Protéger les réfugiés au sein des flux migratoires dans les Amériques

Articles d'actualité, 20 novembre 2009

© HCR/B.Heger
Franchir les frontières. Le HCR débat de la protection des réfugiés au sein des flux migratoires mixtes lors d'une conférence co-organisée par l'agence au Costa Rica.

SAN JOSE, Costa Rica, 20 novembre (HCR) La coopération entre Etats est essentielle pour relever le double défi de la protection des réfugiés et de la migration dans les Amériques, a déclaré le chef de la protection de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés devant les délégués réunis pour l'ouverture d'une conférence régionale consacrée à ce problème.

La Haut Commissaire assistante du HCR en charge de la protection Erika Feller, s'exprimant jeudi devant les représentants de 20 pays d'Amérique du Nord et d'Amérique du Sud, a insisté sur le fait que les migrants et les réfugiés ne relevaient pas de la responsabilité d'une seule organisation, d'un seul pays ou d'une seule région, mais de la préoccupation commune de tous ceux qui cherchent à protéger les droits fondamentaux des personnes en déplacement.

La conférence de deux jours, qui fait suite à des réunions régionales au Yémen et au Sénégal qui ont eu lieu ces 18 derniers mois, a été organisée pour répondre au problème des flux migratoires mixtes dans les Amériques, principalement du sud vers le nord.

Les délégués explorent aussi les moyens de mettre en ?uvre le Plan d'action en 10 points du HCR, lequel a été élaboré pour aider les gouvernements à protéger les réfugiés au sein de flux de populations de plus en plus complexes.

Des millions de personnes sont en déplacement dans le monde. Certaines cherchent de meilleures opportunités économiques ou à rejoindre leur famille. Les réfugiés n'ont pas le choix, ils fuient leur pays d'origine pour échapper à la violence ou à la persécution. Mais les migrants et les réfugiés sont de plus en plus amenés à voyager ensemble et ils ont parfois recours aux services de trafiquants et de passeurs.

La question revêt une pertinence particulière dans les Amériques où il existe une longue tradition de migration et d'asile. Le continent américain accueille quelque 800 000 réfugiés, soit environ un réfugié sur douze parmi la population totale de réfugiés dans le monde.

La plupart des migrations dans la région ont lieu à l'intérieur du continent de l'Amérique du Sud vers les Etats-Unis et le Canada même si le nombre de personnes originaires d'autres continents augmente. Certains pays des Caraïbes et d'Amérique centrale, comme le Mexique, sont désormais confrontés à des défis considérables en tant que pays de transit. Les chiffres sont difficiles à établir : on estime à 500 000 le nombre de personnes qui cherchent chaque année à se rendre aux Etats-Unis via le Mexique.

Toutes les personnes en déplacement ne sont pas vulnérables et n'ont pas besoin d'une protection internationale, mais elles ont tous des droits fondamentaux. Les réfugiés ont des droits spécifiques découlant du droit international et l'un des principaux défis pour les pays d'accueil est d'être en mesure d'identifier rapidement les réfugiés au sein des flux migratoires mixtes.

Après l'ouverture jeudi, les délégués de la conférence du Costa Rica ont discuté des moyens d'identifier et d'apporter un soutien adéquat aux personnes les plus vulnérables parmi les flux migratoires mixtes, comme les mineurs non accompagnés, les victimes de la traite et les femmes enceintes. Ils ont également débattu de la création de structures d'accueil, y compris en matière d'hébergement et de santé.

Erika Feller a déclaré que les principales préoccupations du HCR concernaient l'absence de structures d'accueil de base, le refus d'entrée dans un pays ainsi que la détention systématique et parfois prolongée de migrants, y compris de réfugiés. Elle a encouragé les pays d'Amérique du Nord et du Sud à s'appuyer sur leurs législations nationales ainsi que leurs bonnes pratiques et elle a promis que le HCR continuerait d'apporter son soutien.

La conférence de deux jours est accueillie par le Gouvernement du Costa Rica et organisée conjointement par le HCR, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Organisation des Etats américains (OEA), avec le soutien de plusieurs autres organisations internationales, notamment le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme.

Par Marie-Hélène Verney à San Jose, Costa Rica

• FAITES UN DON •

 

• COMMENT NOUS AIDER • • RESTEZ INFORMÉS •
Asile et migration

Asile et migration

Tous dans le même bateau : les défis de la migration mixte à travers le monde.

Migration mixte

Les migrants diffèrent des réfugiés, mais ces deux populations voyagent parfois côte à côte.

Magazine Réfugiés N° 148

Magazine Réfugiés N° 148

Réfugié ou migrant ? Pourquoi cette question compte

Migration internationale

Le lien qui existe entre les mouvements de réfugiés et les migrations plus larges fait l'objet d'une attention croissante.

Liens Internet autour de ce thème

Le HCR n'est pas responsable du contenu et de la disponibilité des sites Internet externes

Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan