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Déclaration liminaire du Haut Commissaire, António Guterres, devant le Comité exécutif, 59e session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Discours du Haut Commissaire, 6 octobre 2008
Genève, 6 octobre 2008
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Distingués délégués, Mesdames et Messieurs,
Bienvenue à Genève. A l'issue de notre session de l'année dernière, j'ai pris un certain nombre d'engagements envers vous. Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter les progrès que nous avons accomplis dans ces domaines. Mais avant d'en venir à ce point, permettez-moi de faire quelques observations concernant le contexte global de nos activités.
Lorsque la guerre froide a pris fin, Francis Fukuyama a publié un ouvrage à grand succès, The End of History. Selon l'auteur, le triomphe de la démocratie libérale et de l'économie permettait d'envisager ce qu'il décrivait comme l'accumulation illimitée de richesses ainsi que la satisfaction d'un nombre toujours croissant de désirs humains.
L'histoire lui a infligé un camouflet retentissant. Au lieu de la paix et de la prospérité universelle que certains anticipaient au début des années 90, nous sommes aujourd'hui confrontés à une accumulation de tendances inquiétantes.
La mondialisation a sorti des millions de personnes de la pauvreté mais a également creusé les écarts entre les revenus. Les changements climatiques et l'incidence accrue des catastrophes naturelles menacent des vies humaines dans de nombreuses régions de la planète. Du fait de ces tendances, un nombre croissant de personnes se déplacent, quittant leur foyer en quête d'une plus grande sécurité et de meilleures conditions de vie.
La croissance démographique et l'urbanisation s'accélèrent dans le monde en développement. Les villes deviennent toujours plus grandes et toujours plus peuplées. Dans de nombreuses sociétés, il n'y a pas assez d'emplois pour tous ceux qui arrivent sur le marché du travail. La hausse des prix de l'énergie et des biens de première nécessité vient exacerber ces tensions déjà fortes. Loin de se réjouir de l'accumulation illimitée des richesses, les turbulences qui secouent les marchés financiers conduisent les gens à travers le monde à se demander s'ils peuvent protéger leurs revenus, leurs économies et leurs pensions.
A ces adversités, viennent s'ajouter des développements inquiétants sur la scène politique. La compétition pour des ressources rares est devenue un facteur de plus en plus déterminant dans le déclenchement et la poursuite de la violence. Nous sommes confrontés à une série de conflits interdépendants dans un arc de crises qui s'étend du sud-ouest de l'Asie au Moyen-Orient et à la Corne de l'Afrique. Certains d'entre eux s'enlisent, entraînant dans leur sillage des préoccupations concernant la sécurité mondiale. Des différends plus localisés se sont fait jour dans d'autres régions du monde. Les changements climatiques, la pauvreté extrême et le conflit sont de plus en plus inter-reliés. En conséquence, le déplacement forcé s'accroît. Sur le seul continent africain, nous avons observé la fuite de milliers de personnes, arrivant dans des pays comme le Botswana, le Cameroun, le Tchad, Djibouti et l'Ethiopie, le Kenya, le Mozambique, l'Afrique du Sud, le Soudan, l'Ouganda et la Zambie.
Cette évolution a été lourde de conséquences pour le HCR. Au cours des 18 derniers mois, nous avons fourni une aide d'urgence à plus de 40 pays. En 2007, nous avons procédé à 197 déploiements d'urgence. Nous avons déjà dépassé ce chiffre cette année.
Les prélèvements sur la Réserve des opérations sont passés de 34 millions en 2006 à plus de 87 millions en 2007. Le chiffre de 2008 sera de l'ordre de 150 millions. Nous estimons qu'en 2008 nos dépenses globales s'établiront à 1,6 milliard contre 1,1 milliard en 2006. Ces chiffres mettent en lumière les sollicitations importantes qui mettent à rude épreuve nos capacités et nos ressources.
Permettez-moi de revenir sur les engagements que j'ai pris envers vous l'année dernière.
Tout d'abord, un engagement à l'égard de nos bénéficiaires
A la fin de 2007, on comptait 11,4 millions de réfugiés, et ce nombre est en augmentation. 80 pour cent d'entre eux se trouvent dans leur région d'origine. Nous ne saurions surestimer la générosité des pays en développement qui assument cette responsabilité mais qui néanmoins continuent d'offrir l'hospitalité à des centaines de milliers, voire des millions, de réfugiés : des pays comme le Tchad, l'Equateur, la République islamique d'Iran, la Jordanie, le Kenya, le Pakistan, la Syrie et la Tanzanie, pour n'en mentionner que quelques-uns.
