Des bourses allouées par le gouvernement allemand redonnent l'espoir et une éducation à de jeunes réfugiés

L'Allemagne offrira 1 700 bourses sur 4 ans à des étudiants syriens ; 1 000 de ces étudiants seront en Turquie, qui deviendra ainsi le pays abritant le plus grand nombre de boursiers DAFI.

Shehab, un boursier DAFI à l'Université de Hacettepe à Ankara, est assis devant une statue de Kemal Ataturk sur le campus  © HCR/N. Bose

ANKARA, Turquie, 4 avril (HCR) - Shehab, un étudiant syrien âgé de 22 ans, pose fièrement devant une statue de Kemal Ataturk, le fondateur de la Turquie moderne, à l'entrée de l'Université de Haceteppe, à Ankara.

Réfugié de la ville d'Alep, il est en deuxième année d'un diplôme de sciences de la santé et il bénéficie d'une bourse DAFI allouée par le gouvernement allemand.

Les bourses attribuées dans le cadre de l'Initiative académique allemande Albert-Einstein pour les réfugiés, connue sous l'acronyme allemand DAFI, sont financées par le gouvernement allemand. Lancé en 1992, le programme permet à de jeunes réfugiés d'étudier dans les universités, les collèges et les écoles polytechniques de leur pays d'accueil. Il y a 75 boursiers DAFI en Turquie, dont 70 Syriens.

La famille de Shebab vit toujours à Alep ; Shebab l'a vue pour la dernière fois en août 2014. « Mes parents m'ont beaucoup poussé à quitter Alep », dit-il. « J'ai dû choisir entre le danger et un lieu sûr où je pourrais étudier. »

« Mon frère est plus âgé que moi et il a fini son service militaire. Si je n'étais pas parti, j'aurais été obligé de faire mon service militaire aussi, car tant de soldats sont morts à la guerre. »

Internet lui permet de rester en contact avec sa famille, mais la connexion est parfois interrompue à cause de la guerre. « L'année dernière, ils ont bombardé le centre technologique d'Alep, et Internet n'a pas fonctionné pendant huit mois. Aujourd'hui, ça marche ».

Pour des raisons personnelles, Shehab se spécialise en kinésithérapie et en rééducation. Lorsqu'il avait 14 ans, la famille a eu un accident de voiture près d'Alep, et son père s'est cassé la jambe. « Je l'accompagnais au centre de rééducation et j'observais comment ils lui réapprenaient à marcher ».

Il a donc voulu faire des études de kinésithérapie, mais la matière n'était pas enseignée en Syrie.

La bourse DAFI, qui aide les réfugiés du monde entier à faire des études supérieures, lui a permis de faire ces études et il en est très heureux.

« La première année, mes parents me donnaient de l'argent, et je me sentais si coupable d'accepter leur argent en pleine guerre », dit-il. « Mon père est âgé maintenant et il ne travaille pas. Cette année, grâce à la bourse, je peux me concentrer sur mes études, et je ne m'inquiète plus pour l'argent. Ma famille est heureuse et soulagée. »

Au cours de l'année universitaire 2016-2017, l'Allemagne offrira un total de 1 700 bourses à des étudiants syriens au Moyen-Orient. Les bourses sont accordées pour une durée de 4 ans, et 1 000 boursiers seront en Turquie, qui deviendra ainsi le pays abritant le plus grand nombre de boursiers DAFI.

De gauche à droite : Dua, Raanya et Geyda, des étudiantes DAFI à l'Université de Harran, à Sanliurfa.  © HCR/N. Bose

Un autre boursier DAFI, Mahmoud, 20 ans, est en première année à l'Université d'Ankara ; il étudie pour être ingénieur. Sa famille est aussi d'Alep, mais elle a dû trouver refuge à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie. Elle a fui en raison des bombardements incessants, et aussi parce qu'elle aurait été forcée de combattre.

« J'ai toujours voulu faire des études d'ingénieur, mais ma famille voulait que je fasse médecine », dit-il.

Il rêve d'un avenir où le gaz naturel remplacera le pétrole. « J'ai entendu parler d'un nouveau projet où le gaz naturel fournira une énergie propre… Mon rêve est de participer à un tel projet. »

Il dit qu'il n'aurait pas pu financer ses études sans la bourse.

Dans le cadre pittoresque de l'Université de Harran, à Sanliurfa, dans le sud-est de la Turquie, Dua, Geyda et Raanya font des études d'administration, d'économie et d'ingénierie alimentaire respectivement.

