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Mission du chef du HCR en Somalie et à Djibouti pour attirer l'attention sur le sort des déplacés
Articles d'actualité, 7 décembre 2010
OBOCK, Djibouti, 7 décembre (HCR) – Le week-end dernier, grâce à une rencontre par hasard dans un port de Djibouti avec António Guterres, le chef de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, un jeune Ethiopien de 14 ans dénommé Ahmed* est peut-être encore aujourd'hui en vie.
L'adolescent a rencontré le Haut Commissaire pour les réfugiés alors qu'il attendait à Obock avec une trentaine d'autres Ethiopiens affamés et fatigués que le bateau d'un passeur les conduise à travers la mer démontée et dangereuse du golfe d'Aden vers le Yémen, dans l'espoir d'une vie meilleure. Ahmed avait marché à travers le désert pendant sept jours pour rejoindre le port, un point d'embarcation bien connu des personnes cherchant désespérément à rejoindre le Yémen.
António Guterres se trouvait à Obock dans le cadre d'une mission à Djibouti et au nord de la Somalie dans le but de mieux faire connaître le sort des dizaines de milliers de Somaliens et d'Ethiopiens qui risquent leur vie chaque année pour faire la traversée à partir de la corne de l'Afrique à bord de bateaux bondés et délabrés.
« Je comprends très bien ce que vous faites, mais nous sommes très très inquiets », a déclaré António Guterres au groupe d'Ethiopiens qui attendaient depuis deux jours que les passeurs se manifestent. « Le voyage est dangereux. Beaucoup de personnes meurent et celles qui survivent à la traversée connaissent des souffrances. Les femmes sont vulnérables [à la traite d'êtres humains ou au viol]. Si certains ont peur et souhaitent rentrer, nous pouvons vous aider à rentrer ».
Empoignant un bidon et un sac en plastique avec quelques effets personnels, Ahmed s'est levé avec hésitation et il a déclaré : « Je veux rentrer ». Six autres personnes ont suivi son exemple, y compris deux femmes et un autre garçon.
Une autre femme, Alima, 20 ans, est restée inflexible. « Quand j'ai quitté mon pays », a-t-elle déclaré, « je rêvais de partir travailler en Arabie saoudite et je ne vais pas abandonner ». Sa détermination est typique des personnes qui risquent leur vie pour traverser le golfe d'Aden, que ce soit des Somaliens fuyant la violence au sud et au centre du pays ou des Ethiopiens en quête d'une vie meilleure.
Le Haut Commissaire a toutefois été encouragé et il a quitté Obock avec la conviction que davantage de personnes éviteraient de prendre la mer si elles étaient mieux informées sur les dangers et sur la réalité qui les attend au Yémen – peu d'emplois avec une rémunération lucrative mais surtout la vie en camp de réfugiés, des emplois mal rémunérés dans les villes ou la prostitution.
Cette année, 30 000 personnes ont jusqu'à présent embarqué à bord de bateaux de passeurs à Obock, dont un cinquième sont des femmes. Les survivants ont témoigné de terribles abus au cours de la traversée, y compris des coups et des personnes jetées à la mer loin du rivage.
Pendant sa visite à Djibouti, Antonio Guterres s'est également rendu dans le camp d'Ali Addeh géré par le HCR, qui accueille quelque 14 000 réfugiés principalement somaliens, dont beaucoup vivent là-bas depuis le début du conflit en Somalie en 1991. Le gouvernement et le HCR font leur possible pour offrir une nouvelle source d'eau potable et fournir un meilleur accès à la santé et à l'éducation.
« Ici, au moins, les personnes se sentent en sécurité et leurs besoins élémentaires sont satisfaits, mais nous sommes actuellement incapables de répondre totalement à leurs préoccupations », a déclaré Antonio Guterres. « C'est terrible pour des gens de vivre pendant 20 ans au milieu du désert avec nulle part ailleurs où aller ».