Le nombre et le pourcentage de réfugiés du monde en milieu urbain s'accroît très rapidement. Nous allons prochainement publier une déclaration de politique générale concernant les réfugiés urbains, et les problèmes spécifiques qu'ils posent retiendront tout particulièrement notre attention au moment d'élaborer une politique générale et d'évaluer nos activités au cours des mois à venir. La question de l'action humanitaire dans les régions urbaines sera examinée de façon plus approfondie lors de la réunion de 2009 du Dialogue sur les défis de protection.
Le nombre de déplacés internes est également en hausse. Sur un total de 26 millions de personnes déplacées par le conflit armé, nous travaillons aujourd'hui auprès de 14 millions de personnes dans 28 pays. Ce chiffre représente presque le double de celui de 2005. Je reviendrai ultérieurement sur les besoins de protection de ces personnes.
Mesdames et messieurs,
Les bénéficiaires ne sont pas des nombres. Ce sont des personnes qui ont des droits et des besoins. L'heure est maintenant venue pour le HCR de planifier ses activités sur la base de ces droits et ces besoins plutôt que sur l'appui que nous comptons recevoir des donateurs. Nous avons en conséquence lancé un processus d'évaluation des besoins globaux à partir de huit pays. La prochaine étape consistera à intégrer cette approche dans l'ensemble de nos opérations.
Un autre de mes objectifs clés a été d'améliorer la rentabilité, particulièrement au Siège, afin de libérer des ressources additionnelles pour nos opérations sur le terrain. Les fonds ainsi dégagés font déjà une différence réelle pour les vies de nos bénéficiaires.
En 2007, un montant de 15 millions de dollars E-.U. a été mis à disposition pour combler des lacunes cruciales dans les secteurs du paludisme, de la malnutrition et de la santé de la reproduction ainsi que de la violence sexuelle et sexiste. Cette année, nous avons intégré ces projets et alloué un montant supplémentaire de 7 millions pour en lancer de nouveaux.
Nous voyons déjà des résultats positifs. A Djibouti et en Ethiopie, la proportion de naissances assistée par un personnel de santé qualifié est passée d'environ 20 pour cent à une moyenne de 90 pour cent, après que des investissements aient été consentis dans le secteur de la santé maternelle. Dans le cadre de six opérations importantes de lutte contre le paludisme, les taux de morbidité et de mortalité ont chuté presque immédiatement dès l'introduction de nouvelles thérapies et l'amélioration de la prévention ainsi que du diagnostic.
En Ethiopie, la population atteinte de paludisme a diminué de 60 pour cent et en Tanzanie de 50 pour cent. Des réductions de plus de 30 pour cent ont également été enregistrées en République démocratique du Congo et au Kenya. Les niveaux de malnutrition aiguë ont été réduits d'environ 50 pour cent parmi nos bénéficiaires dans des pays tels que le Bangladesh, l'Ethiopie, le Kenya, Myanmar et le Népal.
Même si nous sommes encore loin d'avoir atteint nos objectifs, la mise en œuvre de ces projets nous a permis de déceler des problèmes critiques dans les secteurs de l'eau et de l'assainissement ainsi qu'un niveau élevé d'anémie parmi les femmes et les enfants dans les camps. L'impact de cette situation sur la santé et le bien-être de ces personnes a été dévastateur. Sur la base de ces conclusions, nous venons d'approuver un projet supplémentaire de 13,25 millions de dollars E-.U. dans les secteurs de l'eau et l'assainissement couvrant 16 pays. Le Comité budgétaire étudie actuellement la mise en œuvre d'un programme très ambitieux et très novateur de réduction de l'anémie.
Nous avons également pris des mesures pour renforcer les opérations dans lesquelles notre présence et nos activités sur le terrain ont été inadéquates par rapport aux besoins des populations dont nous avons la charge. Le Yémen et la République démocratique du Congo en sont deux exemples récents.
Un engagement à la protection
La protection doit rester au cœur de toutes nos activités. Nous travaillons auprès de nombreuses populations mais elles ont toutes une chose en commun : leurs droits ont été violés et doivent être recouvrés. Permettez-moi d'appeler votre attention sur cinq problèmes spécifiques de protection auxquels nous avons accordé la priorité.
Tout d'abord, la protection des réfugiés dans le contexte plus large de la migration internationale et des mouvements mixtes de personnes. Nous travaillons dur pour mettre en œuvre le Plan d'action en 10 points dans un certain nombre de régions, dont la Méditerranée, le Golfe d'Aden, la côte atlantique de l'Afrique de l'ouest ainsi que l'Asie du Sud-est. Nous poursuivrons nos efforts dans ce sens et, à cet égard, accorderons une importance particulière à notre partenariat avec l'Organisation internationale pour les migrations.
