La dépression gagne les réfugiés oubliés à la frontière entre la Libye et l'Egypte

Articles d'actualité, 26 juin 2013

© HCR/D.Alachi
Une réfugiée de la région du Darfour au Soudan avec son fils dans les bras au camp de Saloum. Les conditions sont difficiles dans le camp, avec des cas de dépression.

SALOUM, Egypte, 26 juin (HCR) Vers 9 heures un matin, Maha* s'est rendue à la clinique du camp de réfugiés de Saloum, aux portes de l'Egypte à la frontière avec la Libye. Elle s'est aspergée d'essence. Seule l'intervention rapide de volontaires de la clinique a empêché cette réfugiée soudanaise d'y mettre le feu à l'aide d'allumettes.

« Je n'ai nulle part où aller ni rien à faire. Ici la vie semble s'être arrêtée. Nous sommes dans un lieu invisible et le monde nous a tourné le dos », a expliqué Maha au HCR après sa tentative de suicide.

Le désespoir de Maha ne fait pas figure d'exception. Le camp de Saloum avait été ouvert durant la révolution en Libye pour héberger les réfugiés qui fuyaient la violence croissante. Depuis l'ouverture du camp, le HCR a procédé à la réinstallation de quelque 900 réfugiés vers des pays tiers. Mais la plupart des 900 réfugiés et des 350 demandeurs d'asile qui y sont encore présents aujourd'hui se trouvent dans une situation de vide juridique.

L'Egypte espérait décourager l'entrée de nouveaux demandeurs d'asile depuis la Libye en déclarant que toute personne arrivée au camp après le 23 octobre 2011 ne pourrait se voir proposer une réinstallation vers un autre pays. A la fin décembre, le Gouvernement égyptien a demandé au HCR de cesser d'enregistrer les personnes arrivant à Saloum pour demander le statut de réfugié. Toutefois les arrivées continuent. Il y a actuellement environ 60 personnes qui ne sont pas enregistrées et qui ne reçoivent aucune assistance.

Maha, âgée de la quarantaine, avait fui vers Saloum avec son mari le 27 octobre 2011 pour échapper à la violence et aux menaces en Libye. Or, à leur arrivée, le processus de réinstallation avait déjà été stoppé.

C'est la deuxième fois qu'ils sont déracinés. La première fois, ils avaient quitté le Soudan après que son mari ait fui un groupe armé qui l'avait recruté de force pour un conflit dans les montagnes de Nuba. Maha et son mari ont ensuite vécu en paix avec d'autres travailleurs dans une ferme de Koufra, en Libye, jusqu'à la révolution. Puis ils ont été attaqués par des révolutionnaires qui les ont accusés de soutenir feu le dictateur Kadhafi une accusation souvent émise à l'encontre d'Africains sub-sahariens qui vivent en Libye.

Cette tentative d'auto-immolation est un exemple parmi d'autres des cas de dépression dont souffrent un nombre croissant de réfugiés à Saloum. Ils attendent tous entre les frontières de l'Egypte et de la Libye une solution à leur sort. Le HCR espère des progrès dans les négociations avec les autorités égyptiennes pour résoudre cette situation.

« Les conditions de vie et de fonctionnement au camp de Saloum sont extrêmement difficiles. Nous faisons notre possible pour pouvoir fermer ce camp début 2014. Parallèlement, nous espérons parvenir à une compréhension commune avec le Gouvernement égyptien sur les procédures de demande de statut de réfugié pour les demandeurs d'asile restants », a indiqué Mohamed Dayri, Représentant régional du HCR basé au Caire.

Après près de deux ans de vie à l'intérieur du camp, des cas de dépression, d'insomnie et d'anxiété sont signalés. Ces problèmes psychologiques se traduisent en violences verbales et physiques envers le personnel médical, ainsi que les équipes chargées de la protection et de la distribution alimentaire de la part des demandeurs d'asile arrivés après décembre 2012 et qui ne peuvent plus être enregistrés.

« Le stress lié à l'absence d'espoir ou d'opportunité pour résoudre leur problème est le motif de ces violences. Depuis que nous avons l'obligation de ne pas les enregistrer, ces personnes ne reçoivent ni repas quotidien ni assistance. Pourtant nous avons fait notre possible pour attirer l'attention sur leur sort », a indiqué Dinesh Shrestha, responsable du bureau du HCR à Saloum.

