argent pour moi et mes enfants. J'ai cherché du travail, postulé à des emplois mais j'ai compris que personne ne pourrait m'aider, alors j'ai créé mon petit restaurant », ajoute-t-elle, perchée sur un banc dans son restaurant.
Pendant ces premières semaines et mois, Masika luttait pour survivre. Elle gardait la moitié de sa ration de blé pour nourrir sa famille et vendait le reste pour acheter de la viande et des légumes pour préparer des plats qu'elle vendait sur un petit stand dans le camp. Avec le temps et l'expérience, elle a pris confiance en elle et a même pris des crédits auprès des bouchers locaux pour lancer son commerce naissant.
La première grande opportunité pour Masika a eu lieu il y a un an lorsque le Comité international de secours lui a demandé de fournir 150 repas à l'occasion de l'événement organisé pour célébrer la Journée internationale de la femme dans le camp. C'était la commande la plus importante jamais reçue, mais la journée a connu un grand succès et a conduit à des contrats avec le HCR et d'autres organisations, dans le cadre de projets générateurs de revenus.
La deuxième opportunité a eu lieu à la fin de l'année dernière lorsqu'un autre partenaire du HCR, le Conseil norvégien pour les réfugiés, a donné 6 000 birrs éthiopiens (environ 300 dollars E.-U.) à Masika et trois partenaires pour les aider à développer leur commerce. Avec cet argent, ils ont acheté des stocks de farine, d'huile et de levure et construit un four dans le style soudanais derrière un nouveau restaurant plus grand.
Tous les jours, elle cuit 1 500 petites miches de pain pour les vendre, un birr pièce, au restaurant, sur le marché local et dans le camp. Dans le restaurant, que Masika gère en famille, le menu est simple : boeuf, riz et haricots pour 20 birrs ou poisson, légumes et blé ugali (un féculent de base) pour 30 birrs. « Tout le monde aime » affirme-t-elle avec un grand sourire. Elle vend aussi des légumes sur un stand.
Les clients de Masika comprennent des employés des Nations Unies et des travailleurs humanitaires à la recherche d'un savoureux déjeuner après une dure matinée de travail ainsi que des réfugiés disposant de quelques revenus. Elle fait également crédit à certaines personnes, n'oubliant pas la gentillesse dont elle a bénéficié quand les temps étaient durs dans le camp de Sherkole.
Mais malgré la popularité de son restaurant, Masika admet qu'il est parfois difficile pour elle et ses partenaires de se maintenir à flot. Il lui arrive souvent de passer trois jours sans rien vendre et même un lundi de marché peut être décevant. Mais c'est une femme très déterminée.
« Nous nous en sortons, mais ce n'est pas facile », dit-elle. « Les moyens sont limités pour tout le monde dans les camps. J'espère que quelqu'un pourra ouvrir un centre de formation dans le camp pour que les jeunes puissent acquérir des compétences, comme ma fille qui tresse les cheveux », ajoute Masika tout en touillant un ragoût de viande en train de mijoter dans une casserole pour les clients du déjeuner.
Mallory Mroz, chef de l'équipe du HCR à Sherkole, a déclaré qu'à l'approche de la Journée internationale de la femme, « la persévérance et l'ambition de Masika est une inspiration pour nous tous ». Il a également fait remarquer que l'autosuffisance rendait leur dignité aux réfugiés et donnait aux communautés les moyens de reconstruire leur vie.
Travailler dur et aider les autres réussit à Masika. En plus de la gestion de son commerce et de la cuisine quotidienne, elle s'occupe de trois orphelins, âgés de trois, cinq et sept ans, tandis que leurs frères et soeurs plus âgés sont à Addis Ababa pour des raisons médicales.
Bien qu'elle se tire au mieux d'une situation difficile, Masika pense à l'avenir et rêve d' « une vie où [elle] et [sa] famille pourraient vivre ensemble dans une grande ville francophone ». Mais, pour le moment, ses rêves doivent s'arrêter chaque matin lorsque le bip digital familier de son alarme la réveille à l'aube d'un nouveau jour.
Par Andy Needham dans le camp de Sherkole, en Ethiopie