Deuxièmement, nous sommes engagés dans une lutte sans merci pour préserver l'espace de protection en préconisant une évolution positive de la législation et des procédures d'asile. Il s'agit là d'une tâche délicate dans la mesure où les préoccupations des Etats concernant la sécurité et la migration irrégulière ont suscité l'adoption de mesures qui représentent une menace pour la protection des réfugiés. Bien qu'il s'agisse là d'un défi mondial, l'établissement du système d'asile commun à l'Union européenne, entrant désormais dans sa deuxième phase, représente un tournant crucial.
La prévention et la réponse à la violence sexuelle et sexiste, accordant une attention particulière à la protection des femmes et des filles, a constitué un troisième volet de plus en plus central de nos activités. Nous venons d'achever une évaluation globale de notre action dans ce domaine, afin d'établir une stratégie concertée en matière de violence sexuelle et sexiste. Nous ne nous faisons aucune illusion quant à la difficulté de cette tâche. Le déplacement forcé, la pauvreté extrême, l'effondrement des structures familiales et les préjugés culturels créent les conditions propices à la violence sexuelle et sexiste.
Quatrièmement, nous avons fait de notre mieux pour nous acquitter plus efficacement de notre mandat de protection eu égard à l'apatridie, un fléau largement méconnu qui ravage la vie de millions de personnes dans le monde. Je suis heureux d'annoncer que des progrès ont été accomplis dans ce domaine, avec des développements encourageants dans des pays aussi différents que le Bangladesh, l'Ukraine et les Emirats Arabes unis.
Cinquièmement, nous avons continué de renforcer notre engagement à la protection des déplacés internes, assumant nos responsabilités dans le cadre de l'approche modulaire. Nous allons prochainement commémorer le dixième anniversaire de l'adoption des principes directeurs sur le déplacement intérieur, qui fournit un cadre important de protection pour nous tous. Nous puisons une grande source d'encouragement dans la préparation d'une Convention de l'Union africaine sur les déplacés internes et espérons qu'elle sera prête à être présentée aux fins d'adoption au Sommet spécial de l'Union africaine en Ouganda l'année prochaine.
Un engagement aux solutions durables
Des progrès importants sont également accomplis dans ce domaine, et un hommage vibrant doit être rendu aux membres du Comité exécutif pour les mesures qu'ils ont prises et pour les différentes contributions qu'ils ont apportées à la réalisation de cet objectif.
En 2007, plus de 700 000 réfugiés ont pu rentrer chez eux de leur plein gré, la plupart d'entre eux moyennant l'appui du HCR, vers des pays tels que l'Afghanistan, le Burundi, la République démocratique du Congo, le Libéria et le Soudan. Nous avons fait de notre mieux, parfois dans des circonstances très difficiles, pour garantir que ces retours aient lieu dans la sécurité et la dignité. En même temps, un nombre beaucoup plus important de déplacés internes, quelque deux millions au total, ont été en mesure de revenir dans leur région d'origine.
L'intégration sur place a été décrite par un commentateur comme la solution oubliée. Néanmoins, une récente étude publiée par le HCR a révélé que des milliers de réfugiés dans le monde avaient pu bénéficier de cette solution.
J'aimerais distinguer ici la générosité de la République-Unie de Tanzanie qui a offert la possibilité de la naturalisation à plus de 170 000 réfugiés qui avaient fui le Burundi en 1972. Des mesures importantes ont également été prises en Amérique latine ou des rojets d'intégration sur place ont bénéficié à plus de 160 000 réfugiés, déplacés internes et résidants locaux. Une évolution positive est également enregistrée dans la région de la CEDEAO.
Je peux comprend les réticences d'un certain nombre d'Etats concernant l'intégration sur place. Mais j'aimerais également reconnaître les efforts que de nombreux pays d'accueil de réfugiés ont déployés pour veiller à ce que les réfugiés puissent mener une vie décente et productive au cours de leur exil.
En termes pratiques, cela signifie qu'ils peuvent arriver sur le marché de l'emploi et subvenir à leurs besoins, avoir accès à l'éducation et à la formation professionnelle et nouer des liens harmonieux avec les communautés locales. Tout échec en la matière a des répercussions néfastes pour les réfugiés eux-mêmes, peut donner lieu à des préoccupations en matière de sécurité, et hypothèque le succès de la réintégration des réfugiés à leur retour.