Aqwal Ding* fait partie de ces personnes. Elle ne peut même pas déposer une demande de statut de réfugié. Elle s'interroge sur sa décision de venir en Egypte, mais elle n'avait aucune autre solution.

En 2010, sa fille Dalia alors âgée de sept ans a été tuée à Abyei, une région frontalière entre le Soudan et le Soudan du Sud. Craignant davantage de violence, elle a quitté le Soudan avec son mari et ses deux autres filles. Ils se sont installés à Zawiya dans l'ouest de la Libye.

Un jour durant la guerre en Libye, son mari a quitté la maison pour aller travailler et il n'est plus jamais revenu. Après des mois d'attente, Ding a fui avec ses filles vers l'Egypte. Depuis son arrivée à Saloum en décembre 2012, elle ne peut ni quitter le camp pour entrer en Egypte ni bénéficier d'une réinstallation : elle est bloquée.

« Les réfugiés à Saloum sont très inquiets de la proximité avec la Libye. L'idée d'y rester indéfiniment leur est insoutenable. L'incertitude sur leur situation combinée aux conditions très difficiles de l'attente s'ajoutent à leur désespoir », a indiqué Diane Tayebi, une psychologue. Elle est consultante et a été recrutée par le HCR pour évaluer la santé mentale de quelque 40 réfugiés dans le camp.

« Bien que ces personnes aient subi tant de revers dans leur vie, elles prennent encore le risque de refaire confiance quand elles rentrent dans la salle de consultation. Je peux toujours voir une lueur d'espoir dans leurs yeux et je m'accroche à cette petite lumière. »

*Noms fictifs pour des raisons de protection

Par Ahmad Abughazaleh et Dalia Al Achi à Saloum, Egypte

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Une foule dense à la frontière tunisienne

À la frontière entre la Libye et la Tunisie, une foule dense de plusieurs milliers de personnes attendant avec angoisse de quitter l'insécurité de la Libye s'est rassemblée dans un no man's land, du côté libyen de la frontière, le 2 mars 2011. Il s'agissait pour la plupart de jeunes hommes et principalement de travailleurs migrants originaires de Tunisie et d'Égypte. Ils cherchaient désespérément à rentrer dans leur pays d'origine ou à trouver un refuge et la sécurité en Tunisie. Après plusieurs nuits passées à la belle étoile, beaucoup étaient épuisés et affamés. Alors que la foule se pressait en direction du poste frontière, plusieurs individus ont été blessés. Le Croissant-Rouge tunisien a dispensé des soins médicaux à ceux qui en avaient besoin. Des employés du HCR se trouvaient également du côté tunisien de la frontière, en appui aux autorités tunisiennes et aux organisations humanitaires.

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Attente à la frontière égyptienne

Trois semaines après l'éruption de violence en Libye qui a provoqué des déplacements de population, des milliers de personnes sont toujours bloquées à la frontière égyptienne dans l'attente du retour vers leur pays d'origine. Beaucoup sont arrivés épuisés après avoir voyagé pendant des jours sans nourriture ni eau en quantité suffisante. Certains ont livré des récits poignants d'hommes armés faisant du porte à porte de nuit, forçant des Africains sub-sahariens à partir après avoir détruit leurs papiers d'identité et pris leur argent.

Des vols long-courriers supplémentaires vers le Bangladesh et d'autres pays asiatiques sont nécessaires afin de décongestionner la frontière, bien que les ressortissants érythréens et somaliens ne puissent rentrer chez eux. De ce fait, un grand nombre de personnes sont bloquées à la frontière depuis des jours et elles sont obligées de dormir en plein air dans le froid. Le HCR a fourni des couvertures, des matelas en plastique, de la nourriture et de l'eau potable à ceux qui attendent le rapatriement.

Plus de 100 000 personnes sont arrivées au poste frontière de Sallum depuis le début de la crise en Libye. La plupart étaient des travailleurs migrants d'Egypte qui ont réussi à passer la frontière rapidement, mais bien d'autres nationalités attendent toujours du côté libyen.

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