Maria: Une communauté très unie grâce aux Papillons

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Membres des Papillons: Maria Victoria Liu (gauche) et Maritza Asprilla Cruz. UNHCR/ Juan Arredondo/2014

Maria Victoria capte toute l’attention des 10 femmes rassemblées en cercle dans l’église d’un village de l’ouest de la Colombie pendant qu’elle réalise un jeu de rôles avec grand talent. Elle interprète le rôle d’une employée de bureau qui lutte pour repousser les avances sexuelles d’un chef, joué par une autre femme. « Les filles, rappelez-vous les lois que vous devez connaitre qui vous protègent contre le harcèlement sexuel au travail », déclare Maria Victoria, alors qu’elle dirige l’atelier dans la communauté de Triana comme l’une des 22 coordinatrices des Papillons.

« Il s’agit de vous approprier votre propre corps, de faire attention à vous et de vous défendre contre le harcèlement sexuel indésirable sur le lieu de travail et à l’extérieur », leur explique-t-elle. Maria Victoria affirme que le fait d’être membre des Papillons a renforcé sa connaissance des droits de la femme et l’a aidée à soigner le traumatisme qu’elle a subi. « Je peux [désormais] partager ma peine avec d’autres personnes qui ont également souffert à cause du conflit », déclare Maria Victoria. « Cela aide à gérer sa peine. J’ai appris que pour soulager la peine il faut la partager. Je me sens moins seule ».

Comme la plupart des 120 femmes qui travaillent pour les Papillons dans la ville portuaire de Buenaventura et autour, Maria Victoria a perdu un être cher au cours des 50 années de conflit armé en Colombie. Elle se rappelle très nettement ce samedi soir il y a presque 15 ans quand quatre hommes armés et cagoulés ont attaqué la communauté vallonnée de Triana où elle vivait avec sa famille, aux côtés de 400 autres familles, à environ 40 kilomètres de Buenaventura. Son mari se trouvait dans une salle de billard avec trois de leurs six enfants à l’époque. Maria Victoria a entendu des coups de feu et quand un voisin a commencé à crier « C’est Pedro, Pedro », elle a su que son mari avait été tué.

Maria Victoria Liu. UNHCR/ Juan Arredondo/2014

Maria Victoria Liu. UNHCR/ Juan Arredondo/2014

« J’ai couru à la salle de billard et j’ai vu trois personnes à côté de mon mari qui gisait mort sur le sol. Mes trois fils ont été témoins de l’assassinat de leur père », explique Maria Victoria. En une semaine, Maria Victoria a fui avec ses adolescents et a trouvé refuge dans la maison de son beau-frère à Buenaventura. « J’avais peur pour ma famille. La peur m’a forcée à fuir », déclare-t-elle.

En 2008, Maria Victoria est retournée à Triana. Mais elle vit toujours dans la crainte d’une autre attaque par des groupes armés. « J’essaie de ne jamais rester trop longtemps à Triana à chaque fois… Je ne me sens plus en sécurité après ce qui s’est passé. Je ne me sentirai jamais plus complètement en sécurité. Après l’assassinat de son mari, Maria Victoria est devenue chef communautaire pour Mother for Life, un groupe de défense des droits qui apporte un soutien aux femmes qui ont perdu des proches dans le conflit. Il vise aussi à mettre un terme à la violence à l’égard des femmes. Mother for Life compte parmi les 23 organisations populaires de femmes œuvrant en milieux urbain et rural autour de Buenaventura qui sont devenues membres des Papillons à partir de 2010.

Les bénévoles des Papillons à Triana se rencontrent presque chaque semaine dans la salle communale et une fois par mois à l’église pour discuter de questions comme les lois protégeant les femmes, comment faire face à la violence domestique et la signaler. Elles organisent aussi des activités pour aider les femmes à se prendre en main. La plupart des femmes à Triana gagnent un peu d’argent en vendant des boissons alcoolisées faites maison et en nettoyant les vêtements des ouvriers travaillant sur les routes et dans les mines d’or.

« Le fait d’être membre des Papillons m’a permis d’en savoir plus sur mes droits. Quand vous connaissez vos droits et les lois qui protègent les femmes, vous pouvez mieux vous défendre ainsi que votre communauté », déclare Maria Victoria, qui dirige certains des ateliers. Elle affirme que les femmes de Triana ont formé une communauté très unie grâce aux Papillons. « Cela me donne de la force de savoir que j’ai des amies et des voisines qui s’occupent les unes des autres », ajoute Maria Victoria. « Si une personne n’est pas rentrée chez elle à la tombée de la nuit, nous commençons à nous téléphoner pour nous renseigner. Grâce au réseau, nous nous soucions davantage les unes des autres et cela nous a rendues plus fortes et plus unies ».


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