Pour en venir à la solution de la réinstallation, le nombre de cas présentés par le HCR en 2007 s'est établi à presque 100 000, soit une augmentation de plus de 80 pour cent par rapport à 2006. Cette tendance positive se4 poursuit. Le nombre total de départs aux fins de réinstallation au cours du premier semestre de 2008 a doublé par rapport au chiffre enregistré au cours de la même période l'année précédente.
Plus de 10 000 réfugiés de Myanmar ont désormais quitté la Thaïlande. Des départs systématiques de Bhoutanais en provenance du Népal ont commencé. Nous avons déjà présenté davantage de réfugiés iraquiens aux fins de réinstallation cette année qu'au cours de 2007. De nouveaux pays de réinstallation se font jour, comme notamment le Brésil, le Chili, la France, l'Italie, le Portugal, le Paraguay, la République tchèque et l'Uruguay. Un nouveau centre de transit d'urgence a été aménagé en Roumanie.
Mais en termes de solutions durables, nous devons faire plus et mieux. Dans de nombreuses régions du monde, la poursuite des conflits armés et des violations des droits humains entrave la solution privilégiée du rapatriement librement consenti. Trop peu d pays d'asile accordent aux réfugiés un statut juridique totalement sûr et leur permettent d'exploiter leur potentiel. Trop de gens se trouvent piégés dans des situations de réfugiés prolongées dans des conditions de pauvreté et d'insécurité extrême. Grâce aux encouragements du Comité exécutif, nous poursuivons une initiative spéciale pour régler cinq situations de réfugiés prolongées en Asie du Sud-Ouest, au Bangladesh, en République-Unie de Tanzanie, à l'est du Soudan et dans les Balkans. Nous examinerons ces progrès et débattront des problèmes qu'elles posent lors de la prochaine réunion du Dialogue sur les défis de protection.
Un engagement à la réintégration durable
Il s'agit d'un défi persistant que nous ne pouvons résoudre seuls. Nous sommes contraints de travailler dans un espace critique entre secours et développement et entre conflit et paix. Et c'est dans ces domaines que la communauté internationale s'efforce d'offrir un appui efficace.
Nous avons participé activement aux efforts de plaidoyer en la matière, réunissant les partenaires afin de créer les conditions propices à une réintégration couronnée de succès. Ces partenaires incluent les Etats concernés, la Commission d'établissement de la paix, la banque mondiale, d'autres institutions financières internationales ainsi que d'autres institutions des Nations Unies dans le cadre de l'Initiative « Unis dans l'action ».
En apparence, le scénario du retour et de la réintégration semble parfois prometteur. Par exemple, le nombre de réfugiés du Sud-Soudan ayant regagné à ce jour leurs foyers avec l'assistance du HCR -- soit 60 000 cette année -- a déjà dépassé le nombre total de retours enregistrés en 2007. Nous avons également appuyé le retour de plus de 75 000 réfugiés de République-Unie de Tanzanie vers le Burundi au cours des neuf derniers mois -- deux fois le nombre de rapatriés au cours de 2007. Des mouvements de retour à grande échelle se sont poursuivis vers l'Afghanistan, quelque 250 000 personnes ayant opté pour le rapatriement à ce jour en 2008.
A y regarder de plus près, la réalité du retour est parfois toute autre. Dans certain cas, le rapatriement s'inscrit dans le sillage de problèmes de sécurité, de difficultés économiques ou de politiques restrictives en matière de réfugiés dans les pays d'asile. Et nous sentons très rarement que les conditions prévalant dans le pays d'asile sont totalement propices à une réintégration réussie -- un processus qui dépend en dernière analyse de la restauration du lien entre les citoyens et l'Etat. Par ailleurs, le HCR ne disposer jamais des capacités et des ressources nécessaires pour fournir tous les éléments essentiels au succès du processus de réintégration : logement, eau, santé, éducation, moyens d'existence et accès aux droits conférés par la nationalité.
Dans le cadre des efforts que nous avons déployés à cet égard, nous avons récemment entrepris des évaluations approfondies de nos opérations de réintégration au sud du Soudan et en Angola. Le mois dernier, nous avons publié un nouvelle politique de réintégration. Notre politique révisée souligne le rôle stratégique du HCR dans le processus de réintégration, l'importance des partenariats, la nécessité de faire fond des capacités des rapatriés et d'aider les gouvernements à assumer à nouveau leurs responsabilités à l'égard de leurs nationaux. Elle met également en exergue la nécessité d'intégrer le retour et la réintégration dans les stratégies de relèvement, les cadres de développement et les processus d'établissement de la paix au niveau national.
