Le HCR exhorte l'Italie à améliorer les centres d'accueil à Lampedusa ; le bilan du naufrage s'alourdit

Articles d'actualité, 9 octobre 2013

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Le bilan du naufrage de la semaine dernière au large de Lampedusa est encore provisoire selon les plongeurs. Déjà près de 300 corps ont été récupérés.

ILE DE LAMPEDUSA, Italie, 9 octobre (HCR) Le HCR a appelé l'Italie à rénover d'urgence un centre de réception surpeuplé où sont accueillis les boat people sur l'île de Lampedusa, alors que les services d'urgence continuent de remonter des corps depuis l'épave du bateau qui git par plusieurs dizaines de mètres de fond. Le naufrage a eu lieu il y a une semaine. Au total, 156 personnes ont survécu au naufrage et 297 corps ont été récupérés, y compris ceux de nombreux enfants. Ce bilan est encore provisoire.

Laurens Jolles, le Représentant du HCR basé à Rome, a exhorté l'Italie à agir d'urgence afin d'améliorer les centres de réception pour les personnes qui arrivent par la mer. « L'Union européenne (UE) doit davantage s'engager dans la gestion des flux de migration mixte, mais il est également important que les autorités italiennes mettent en œuvre au plus vite certaines mesures urgentes », indique Laurens Jolles.

« Avant tout, il faut rénover le centre de réception à Lampedusa », ajoute-t-il, ajoutant que sa capacité d'accueil devrait être rétablie à 850, alors qu'elle est aujourd'hui de 250. Elle avait été réduite après un incendie en septembre 2011.

« La dégradation dans ce centre d'accueil est inacceptable. Des familles entières doivent dormir en plein air, même quand il pleut », souligne Laurens Jolles, qui a décrit les conditions et les services sur place comme étant en-dessous des normes européennes.

Il a également exhorté le gouvernement à assurer un transfert plus rapide des migrants et des demandeurs d'asile dans des centres d'accueil mieux équipés en Italie continentale. Laurens Jolles a indiqué que les centres de réception en Italie devraient être plus nombreux et améliorés.

Pendant ce temps, certains parmi les 156 survivants de la tragédie de jeudi dernier se sont entretenus aujourd'hui à Lampedusa avec le Premier ministre italien Enrico Letta, José Manuel Barroso, le Président de la Commission européenne, et Cecilia Malmström, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures. D'autres personnes arrivées avant cette tragédie étaient également présentes. Elles se sont plaintes de leur vie au centre d'accueil dans des conditions déplorables.

Parmi les survivants de l'une des pires tragédies de bateau de migrants en Italie, il y avait Binyam*, un jeune homme de 25 ans, qui s'exprime clairement et qui est originaire de la capitale érythréenne, Asmara. Il a indiqué au HCR qu'à 17 ans, il avait dû rejoindre l'armée dans un pays où le service militaire est obligatoire et non rémunéré.

L'un de ses frères fait son service militaire depuis 1966, sans avoir jamais pu quitter l'armée. Mais Binyam voulait une autre vie et il souhaitait se consacrer à sa passion de l'art et de la peinture. Il a donc décidé de quitter l'Erythrée. Il avait déjà fait l'armée depuis sept ans quand il a fui, comme beaucoup d'autres jeunes hommes en Erythrée. Il a entrepris son voyage vers le nord en quête d'une vie meilleure.

Il a rejoint le Soudan, le plus souvent à pied et avec seulement un peu de lait en poudre et de l'eau, pour toute nourriture. Au Soudan, il a été transféré au camp de réfugiés de Shagarab où il a passé cinq jours avant de payer un passeur pour qu'il l'emmène à Khartoum. Il espérait rejoindre son frère au Royaume-Uni ou sa sœur en Allemagne et il a sollicité en vain d'entrer légalement en Europe. Il a fini par rassembler 1 600 dollars pour payer la traversée de la Méditerranée depuis la Libye.

Après 40 jours, il a été transféré par des passeurs depuis une cachette dans la campagne vers la côte pour la traversée périlleuse en bateau qui a failli lui coûter la vie. Il était conscient du danger de traverser la Méditerranée à bord d'une embarcation de fortune et son frère l'avait pourtant mis en garde sur ces dangers. C'est pourquoi il n'a pas voulu appeler sa famille après son arrivée à Lampedusa.

