Le ramadan focalise l'attention sur le désespoir de millions de Syriens
La spirale de la pauvreté et de l'endettement parmi les réfugiés et la pénurie de vivres en Syrie font qu'il est encore plus difficile de nourrir la famille en ce mois sacré.
AMMAN, 7 juin (HCR) – Pour Abou Ahmad, le ramadan a connu un début chaotique cette année. Juste au moment où l’homme de 44 ans, originaire de Homs, et sa famille allaient rompre leur premier jour de jeûne en prenant le traditionnel iftar dans leur petit appartement d’Amman, la capitale jordanienne, ils se sont retrouvés sans gaz pour cuisinier.
« Ce mois-ci, je suis endetté jusqu’au cou, et je n’avais même pas les sept dinars (10 dollars américains) pour acheter une nouvelle bouteille de gaz. J’ai dû emprunter de l’argent à mes voisins jordaniens pour que nous puissions manger », dit‑il au HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Abu Ahmad explique que le ramadan était un moment agréable en Syrie : les membres de la famille élargie arrivaient ensemble pour la prière du soir et, après avoir rompu le jeûne, restaient longtemps dans les parcs de leur quartier à Homs, achetant des bonbons et autres friandises pour leurs enfants.
Cette année, la famille effectue son troisième ramadan en exil, et le contraste avec les souvenirs heureux en Syrie est saisissant. « Ici, nous n’avons jamais assez d’argent pour manger, même un jour normal, mais surtout pendant le ramadan. Mes enfants ont envie d’aliments que je ne peux pas me permettre d’acheter, comme des pommes et du jus. C’est pourquoi nous restons surtout à l’intérieur ici pendant le ramadan ; nous ne pouvons pas dépenser. »
En cette sixième année de crise, ce que vit Abou Ahmad n’est pas différent de ce que vivent des millions de personnes en Syrie et en exil dans les pays voisins. Les données les plus récentes du HCR révèlent une hausse alarmante de l’endettement et de l’appauvrissement personnels dans deux pays accueillant un très grand nombre de réfugiés, la Jordanie et le Liban ; il sera donc particulièrement difficile pour les Syriens de nourrir la famille cette année pendant le ramadan.
Dans une vidéo marquant le début du ramadan, le 6 juin, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a souligné la détresse des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui observent le mois sacré au milieu de combats féroces ou arrachés à leurs foyers.
En Jordanie, 85 pour cent des 655 000 réfugiés syriens inscrits vivent au jour le jour dans les villes du pays ; 93 pour cent ont basculé sous le seuil de pauvreté du pays, qui se situe à 88 dollars américains par mois. Les derniers chiffres, annoncés en janvier 2016, révèlent que près des trois quarts des familles habitant hors des principaux camps de réfugiés du pays étaient maintenant endettées, devant en moyenne 1 038 dollars américains, loyer compris.
Près de la moitié de tous les ménages syriens sont obligés d’emprunter pour acheter de la nourriture, ou ils l’achètent à crédit, tandis que plus du quart affirment réduire les dépenses consacrées à des services essentiels, tels que l’éducation et la santé, pour subvenir à leurs besoins alimentaires de base.
Entraînés dans une spirale de pauvreté et d’endettement, les réfugiés en Jordanie prennent des mesures de plus en plus extrêmes pour joindre les deux bouts. Seulement 20 pour cent des ménages déclarent manger des fruits au moins une fois par semaine, tandis que 40 pour cent des familles ont des membres qui ont accepté des emplois temporaires à haut risque, illégaux, dégradants ou serviles pour pouvoir acheter de la nourriture et payer le loyer.
Au Liban, où se trouvent 1,05 million de réfugiés syriens enregistrés, les chiffres de la fin du mois de mars révèlent que le pourcentage de familles endettées a augmenté brusquement, passant à 91 pour cent ; les familles doivent en moyenne 940 dollars américains. Soixante-dix pour cent du nombre total de réfugiés vivent sous le seuil de pauvreté, qui est de 3,84 dollars américains par jour, dans un pays où presque 90 pour cent des réfugiés syriens sont des femmes et des enfants.
Le nombre de repas cuisinés avalés chaque jour par les réfugiés au Liban diminue constamment. En 2015, l’année la plus récente pour laquelle on dispose de données, un membre de la famille sur trois déclarait avoir mangé un seul repas cuisiné par jour, ou n’avoir mangé aucun repas cuisiné par jour, par rapport à un membre de la famille sur quatre l’année précédente. Autre conséquence de l’aggravation de la pauvreté : la dégradation des habitudes alimentaires ; 60 pour cent des ménages n’avaient pas les moyens de consommer des fruits ou des légumes tous les jours l’année dernière.
Pendant ce temps, en Syrie, les deux tiers de la population totale vivent dans une pauvreté extrême et n’ont pas les moyens d’acheter les aliments essentiels à la survie. La flambée des prix a exacerbé la situation. En effet, le prix de nombreux aliments de base, comme le pain, a doublé au cours de la dernière année.
Dans les zones isolées et assiégées, où l’accès à la nourriture est fortement limité, certains résidents ont recours à des mesures extrêmes pour survivre, se résignant à boire de l’eau non potable ou à manger de l’herbe.
Faites un don pour aider les familles de réfugiés pendant le ramadan. Il y va de leur survie.