La situation qui prévaut en République démocratique du Congo illustre ce point dans la mesure où nous avons constaté une chute du nombre des retours de réfugiés qui est passé d'une moyenne de presque 6 000 par mois l'année dernière à 3 100 à peine par mois cette année. Quelle en est la raison principale ? L'absence de possibilités offertes aux rapatriés de gagner leur vie et d'avoir accès aux services de base tels que l'éducation et la santé. De fait, je me demande souvent pourquoi les réfugiés sont encore prêts à rentrer chez eux dans des circonstances aussi difficiles.
Un engagement au changement de structure et de gestion
Mesdames et Messieurs,
Le centre de gravité de l'action du HCR se trouve sur le terrain, souvent dans des lieux reculés. C'est sur cette réalité que s'est fondé notre processus de changement de structure et de gestion. Nous voulons devenir une organisation plus efficace, plus efficiente et plus agile, plus réactive face aux besoins de nos bénéficiaires.
Permettez-moi d'identifier les mesures clés que nous avons prises dans ce domaine.
Tout d'abord, nous avons rationalisé nos fonctions du Siège, afin de réorienter nos ressources et nos énergies sur le terrain. Au début de 2006, l'Organisation comptait
1 047 fonctionnaires à Genève. Aujourd'hui, nous en comptons 747. A la mi-2009, ce chiffre devrait s'établir bien au-dessous de 700. Cette réduction est due en partie à l'établissement du Centre de services globaux de Budapest, et en partie, à la rationalisation.
En conséquence, le budget du Siège a été réduit. En 2006, il s'établissait à 13,9 pour cent des dépenses totales ; ce pourcentage est tombé à 12,2 en 2007, et sera de l'ordre de neuf pour cent en 2008, y compris Budapest. La délocalisation à Budapest permettra de réaliser des économies de l'ordre de neuf millions de dollars E-.U par an à compter de 2009. Parallèlement, le pourcentage des dépenses de personnel en regard du budget annuel a diminué. Il s'établissait à 42,5 pour cent en 2006 et nous escomptons le ramener à 33,3 pour cent en 2009.
En dépit de ces réalisations, 26 pour cent des Administrateurs internationaux du HCR sont toujours basés à Genève. C'est pourquoi nous poursuivons l'étude du Siège avec pour objectif de l'achever au milieu de l'année prochaine.
Nous allons reconfigurer les Divisions du Siège qui fournissent un appui au terrain dans les domaines de la protection et des opérations. A ma requête, le Bureau de lutte contre la fraude de l'Union européenne entreprend un examen du Bureau de l'Inspecteur général. Nous avons mandaté l'Institut Fritz pour entreprendre un examen global de notre fonction de gestion des approvisionnements. Et nous lançons une étude extérieure de notre Division des services informatiques et des télécommunications.
Tout au long de ce processus de réforme, nous avons veillér à ce que les droits des fonctionnaires soient pleinement pris en considération. Contrairement aux prévisions alarmistes d'un grand nombre de personnes, nous avons trouvé des solutions pour l'ensemble des fonctionnaires touchés par l'étude du Siège. Je reste fermement engagé aux principes d'allègement de l'impact de la réforme de structure et de gestion sur notre personnel.
Deuxièmement, la décentralisation et la régionalisation. En déplaçant les pôles décisionnels plus près du terrain, nous renforçons l'obligation redditionnelle des cadres et assurons que l'orientation est plus étroitement liée aux réalités opérationnelles. Suite à l'établissement de Bureaux régionaux en Europe, nous avons étendu cette approche à des lieux comme Bangkok, Dakar et Prétoria. Certains services des Bureaux pour les Amériques et l'Europe partiront prochainement pour Panama et Bruxelles. Nous sommes également en pourparlers avec le gouvernement tunisien concernant la création d'une plateforme régionale visant à appuyer nos activités dans le Maghreb.
Troisièmement : un engagement ferme à atteindre et montrer des résultats. Nous disposons d'une nouvelle structure budgétaire et d'un nouveau cadre d'allocation de ressources, ce dernier ayant été favorablement mis à l'épreuve lors de la réponse rapide à la crise en Ossétie du Sud. Nous avons expérimenté l'Evaluation des besoins globaux ainsi que le logiciel FOCUS. Le cadre d'obligation redditionnelle global est en voie d'achèvement. Ensemble, ces initiatives jetteront les bases d'un système de gestion authentiquement basé sur les résultats.
Quatrièmement, nous avons bien progressé dans notre étude du terrain. Sur la base d'une enquête globale, qui a reçu des contributions importantes des ONG partenaires, nous adopterons de nouvelles politiques concernant un recours plus important aux Administrateurs nationaux, l'amélioration de notre collaboration avec les partenaires d'exécution et l'attraction de fonctionnaires à un niveau hiérarchique plus élevé sur les lieux d'affectation reculés.