Aujourd'hui, dit-il, il se sent coupable et désespéré d'avoir survécu alors que son ami Michael, dont il garde une photo, s'est noyé. Ils étaient devenus amis pendant le voyage vers l'Afrique du Nord. Binyam s'est désormais trouvé une occupation, il est l'un des trois représentants du groupe des rescapés.

Binyam est extrêmement maigre et toujours sur le qui-vive. Il avait un regard vide pendant ses deux premiers jours au centre mais maintenant il va un peu mieux. Il a survécu, mais cela ne le réconforte pas quand il pense à ceux qui ont perdu la vie.

* Nom fictif pour des raisons de sécurité

Par Barbara Molinario sur l'île de Lampedusa, Italie

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A la dérive vers l'Italie

Chaque année, la mer Méditerranée - une destination estivale parmi les plus prisées en Europe - se transforme en cimetière. Des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants s'y noient, au cours de leur tentative désespérée pour atteindre des pays de l'Union européenne (UE).

La distance entre l'île italienne de Lampedusa et la côte libyenne est tout juste de 290 kilomètres. En 2006, quelque 18 000 personnes ont traversé ce bras de mer - la plupart dans des embarcations gonflables équipées de moteurs hors-bord. Certains cherchaient du travail, d'autres voulaient retrouver des membres de leur famille ou d'autres encore fuyaient la persécution, le conflit ou les violences. Ils n'avaient pas d'autre choix que celui de fuir, en quête de sécurité, via des itinéraires clandestins.

Parmi ceux qui ont réussi à atteindre Lampedusa, quelque 6 000 d'entre eux ont demandé l'asile. Et près de la moitié ont été reconnus comme réfugiés ou ont obtenu la protection des autorités italiennes.

En août 2007, les autorités à Lampedusa ont ouvert un nouveau centre de réception pour assurer que les personnes arrivant par bateau ou secourues en mer soient accueillies dans la dignité, et hébergées de façon appropriée, et qu'elles puissent recevoir des soins de santé.

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Fuir la Libye par la mer

Des milliers de personnes, principalement originaires de l'Afrique subsaharienne, s'entassent dans des embarcations de fortune impropres à la navigation pour fuir la guerre faisant rage en Libye, leur pays d'adoption. Leur destination de choix est l'île touristique de Lampedusa, située dans la mer Méditerranée à environ 600 kilomètres au nord de la Libye. Bon nombre de ces passagers arrivent traumatisés et épuisés par la traversée en haute mer. D'autres trouvent la mort durant ce voyage.

Un migrant ivoirien décrit ainsi la vie à Tripoli avant son départ : « Il n'y avait aucun lieu en paix. On entendait des tirs partout. Puis l'OTAN a débuté les bombardements. Nous n'avions rien à manger. Des Libyens ont commencé à attaquer les étrangers la nuit, pour voler leur argent, leur téléphone mobile, tout ce qu'ils avaient... Impossible de rester là-bas avec eux. Il valait mieux prendre la fuite. »

Le HCR estime qu'une personne sur dix meurt pendant le voyage en mer. Les corps rejetés par la mer sont inhumés au cimetière de Lampedusa.

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Angelina Jolie auprès des boat people à Malte et à Lampedusa

L'Ambassadrice de bonne volonté du HCR Angelina Jolie a rejoint le chef du HCR António Guterres sur l'île italienne de Lampedusa, pour y rencontrer des boat people ayant fui l'instabilité en Afrique du Nord.

Plus de 40 000 personnes, y compris des réfugiés et des demandeurs d'asile, ont traversé la mer Méditerranée à bord de bateaux bondés et ont débarqué sur la petite île de Lampedusa depuis le début de l'année.

L'Ambassadrice de bonne volonté du HCR se trouvait auparavant à Malte, où arrivent également des personnes ayant fui l'Afrique du Nord par la mer.

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L'année dernière, plus de 13 000 personnes sont arrivées à Lampedusa en Italie. Beaucoup d'autres sont mortes durant la tentative de traversée. De jeunes hommes originaires du continent africain aux familles syriennes…. Tous partagent le même rêve…. de sécurité et de stabilité en Europe.
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L'Ambassadrice de bonne volonté du HCR Angelina Jolie et le chef du HCR António Guterres se sont rendus compte par eux-mêmes des conditions de promiscuité pour les migrants, y compris des réfugiés, à Lampedusa.
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