Geyda, 20 ans, est en deuxième année d'économie. Sa famille est originaire de Hama. Le récit de sa fuite est touchant.

« J'attendais à l'extérieur de la maison lorsque les bombes ont commencé à pleuvoir », dit-elle. « J'ai sauté sur mon frère, qui n'avait que deux ans à l'époque, pour le sauver, mais je me suis fait mal au ventre et à la main. »

Sa blessure au ventre a nécessité 20 points de suture, et l'hôpital où elle était soignée a aussi été bombardé ; les derniers points ont été faits dans la rue. « Nous sommes partis dès que nous avons pu. »

La famille est arrivée en Turquie il y a trois ans. Elle vit maintenant dans le camp de Harran. Geyda est l'aînée de cinq enfants.

Au début, elle devait faire l'aller-retour du camp à l'université, un trajet d'une heure et demie ; elle était souvent en retard. Grâce à la bourse, elle partage maintenant un appartement à 15 minutes du campus, et elle retourne dans sa famille le week-end.

Elle espère travailler dans une banque ou dans une société comme comptable, de préférence à Ankara.

« C'est une belle ville et c'est la capitale. Nous avons de la famille qui y habite, et il y a des postes. »

Raanya, 19 ans, est arrivée en Turquie avec sa famille il y a trois ans, en provenance de Deir al-Zour, dans l'est de la Syrie. Elle vit avec elle à Sanliurfa.

Mahmoud, un boursier DAFI à l'Université d'Ankara.  © HCR/N. Bose

Raanya prépare un diplôme d'ingénieur alimentaire. Elle est en première année. « Je veux pouvoir retourner en Syrie lorsque j'aurai mon diplôme et je veux travailler comme professionnelle dans les domaines de l'alimentation et de la nutrition », dit-elle. « Je veux pouvoir contribuer à la nutrition et à la santé de mon pays en travaillant comme ingénieur alimentaire dans un atelier. »

La bourse DAFI lui a permis de réaliser son rêve. « Sans la bourse, ma famille n'aurait pas pu me faire faire des études », dit-elle.

Dua, 18 ans, est originaire d'Alep. Elle vit aussi avec sa famille à Sanliurfa. Elle est en première année d'administration. La matière n'est pas enseignée en Syrie, et elle l'a découverte sur Internet.

La bourse lui a permis d'acheter des livres et d'imaginer un avenir : « Je rêve d'une société où règne l'égalité des droits et des chances pour tous », dit-elle.

Elle espère pouvoir retourner en Syrie et travailler dans une administration pour aider à créer la société qu'elle imagine.

Yousef est de Damas et il étudie en génie de l'environnement à l'Université technique du Moyen-Orient (METU), à Ankara, l'une des meilleures universités de Turquie. Il est en première année.

« J'ai beaucoup, beaucoup de chance », dit l'étudiant de 25 ans. « Je suis si fier d'être ici. Étudier à la METU est la meilleure chose qui ait pu m'arriver. »

« Je me sens en sécurité et je suis reconnaissant de pouvoir bénéficier de la bourse. Aller à l'université ouvre tant de portes et permet de travailler dans beaucoup de secteurs différents plus tard. »

« Je pourrais devenir ingénieur, chercheur et même militant politique. Il y a tant de possibilités, et ces quatre années détermineront ce que je deviendrai. »

Comme la famille de Shehab, sa famille (ses parents et deux frères) vit toujours en Syrie. Yousef l'a vue pour la dernière fois il y a trois ans, même s'ils communiquent par Skype.

« La situation est difficile, et tout ce que ma famille souhaite est la fin de la guerre. Nos villes syriennes sont devenues des champs de bataille, et il est très difficile de savoir sa famille dans une telle situation », dit-il.

« Vous voyez le pays tout entier s'écrouler, vous voyez votre peuple marcher jusqu'en Europe. »

Les bourses DAFI donnent de l'espoir à ces jeunes gens ; elles les protègent de la réalité de la guerre et leur permettent de faire des études qui leur seraient refusées sinon.

« Aucune guerre ne dure éternellement », dit Shehab. « Je veux ouvrir ma propre clinique à Alep lorsque j'obtiendrai mon diplôme. C'est mon plus grand rêve. »

Par Nayana Bose à Ankara et à Sanliurfa, en Turquie