Cinquièmement, nous nous embarquons dans un train de réformes globales dans le secteur des ressources humaines. Elles couvriront le recrutement, les modalités contractuelles, l'évaluation de la performance, les promotions, le roulement et l'organisation des carrières. L'établissement d'un Centre d'apprentissage à Budapest permettra de mettre un accent neuf sur la formation, en lien avec l'organisation des carrières et les besoins de l'Organisation. Nos travaux sur toutes ces questions impliqueront des consultations étroites avec le Conseil du personnel.
Je dois dire qu'il n'est pas facile de réformer la gestion des ressources humaines dans le cadre du système des Nations Unies. De fait, au sein du HCR, j'ai été aux prises avec les procédures de gestion des carrières les plus dysfonctionnelles que j'aie jamais rencontrées dans ma vie professionnelle et politique. Et le prix de ces disfonctionnements est malheureusement payé par nos fonctionnaires et par les personnes que nous prenons en charge. Je n'abandonnerai pas la lutte pour remédier à cette situation inacceptable et je compte sur l'appui sans faille du Comité exécutif pour aborder la prochaine phase du processus de réforme.
Un engagement à la réforme des Nations Unies et à l'intégrité du mandat du HCR
A cet égard, le HCR est fermement engagé au succès de la réforme humanitaire et de l'initiative « Unis dans l'action ».
Nous voyons dans cette initiative une opportunité majeure d'engager l'ensemble du système des Nations Unies à l'appui des solutions durables. Nous avons participé activement aux expériences pilotes et avons joué un rôle catalyseur dans l'élaboration de programmes conjoints des Nations Unies ciblant les régions acceuillant des réfugiés de Tanzanie et du Pakistan. Nous estimons que les principes de l'initiative « Unis dans l'action » offrent un fort potentiel dans bon nombre de nos opérations, comme nous l'avons vu au Bangladesh.
Parallèlement, nous avons assumé davantage de responsabilités concernant les déplacés internes dans le cadre de l'approche modulaire. Nous restons totalement acquis aux principes de la réforme humanitaire et à ses objectifs.
Bien que l'approche humanitaire constitue un tournant majeur dans la réponse humanitaire, nous constatons avec inquiétude la lourdeur de ce processus. Nous aimerions voir une plus grande simplification, moins de réunions et davantage d'accent sur les résultats. Nous devons également veiller à ce qu'elle respecte l'intégrité et la spécificité des mandats des institutions.
Notre expérience récente n'a pas révélé de conflits entre notre rôle élargi en faveur des déplacés internes et nos responsabilités à l'égard des réfugiés. Bien au contraire, nous avons découvert d'importantes synergies.
Des progrès encourageants ont été accomplis dans le renforcement du financement humanitaire. Le fonds central de réponse d'urgence a déjà apporté un appui précieux à un certain nombre d'opérations du HCR. Mais notre expérience de fonds de réserve au niveau national a été plus mitigée.
Nous avons rencontré deux principaux obstacles non encore levés. Tout d'abord, comment nous assurer que les besoins des réfugiés, qui ne sont pas considérés comme prioritaires par les acteurs nationaux, soient correctement pris en compte dans les allocations de fonds ? Deuxièmement, comment assurer le financement adéquat des programmes couvrant plusieurs pays, tel que les opérations de rapatriement au plan régional, lorsque le fonds commun est déterminé au plan national ?
Notre programme pour le retour et la réintégration des réfugiés du Sud Soudan en est une illustration. Comme je l'ai mentionné plus haut, nous avons assisté en 2008 au retour de plus de 60 000 réfugiés soudanais, revenant de sept pays d'asile. Toutefois, un montant de 2,9 millions de dollars
E-.U. seulement sur un budget total de 63 millions de dollars E-.U. a été débloqué d'un fonds commun cette année. Cela représente moins de cinq pour cent du programme, même lorsque le fonds commun du Soudan concerne certains de nos principaux donateurs.
Le HCR et d'autres organisations humanitaires rencontrent également des dilemmes complexes lorsqu'ils s'engagent dans des missions intégrées des Nations Unies.
Nous reconnaissons leur rôle important et avons continué à travailler en étroite collaboration avec elles, particulièrement dans le contexte du retour et de la réintégration, comme par exemple la MINUL au Libéria et la MINUS au Sud Soudan. Le HCR est également présent sur des théâtres d'opérations où les forces de maintien de la paix contribuent à la sécurité des personnes déplacées.
