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Construire l'avenir grâce à l'éducation au Tchad
Articles d'actualité, 14 décembre 2015
CAMP DE RÉFUGIÉS DE DJABAL, Tchad, 14 décembre (HCR) – Bondissant hors de leur moustiquaire, Anass, 10 ans, et Zoera, 8 ans, se retrouvent dans l'air frais du matin. Il n'est que 6 h 45, mais le frère et la sœur parcourent à vive allure les allées sablonneuses du camp de réfugiés de Djabal aux allures de labyrinthe, dans l'est du Tchad.
« Vite, vite, on va à l'école! », Zoera presse Anass fébrilement. Tous deux sont des enfants soudanais nés en exil au Tchad.
Lorsque la guerre a éclaté au Darfour en 2003, leurs parents ont été obligés de quitter leur foyer pour échapper à la violence dans la région, qui a coûté la vie à plus de 480 000 personnes et entraîné le déplacement de 2,4 millions de personnes.
Cette crise et ses conséquences désastreuses sur le plan humanitaire ne font plus que rarement la une de la presse internationale, mais le Tchad continue d'accueillir 120 000 enfants réfugiés soudanais d'âge scolaire. Le gouvernement du Tchad et l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés ne les ont pas oubliés.
Un changement important est survenu en 2014, lorsque le ministère de l'éducation a décidé d'inclure les réfugiés dans le programme scolaire national afin de favoriser leur intégration, d'améliorer leur éducation et de les aider à tirer le meilleur parti des possibilités futures.
Dès qu'Anass et Zoera arrivent dans la cour de l'école, ils se mettent dans la file avec les autres enfants pour chanter l'hymne national tchadien, dans une cacophonie joyeuse. Une fois l'hymne terminé, les enfants se précipitent dans les salles de classe, où ils reçoivent un enseignement en arabe, l'une des deux langues officielles du Tchad, ainsi qu'en français.
Il n'y a pas assez de pupitres, alors Anass et ses 30 camarades de classe déroulent des nattes sur le sol. Comme dans la plupart des classes, seul le maître à un manuel scolaire; cependant, le HCR travaille pour que chaque enfant puisse bientôt disposer d'un manuel.
Le maître entre dans la classe : c'est l'heure de la leçon de lecture en arabe. Les élèves, âgés de 6 à 10 ans, lèvent promptement la main pour répondre aux questions du maître. Entre-temps, dans sa salle de classe, Zoera apprend les mathématiques; elle est occupée à résoudre une équation.
La stratégie à long terme pour l'intégration des réfugiés dans le programme national, qui comprend la formation de réfugiés soudanais au métier d'enseignant, est considérée comme essentielle à la mise en place d'une solution viable; elle intervient alors que de nombreuses familles vivent en exil depuis 10 ans ou davantage et que leurs chances de retourner au Soudan restent minces. Le partenariat du HCR avec le programme Educate A Child (EAC) de la fondation Education Above All, qui a été renouvelé aujourd'hui pour une période de trois ans, revêt une importance clé : il contribuera à relever les défis liés à cette transition décisive.
Jusqu'à présent, le programme a déjà aidé plus de 1 700 professeurs réfugiés non qualifiés à suivre une formation et à s'adapter au programme tchadien. Un contingent supplémentaire de 167 professeurs réfugiés a suivi un cours plus concentré et obtenu les diplômes requis.
Ibrahim Issakh Khamiss, 46 ans, est l'un d'eux. « Après la formation que j'ai suivie, mon enseignement est devenu plus ludique et plus vivant; par conséquent, mes élèves sont plus attentifs », dit-il. Il n'est guère contestable que la classe d'Ibrahim est la plus enthousiaste. Les voix de ses élèves résonnent dans la cour : « Ustad, ustad ! – Maître, maître! »
La chaleur est à son maximum lorsque la cloche sonne. Les étudiants roulent leur natte et se dépêchent de rentrer chez eux. Anass et Zoera dévorent une assiette de haricots. Tous les deux savourent la chance qu'ils ont d'avoir des parents qui les envoient à l'école. « Un grand nombre de nos amis n'étudient pas; ils travaillent dans les champs avec leur famille », déplore Anass. Mais d'autres camarades d'école et leur famille profitent de programmes particuliers.
Le HCR a octroyé à des familles vulnérables des micro prêts afin qu'elles aient l'argent nécessaire pour envoyer leurs enfants à l'école. Grâce à ces micro prêts, les familles peuvent créer de petites entreprises, améliorer leur niveau de vie et laisser leurs enfants aller à l'école.
Jusqu'à présent, le programme EAC a permis la scolarisation de 13 000 enfants; 30 000 autres enfants non scolarisés devraient pouvoir aller à l'école au cours des trois prochaines années, y compris 22 000 enfants non scolarisés qui bénéficieront d'allocations scolaires.
Les réfugiés soudanais apprennent l'arabe, mais ils doivent aussi apprendre le français comme seconde langue. À cette fin, 256 professeurs tchadiens ont été déployés dans les camps pour enseigner le français. Zoera et Anass n'apprennent pas encore le français, mais cela ne suffit pas à les décourager. À la nuit tombée, ils rencontrent un réfugié francophone et ils lui demandent en plaisantant : « Comment ça va, Monsieur ? » « Vous voyez », dit Anass, « très vite, nous allons être capables de parler comme un Tchadien! »
Les premiers résultats de cette évolution du programme scolaire sont déjà visibles. Aux examens marquant la fin des cursus intermédiaires et secondaires, les notes des élèves réfugiés étaient nettement supérieures à la moyenne nationale, ce qui permet à de nombreux élèves d'espérer un jour intégrer les universités tchadiennes. Ibrahim est fier de cette réussite.
« L'ignorance a mené à la guerre au Darfour », explique-t-il. « C'est contre l'ignorance que nous devons lutter. Les enfants ont besoin d'être instruits; lorsque nous retournerons au Darfour, l'instruction sera notre seul gage de paix. »
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la fondation Education Above All, veuillez cliquer ici.
Par Baptiste de Cazenove, au Tchad.