Il a affirmé que la meilleure solution possible était de rentrer chez eux. Le HCR étudie la possibilité pour les réfugiés de rentrer volontairement dans le nord du pays, plus stable. Ils se verraient offrir du bétail ou d'autres moyens leur permettant de gagner leur vie de retour chez eux.
Il y a cependant ceux pour lesquels le retour n'est pas une option. Le HCR a établi une liste de noms de 1 400 réfugiés qui remplissent les critères pour la réinstallation dans des pays tiers. Tous ne seront pas acceptés, bien qu'Antonio Guterres ait exhorté les pays développés à augmenter leur quota de réinstallation.
Le Haut Commissaire a évoqué une troisième solution, l'intégration sur place, au cours d'une discussion avec le Président de Djibouti Ismail Omar Guelleh. En remerciant le Président pour la grande générosité dont témoigne Djibouti envers les réfugiés, il a toutefois reconnu que les capacités du pays d'absorber même un petit nombre de réfugiés étaient très limitées.
Antonio Guterres s'est également rendu dans les régions relativement stables du Puntland et du Somaliland au nord de la Somalie, où il a pu constater par lui-même les difficiles conditions de vie de dizaines de milliers de déplacés internes originaires du sud et du centre.
Les camps de déplacés internes qu'Antonio Guterres a visités dans les villes de Galkayo et de Bossasso au Puntland sont poussiéreux, surpeuplés et exposés au vent. Les hébergements sont des abris de fortune fabriqués avec des chiffons et des bâches en plastique du HCR. L'eau potable, les soins de santé et les sanitaires sont limités et les déplacés internes sont obligés de fouiller les ordures ou de mendier pour nourrir leurs enfants.
« Nous sommes témoins de terribles souffrances. Des abris de fortune, des conditions d'hygiène épouvantables – parmi les pires indicateurs de santé dans le monde », a déclaré Antonio Guterres. « C'est une situation humanitaire chronique catastrophique ».
Halia Ali Mohamed, qui a fui Mogadiscio avec ses sept enfants, vit dans une petite tente dans la zone d'installation de Buko Bacley à la limite de Galkayo. « Je suis encore traumatisée. C'est difficile de s'habituer à cet endroit, à cette vie », a-t-elle déclaré aux visiteurs du HCR.
Lors de ses réunions avec des représentants des autorités locales, Antonio Guterres a proposé de fournir de meilleurs abris, une planification pour les infrastructures du camp, des soins de santé et une aide pour des activités génératrices de revenu. « Nous devons nous engager activement dans le soutien humain en faveur des Somaliens. Nous devrions verser notre soutien et notre aide au développement à ces régions en paix ».
Le HCR et d'autres organisations ne peuvent pas travailler librement dans les régions instables du sud et du centre où de nombreuses personnes continuent à avoir besoin d'aide. « Nos capacités d'accès aux personnes sont limitées en raison des risques pour la sécurité. Notre personnel doit se déplacer partout avec des escortes armées », a déclaré Grace Mungwe, chef du bureau du HCR à Galkayo.
Certains projets améliorent concrètement la vie de leurs bénéficiaires. Un centre de formation pour jeunes filles déplacées, dont la plupart ont subi un viol, a été établi au sein des locaux du HCR. Les jeunes filles apprennent à lire et à écrire, puis on leur enseigne le métier de couturière. Pendant la journée, elles cousent des serviettes hygiéniques en tissu, qui sont distribuées dans les camps. Elles gagnent entre 70 et 80 dollars par mois.
Hawa Adan, qui dirige le centre, affirme que le viol est un problème croissant, même à l'intérieur des zones d'installation de déplacés internes. « Cette pratique n'est pas enracinée dans la société somalienne, mais si les communautés, les anciens, le gouvernement n'y mettent pas un terme, elle devient une culture », déclare-t-elle, en ajoutant : « La Somalie n'était pas comme ça avant ».
* Nom fictif pour des raisons de protection
Par Melissa Fleming à Obock, Djibouti