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La marine italienne porte secours à quatre bateaux en détresse en un jour

Articles d'actualité, 24 juillet 2014

© HCR/A.D'Amato
Un bateau de sauvetage de la Marine italienne, appelé un GIS, se place à côté du premier bateau pour transférer ses occupants désespérés. Le GIS rentrera ensuite au sein même du bâtiment San Giorgio, où les passagers pourront être débarqués en toute sécurité.

Sans les jumelles, on ne voit pas grand-chose. Juste un halo bleu et orange, se balançant doucement à l'horizon. A la jumelle, je découvre un bateau délabré, une mer de gilets de sauvetage et plus de 200 personnes entassées à bord.

« L'émotion vous gagnera quand nous arriverons auprès d'eux », me dit le capitaine, en essuyant des perles de sueur sur son front, tout en manœuvrant notre navire militaire italien à travers les vagues. « On n'est jamais vraiment préparé. Chaque fois, c'est différent. »

En bas, une équipe de secours se prépare. Après plusieurs jours de mauvais temps, c'est leur première sortie de la semaine mais pas la dernière. En effet, avant de rentrer cette nuit, l'équipage aura porté secours à plus de 1 000 passagers en difficulté qui se trouvaient à bord de quatre embarcations différentes.

Comme de nombreux réfugiés avant eux, toutes ces personnes désespérées des hommes, des femmes et des enfants qui étaient en mer ce jour-là ont eu la chance de se trouver dans les eaux territoriales italiennes. Leur traversée d'une durée de 18 heures à travers la Méditerranée était dangereuse et, comme pour des centaines d'autres, elle a tourné au désastre. Maintenant, après avoir été repérés par le San Giorgio dans le cadre de l'opération européenne Mare Nostrum, tout ce qui leur reste à faire, c'est espérer d'être sauvés.

Les femmes, les enfants et les personnes ayant besoin de soins médicaux ont été débarqués les premiers depuis leur bateau et parmi eux, de jeunes mères. « Mon enfant peut-il avoir un peu de lait ? » demande l'une d'entre elles, maigre et épuisée, serrant dans ses bras un enfant en bas âge. « Son biberon est tombé à l'eau. »

Alors que 210 personnes sont montées à bord, j'ai pris la dame doucement par le bras et je lui ai demandé d'où elle venait. Ses yeux plein de larmes étaient injectés de sang. « Je suis originaire de la ville où la révolution a commencé », répond-elle, en faisant référence à Deraa en Syrie. « Maintenant, ma ville n'existe plus. »

Dans une zone d'enregistrement de fortune, des marins italiens s'occupaient de collecter les noms de ces personnes déracinées. « Je ne pense pas avoir rencontré en même temps des ressortissants de la République centrafricaine et du Cachemire », a souligné l'un d'entre eux, en griffonnant des noms et des nationalités. J'ai regardé la liste par-dessus son épaule. Soudan. Érythrée. Pakistan. Somalie.

Un Pakistanais de la région du Cachemire, visiblement exténué, nous explique que son nom est Khan. Agé de 54 ans, il avait été contraint à l'exil après que des attaques militaires aient déchiré sa ville d'origine. Un passeur de Lahore lui a promis « une vie meilleure en Occident » le voyage lui a coûté les économies de toute une vie.

Derrière Khan se trouvait Mamadou, âgé de 25 ans, qui avait été déplacé interne au Mali après le soulèvement et le coup d'Etat de 2012. Le marin italien a abandonné après trois tentatives pour orthographier son nom. « S'il-vous-plaît, écrivez vous-même », dit-il en lui tendant le stylo.

Mamadou, que j'ai retrouvé plus tard dans la section des hommes, m'a expliqué comment il avait fui le Mali et voyagé à travers la Libye. « Je savais que c'est très dangereux en Libye, mais j'avais entendu parler de bateaux qui vous emmènent en Italie », explique-t-il, la fatigue se lisant son visage. « J'ai saisi cette opportunité car cela fait plus d'un an que j'ai commencé à fuir. »

En l'espace de seulement six heures, l'équipage du San Giorgio a sauvé 1 171 hommes, femmes et enfants à partir de quatre bateaux. Un navire jumeau, l'Etna, a lui-même porté secours à 1 023 personnes. Beaucoup n'avaient aucune possession, d'autres serrant contre eux quelques biens précieux. Tous étaient désespérés de monter à bord.

Ils avaient tous des raisons de risquer leur vie en mer. Certains avaient fui un conflit armé dans leur pays d'origine, d'autres ont fui la persécution politique et religieuse. Certains étaient victimes de l'esclavage moderne, d'autres étaient manipulés par des gangs criminels.

Tôt le lendemain matin, j'ai fait la connaissance d'Afwerki, qui avait payé 900 euros pour son voyage en mer. Il a épuisé toutes ses économies pour payer le prix fixé par les passeurs, mais ce n'était pas assez pour obtenir également un gilet de sauvetage. Aujourd'hui agé de 25 ans, Afwerki avait fui l'Érythrée quelques années plus tôt pour éviter le service militaire. Toutefois, en tant que réfugié en Ethiopie, il ne pouvait pas « vivre librement et en sécurité », m'explique-t-il. « Je suis né du mauvais côté de la frontière. » Il continue d'espérer que sa vie va vraiment commencer en Europe.

Il y a également Anouar, 76 ans, qui a tenu le plus longtemps possible avant de fuir sa terre ancestrale en Syrie. « Je ne sais pas ce que je vais faire », me dit-il en regardant son petit-fils. « Après 75 ans dans mon pays, nous avons été obligés de fuir, moi et mes fils. Comment est-ce possible ? »

Thurayya, originaire de Lattaquié, a également dû fuir sa maison avec ses deux fils, son mari et six autres proches. En Syrie, elle était professeur d'anglais dans une école primaire. Ce jour-là, je l'ai trouvée assise dans une section où s'entassent des familles. « Quand pensez-vous que nous arriverons en Italie ? » me demande-t-elle dans un anglais parfait.

Ils ont tous la même histoire la quête désespérée d'un refuge, après avoir parcouru des centaines de kilomètres et avoir risqué leur vie en mer. Leur objectif, c'est l'Europe.

J'espère qu'elle ne les laissera pas tomber.

Plus tard, alors que nous approchions du port, un poids a disparu de leurs épaules. Là, enfin, c'était la terre ferme. Pour ces personnes affamées et épuisées, la vie allait recommencer.

Preethi Nallu est journaliste dans la presse écrite et multimédia au Moyen-Orient, en Asie et en Europe. Spécialiste des questions de droits humains et de développement, elle écrit pour Al Jazeera, Time, Newsweek ainsi que pour d'autres journaux et magazines internationaux. Son récent travail pour le HCR met en lumière le sort des réfugiés et des migrants en mer.

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Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

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