Cela dit, je voudrais souligner la nécessité de préserver l'espace humanitaire et de sauvegarder les principes humanitaires clés de neutralité, d'impartialité et d'indépendance, particulièrement dans les pays où l'on n'est pas encore parvenu à un règlement pacifique durable. De fait, il nous faut porter un regard particulièrement acéré sur la signification de « maintien de la paix » dans les situations où il n'existe pas de paix à maintenir.
John Holmes et moi-même avons travaillé de concert sur cette question et poursuivi des objectifs communs en matière de plaidoyer. Nous sommes totalement acquis aux principes d'une discussion de l'espace humanitaire au sein du Comité permanent inter-organisations et estimons qu'il s'agit d'un domaine où nous bénéficions de la coopération privilégiée de l'OCHA.
Un engagement au partenariat
Nous sommes résolus à établir un partenariat totalement stratégique avec nos institutions sœurs du système des Nations Unies, ainsi qu'avec le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge et la communauté des ONG. Nous participons activement à la plateforme humanitaire globale. Ensemble nous formons une alliance puissante entre égaux, sur la base de valeurs et de préoccupations partagées.
Au sein des Nations Unies, j'aimerais distinguer les liens de coopération qui nous unissent au Programme alimentaire mondial, qui nous a aidé à éviter le désastre pour un grand nombre de nos bénéficiaires lors de crises alimentaires. Notre alliance avec le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge ne cesse de se renforcer. Je suis particulièrement heureux d'accueillir M. Jakob Kellenberger, Président du CICR, qui a très aimablement accepté d'être notre orateur invité.
J'aimerais également saluer les ONG partenaires. Les consultations de cette année entre le HCR et les ONG ont attiré plus de 200 agences, pratiquement pour moitié des ONG nationales. Le HCR compte aujourd'hui quelques 650 ONG partenaires et les dépenses qui transitent par elles ne cessent d'augmenter.
Nous continuons de développer des partenariats avec le secteur privé, une stratégie qui dégage déjà des résultats positifs. Les contributions des donateurs privés sont passées de 21,7 millions de dollars E-.U. en 2006 à environ 50 millions cette année.
Eu égard à notre engagement au partenariat, j'aimerais également rappeler notre participation actuelle à une étude par des paires de l'obligation redditionnelle à l'égar des bénéficiaires -- une initiative organisée par le Comité directeur pour la réponse humanitaire et impliquant neuf agences. Nous sommes particulièrement honorés de voir que le HCR a été la seule Organisation des Nations Unies invitée à y participer.
Un engagement à la sécurité et au bien-être du personnel
Le maintien d'une forte présence sur le terrain expose un grand nombre de nos fonctionnaires à des risques importants et sollicite considérablement leur résilience. J'aimerais rendre hommage à trois fonctionnaires du HCR qui ont perdu la vie au cours de l'année écoulée : Karim Bentebal et Nabil Slimani à Alger ainsi que Mahamat Mahamadou au Tchad.
Nous n'avons cessé de rechercher des moyens efficaces de minimiser les risques auxquels nos fonctionnaires sont exposés, tout en nous assurant que la gestion de la sécurité permet plus qu'elle ne restreint la fourniture d'une protection et d'une assistance.
Si le renforcement de la sécurité est une nécessité regrettable, il est impossible de protéger notre personnel au moyen de barbelés et de barricades à eux seuls. Nous devons travailler dur pour nous assurer que l'action et les organisations humanitaires sont perçues comme neutres et impartiales. C'est un défi particulièrement difficile à relever pour les Nations Unies.
L'immense majorité de nos bureaux est désormais conforme aux normes de sécurité opérationnelles minimales des Nations Unies, à quelques rares exceptions près. Nous avons renforcé notre réseau de Conseillers régionaux en matière de sécurité sur le terrain et actualisons et élargissons notre formation à la sécurité parmi notre personnel. Nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres institutions pour mettre en œuvre les recommandations d'un groupe indépendant mandaté après l'attentat d'Alger.
Suite à la mission du Haut Commissaire adjoint au Darfour et au Tchad l'année dernière, nous avons également pris des mesures décisives pour améliorer les conditions de travail du personnel dans les lieux d'affectation difficiles. Nous avons publié des principes directeurs sur les normes minimales au début de cette année, et bloqué des fonds qui sont utilisés pour acheter des bâtiments préfabriqués et améliorer les logements et d'autres équipements, en commençant par le Tchad, l'Afghanistan et Sri Lanka.
Un engagement au dialogue et à la coopération avec les Etats
En 2007, j'ai engagé le HCR à une interaction plus étroite avec les membres du Comité exécutif. J'estime que le dialogue sur les défis de protection a déjà prouvé sa valeur pour le HCR, les Etats et d'autres parties prenantes.
Bon nombre d'entre vous ont également participé à une discussion sur la préparation des conclusions sur la protection internationale de ce Comité. Je me réjouis de voir que vous avez réaffirmé la valeur de ces conclusions et que vous vous étiez engagé à améliorer leur processus de mise au point.
J'aimerais ici exprimer ma gratitude pour l'excellent travail effectué au cours de l'année écoulée par le Président de ce Comité, l'Ambassadeur Boudewijn J. van Eenennaam des Pays-Bas et par la Vice -- Présidente, l'Ambassadeur Laura Thompson Chacón du Costa Rica. J'aimerais également exprimer tous mes remerciements à Mme Emina Tudakovic du Canada qui, pendant deux ans, a apporté une riche contribution aux travaux de ce Comité en qualité de Rapporteur.
Permettez-moi également de souhaiter une chaleureuse bienvenue au Bénin, à l'ex-République yougoslave de Macédoine, au Luxembourg et au Monténégro qui sont désormais au nombre des Etats membres du Comité exécutif.
Je puis vous assurer que nos liens avec les membres du Comité exécutif continueront de se fonder sur les principes de transparence, de confiance et de coopération.
Permettez-moi de conclure sur de vives préoccupations que je me sens obligé de partager avec vous.
La première concerne le financement de l'année qui vient. Alors que nous faisons de notre mieux pour minimiser les coûts, notre budget ne nous permet pas de répondre aux besoins globaux de nos bénéficiaires. Compte tenu de l'augmentation des prix des vivres et des combustibles, leur bien-être est sérieusement menacé. En même temps, on nous demande de faire toujours plus et de répondre à des sollicitations toujours plus grandes. Nous prions les membres du Comité exécutif de continuer à accorder au HCR un niveau d'appui approprié.
Je reconnais pleinement les difficultés de la conjoncture financière. En même temps, je dois faire remarquer que les ressources nécessaires pour venir en aide au 31 millions de personnes dont nous avons la charge sont très modestes lorsqu'on les compare aux sommes versées pour stabiliser le système financier international. Il serait tragique de constater que les fonds mis à la disposition de la communauté humanitaire en général et du HCR en particulier déclinent au moment précis où les sollicitations dont nous faisons l'objet augmentent de façon aussi critique.
J'ai déjà cité un érudit, M. Francis Fukuyama. Permettez-moi maintenant de citer une icône du monde musicale, Bob Marley, qui fait remarquer dans l'une de ses chansons qu' « un homme qui a faim est un homme en colère ».
Comme ces mots le suggèrent, si nous n'arrivons pas à répondre aux besoins essentiels des pauvres de notre monde, alors il faudra nous attendre à davantage d'agitations sociales et politiques dans les années à venir. Je compte sur la sagesse des membres du Comité exécutif à cet égard et je suis convaincu qu'ils continueront à s'investir dans la protection, l'assistance et la recherche de solutions pour nos bénéficiaires. Ce n'est pas seulement une question de générosité mais également d'intérêt personnel éclairé.
Enfin, nous devons utiliser l'année qui vient pour promouvoir un débat sérieux et systématique concernant la réponse de la communauté internationale à la complexité et l'échelle croissante du déplacement forcé. Ce faisant, posons nous un certain nombre de questions fondamentales.
Quelle incidence auront les changements climatiques et d'autres tendances négatives sur les modes de déplacements forcés ?
La communauté internationale peut-elle relever ces défis avec le cadre juridique et normatif actuel ? Ou bien faut-il concevoir de nouvelles normes ou instruments pour gérer les déplacements forcés dans le monde de demain ?
Les principes traditionnels de l'action humanitaire sont-ils toujours pertinents et comment se positionnent-t-ils face à des concepts plus nouveaux tels que la sécurité humaine et la responsabilité de protéger ? L'architecture actuelle de l'action humanitaire est-elle adéquate ou faut-il de nouvelles institutions, de nouvelles coalitions et de nouveaux partenariats ? Ces questions jettent les bases d'un débat important et nécessaire qui ne peut être animé que par les Etats membres.
Je me réjouis par avance d'en discuter avec vous.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de conclure cette longue présentation par un message simple et concis. Ce n'est qu'en réfléchissant et en agissant ensemble que nous seront en mesure de restaurer les droits et satisfaire les besoins des personnes que le HCR aura pour mandat de prendre en charge -- des personnes qui à bien des égards sont les plus vulnérables au monde dans le péril actuel. Tel est le défi que nous devrons relever et tel est la problématique sur laquelle nous devrons nous pencher au cours de cette session du Comité exécutif.
Je vous remercie.